Editeur : Belin-Gallimard
Collection :
ClassicoCollège
Nombre
de pages : 150
Résumé : Agé de seize ans, Hans Schwarz, fils unique
d'un médecin juif, fréquente le lycée de Stuttgart. Il est encore seul et sans
ami véritable lorsque l'arrivée dans sa classe d'un garçon d'une famille
protestante d'illustre ascendance lui permet de réaliser son exigeant idéal de
l'amitié, tel que le lui fait concevoir l'exaltation romantique qui est souvent
le propre de l'adolescence. C'est en 1932 qu'a lieu cette rencontre, qui sera
de courte durée, les troubles déclenchés par la venue de Hitler ayant fini par
gagner la paisible ville de Stuttgart.
- Un petit extrait -
« Je ne puis me rappeler exactement le jour où je décidai qu'il fallait que Conrad devînt mon ami, mais je ne doutais pas qu'il le deviendrait. Jusqu'à son arrivée, j'avais été sans ami. Il n'y avait pas, dans ma classe, un seul garçon qui répondît à mon romanesque idéal de l'amitié, pas un seul que j'admirais réellement, pour qui j'aurai volontiers donné ma vie et qui eût compris mon exigence d'une confiance, d'une abnégation et d'un loyalisme absolus. »
- Mon avis sur le livre -
J’ai eu beaucoup de chance durant ma
scolarité, car j’ai particulièrement apprécié la majeure partie des ouvrages
étudiés en cours (exception faite du Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline, lu en première
année de licence, pour lequel j’ai dû me forcer pour arriver à la fin et que j’espère
ne plus jamais avoir à relire). Mon petit frère semble avoir hérité de cette
chance : même lui qui n’aime pas lire n’a jamais eu à se plaindre du
contenu de ces lectures obligatoires ! Il m’arrive ainsi régulièrement de lui
emprunter ces romans - souvent assez courts - afin de profiter des dossiers
documentaires qui accompagnent le texte dans les éditions scolaires. Aussi,
lorsque j’ai eu besoin d’un « livre dont le thème principal est une guerre
ayant réellement eu lieu » pour valider un item éphémère de la Coupe des 4 maisons, j’ai rapidement su vers quel roman me tourner : celui qu’est en
train d’étudier le petit frère !
Nous sommes en février 1932 à Stuttgart,
ville du sud-ouest de l’Allemagne. Hans est le fils unique d’un médecin juif,
et s’il s’entend globalement bien avec l’ensemble de ses camarades, il n’a
aucun véritable ami. Tout change le jour où Conrad, héritier d’une illustre
famille allemande dont le nom inspire respect et vénération, arrive dans sa
classe. Hans le sent au plus profond de son être : Conrad est le seul
individu au monde à pouvoir réaliser l’idéal qu’il se fait de l’amitié. Il va
alors faire tout son possible pour attirer l’attention de ce jeune homme intimidant
qui semble se satisfaire de sa propre solitude. A sa grande surprise, son plan
rocambolesque aboutit, et commence alors entre ces deux garçons que tout oppose
une fantastique amitié … une amitié que la montée du nazisme va venir ébranler.
Ce récit est la preuve que les plus belles
histoires sont parfois les plus courtes et les plus simples : si l’histoire
ne fait qu’une petite centaine de pages et n’a rien d’une intrigue complexe et
compliquée, elle n’en reste pas moins étonnement puissante et émouvante. Il s’agit,
tout simplement, de l’histoire banale d’une amitié qui aurait pu l’être
également : deux jeunes hommes timides qui s’apprivoisent mutuellement
malgré leur différence de classes sociales. Comme il y a des coups de foudre en
amour, il y a également des coups de foudre en amitié, et c’est le cas ici :
pour l’un comme pour l’autre, c’est une évidence, ils doivent devenir amis,
mais ne savent pas comment s’y prendre pour faire le premier pas. J’ai
tellement apprécié la genèse de cette amitié, c’était à la fois touchant et
amusant, de voir comment ces deux grands gaillards se comportaient comme deux
jeunes filles effarouchées en présence de leur prince charmant ! Leur
amitié était solide, faite de grandes conversations sur le sens de la vie, de
comparaisons de leurs collections respectives, de longues promenades et de
sorties culturelles. Une amitié qui aurait pu, aurait dû, durer des années sans
que rien ne vienne la troubler.
