Editeur : Pocket
Nombre de pages : 180
Résumé : Déportée à 14 ans, rescapée d'Auschwitz,
Ida Grinspan nous livre son témoignage sur l'horreur des camps de
concentration. Dans un dialogue tout en pudeur, sa voix se mêle à celle de
Bertrand Poirot-Delpech. Elle lui raconte l'indicible : la faim, la peur, la
mort qui rôde. Ensemble, ils relatent également les difficultés de « l'après »,
ce douloureux retour à la vie et à l'espoir.
- Un petit extrait -
« Ma libération, mon retour à l’humanité perdue, ça aura été cela : des draps propres en zone russe, des hommes enfin « normaux » qu’on aurait envie d’embrasser, une bouffée de tabac blond qui fait tourner la tête, et la France aperçue, là, entre deux nuages, sous les ailes d’un Dakota. »
- Mon avis sur le livre -
S’il y a bien un livre dont je suis certaine
de ne jamais oublier l’arrivée dans la bibliothèque, c’est bien celui-là !
Lorsque j’étais en seconde, je suivais l’enseignement d’exploration « Santé
et social », et nos professeurs nous avaient fait participer au concours
de nouvelles « Ecrits pour la fraternité » organisé par la Ligue des
droits de l’Homme sur la thématique « Un toit pour toi, un toit pour nous,
un toit pour eux ». J’avais pris beaucoup de plaisir à écrire cette petite
histoire, et j’avais eu la chance de travailler avec une amie très talentueuse
en dessins qui s’était ainsi chargée de l’illustrer. La grande surprise a donc
été d’apprendre que la nouvelle avait été sélectionnée au niveau régional et
allait monter à Paris pour l’ultime sélection finale. C’est ainsi lors de la
petite remise des prix organisé par le jury régional que j’ai eu l’occasion de
recevoir ce petit livre, accompagné d’autres romans de poche. Et contrairement
aux autres groupes sélectionnés qui grimaçaient en constatant que les lots
étaient des livres, j’étais aux anges, d’autant plus que ce titre m’intéressait
grandement ! Ce livre fait ainsi parti des livres « à histoire »
de ma bibliothèque, ces livres pas tout à fait comme les autres dont on ne se
séparerait pour rien au monde !
Ida n’a que quatorze ans lorsque trois
gendarmes viennent l’arrêter en pleine nuit, en dépit des protestations d’Alice,
la femme chez qui elle loge depuis que ses parents l’ont envoyée se cacher à la
campagne. Après d’interminables trajets dans des wagons à bestiaux bondés, Ida
arrive au camp de Birkenau, du complexe d'Auschwitz. On lui rase la tête, on
lui tatoue un numéro qui devient sa nouvelle identité, et commence alors des
mois d’enfer. Bien des dizaines d’années plus tard, aidée, guidée et soutenue
par Bertrand, Ida raconte, elle couche sur papier ce témoignage qu’elle a si
souvent déclamée devant des hordes de groupes scolaires et d’enseignants. Son
livre est un vaccin préventif contre l’oubli, car l’oubli serait « tuer
une seconde fois » toutes les victimes de la solution finale, car « l'oubli
serait aussi intolérable que les faits eux-mêmes ».
Lire un témoignage, c’est toujours une
expérience bouleversante du point de vue émotionnel, cela n’a rien à voir avec
lire une fiction (même excellente) ou un livre documentaire (même très bien
documenté). Plus encore que dans n’importe quel autre livre, il y a un lien qui
se crée entre l’auteur et le lecteur : ici, nul narrateur pour venir s’immiscer
dans cette relation étonnante, cet échange entre le don que l’auteur fait de
son témoignage et celui que le lecteur fait de son attention. Car un témoignage
n’a de sens que s’il est reçu, attendu, peut-être. Et c’est précisément là que
se situe la force de ce témoignage : c’est comme si Ida savait ce dont le
lecteur avait besoin, dans quel ordre, et qu’elle avait orienté son récit de
façon à répondre aux interrogations du lecteur, comme si elle les avait
devinées par avance … J’avais, finalement, le sentiment qu’Ida s’adressait
directement à moi, sans aucune barrière, sans aucun intermédiaire, comme si le
livre n’était pas là mais qu’Ida était à mes côtés pour me raconter son
histoire, sa terrible histoire.
Mais, bien plus encore que l’horreur des
camps, le froid, la faim, la maladie, la mort, la peur, dont elle n’occulte
pourtant aucun détail, je retiens surtout de ce témoignage la force d’Ida. Ida
qui, à quatorze ans, se livre d’elle-même aux gendarmes venus l’arrêter afin de
protéger le mari de sa protectrice. Ida qui, à quatorze ans, refuse de donner l’adresse
de son père à l’officier chargé de l’interroger. Ida qui, à quatorze ans, ne
leur donne pas le plaisir de voir couler une seule larme sur ses joues.
Finalement, je retiens ce qu’Ida ne dit pas, car elle reste très humble et très
modeste, comme le fait souvent remarquer Bertrand Poirot-Delpech, le second
auteur. Pour Ida, sa survie ne tient qu’à la chance qu’elle a eu de faire les
bonnes rencontres, d’avoir eu autour d’elle des gens qui l’ont aidée ou
conseillée, sauvée ou guidée. Il est vrai qu’Ida a eu de la chance dans son
malheur, mais je reste persuadée qu’elle avait en elle une force qui l’a aidée
à tenir, à survivre en dépit de tout.
Il n’est pas facile de chroniquer un
témoignage : de quel droit pourrais-je « juger » une œuvre pareille ?
Ce n’est pas un roman dont on peut commenter la cohérence de l’intrigue ou la
beauté stylistique, ce n’est pas un ouvrage documentaire dont on peut commenter
la clarté des informations ou la mise en page. Je vais donc me contenter de
vous expliquer en quoi ce témoignage se démarque des autres que j’ai déjà eu l’occasion
de lire jusqu’à présent, car c’est à mes yeux un des points forts de ce
témoignage. Ida ne s’arrête pas de raconter une fois que sa libération eut été
évoquée. Elle parle également de l’« après », de son besoin de
raconter qui se heurte à une volonté de ne pas entendre, des procès, du devoir
de mémoire, de son envie de reconstruire sa vie après ce drame et des
difficultés qu’elle a rencontrées - elle qui n’avait que le certificat d’étude
en poche, comment allait-elle reprendre des études après cette longue
interruption ? Elle met bien en évidence que tout ne s’est pas arrêté le
jour où elle a retrouvé le sol français, que rien ne s’arrêtera jamais pour
elle, que ces quelques mois ont ébranlé sa vie à jamais. J’ai trouvé ce
témoignage sur « l’après » tout aussi intéressant que celui
concernant le « pendant », si l’on peut dire.
En bref, ce court témoignage, très
intéressant, est aussi et surtout particulièrement émouvant et poignant. Très
sobrement, très simplement, très succinctement aussi, Ida raconte et transmet,
elle enseigne sans s’en rendre compte, toute occupée qu’elle est à retranscrire
émotions et sensations, tellement nettement qu’on frissonne bien des fois en
imaginant l’enfer qu’elle a vécu. Et son co-auteur, Bertrand, est là pour
apporter des précisions, discrètes mais essentielles, pour aider Ida à
rassembler ses souvenirs et à les assembler pour faire naitre cet ouvrage aussi
percutant qu’important. Bouleversant, également, mais surtout pas traumatisant :
ce témoignage peut parfaitement être étudié au lycée (voire peut-être en
troisième si la maturité des élèves le permet) sans que cela ne les choque à vie.
Une lecture que je n’oublierai pas de sitôt !
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
Coucou !
RépondreSupprimerTu m'as donné terriblement envie de lire ce témoignage, moi qui ne me lasse pas d'en apprendre toujours plus sur cette terrible période qu'est celle de la seconde guerre mondiale. J'ai toujours été "fascinée", en quête de... réponses ? Je ne saurais pas expliquer vraiment... Bref, je rajoute ce bouquin dans ma wishlist sans tarder !
Je comprends parfaitement ta "quête de réponses" en ce qui concerne cette terrible période de l'Histoire. Et des réponses, ce livre t'en apportera sans doute, je pense ;)
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