Mais, et on arrive ici à ce qui fait toute la
particularité et la force de ce roman, nos deux jeunes héros se sont rencontrés
dans un contexte géographique et historique particulier : ils vivent en Allemagne
dans les années 1930, tandis qu’Hitler arrive au pouvoir et que le nazisme et l’antisémitisme
gagnent en puissance. On s’en doute, ces bouleversements politiques vont venir
chambouler cette amitié qui semblait inébranlable : les camarades de
classe d’Hans et Conrad vont progressivement rejeter Hans, soutenus par les
nouveaux professeurs partisans du nazisme qui font également tout leur possible
pour montrer au jeune juif qu’il n’est pas à sa place dans ce pays qui l’a vu
naitre, dans ce pays pour lequel son père s’est battu et a été blessé, dans ce
pays qu’il aime. Ce pays qu’il doit quitter, envoyé par ses parents aux
Etats-Unis chez un oncle jusqu’à ce que leurs « compatriotes reviennent à
la raison » selon les dires de son père. Et bien plus que la séparation, c’est
le choix de Conrad, énoncé dans une lettre, qui vient mettre définitivement fin
à cette belle amitié qui n’aura duré que quelques mois avant d’être brisée par
l’Histoire … Du moins, c’est que ce tente de se persuader le narrateur. Car
peut-on véritablement oublier une amitié si puissante, si pure, si fusionnelle ?
On ne se rend compte que l’on a dévoré ce
roman qu’une fois la dernière page tournée. Les chapitres s’enchainent à une
vitesse folle, les jours, les semaines puis les années passent sans que l’on ne
les voit défiler, jusqu’à ce que survienne cette terrible phrase finale qui
vous fait sursauter, hoqueter, éclater en sanglots. Cette histoire est courte,
terriblement courte, mais tellement percutante, horriblement frappante. Sans s’en
rendre compte, le lecteur s’attache à Hans et Conrad, et peut-être surtout,
finalement, au beau duo qu’ils forment. J’ai eu le cœur déchiré lorsqu’ils ont
été contraints de se séparer, et encore plus lorsque j’ai lu la lettre de
Conrad. L’Histoire, la cruelle Histoire, s’était immiscée entre ces deux
destins entremêlés, et c’est terriblement révoltant de voir à quel point les « histoires
d’adultes », politique et idéologies, influent sur les relations
innocentes et insouciances des enfants et adolescents qui ne demandent rien d’autres
que de vivre en paix en dépit des différences. Ce que j’ai trouvé assez
impressionnant dans ce récit, c’est que ces terribles événements ne sont évoqués
qu’à demi-mot mais que le lecteur comprend pourtant très facilement ce dont il
est question. Ce récit n’est pas un roman-documentaire ni un témoignage sur les
horreurs de la guerre, mais bien l’histoire d’une amitié ayant lieu dans ce
contexte particulier, qu’il faut donc situer pour permettre au lecteur de comprendre
le drame qui se joue à travers les mots, mais sur lequel il n’est pas
nécessaire de s’attarder plus longuement.
En bref, un petit roman particulièrement
bouleversant qui me donne terriblement envie de me procurer sa « suite »,
La lettre de Conrad, afin de
savoir comment celui-ci interprétait cette même-amitié et de mieux comprendre
certains de ces choix … et aussi de mieux saisir comment on en est arrivé à la
dernière phrase de L’ami retrouvé, cette terrible dernière phrase qui m’a chamboulée. C’est un ouvrage
qui se lit vraiment facilement, que je conseille donc volontiers aux collégiens
mais aussi à tous les lecteurs qui s’intéressent à ce pan de l’histoire ou qui
désirent lire une belle histoire d’amitié. De plus, et cela ne gâche rien, la
plume est très belle et la traduction lui fait bien honneur. J’ai trouvé
certaines phrases magnifiques, vibrantes de poésie et de force.
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
J'ai beaucoup apprécié ce court roman moi aussi, il est terriblement émouvant et bouleversant. Merci pour ton article qui me rappelle ce beau moment de lecture !
RépondreSupprimerMais de rien :)
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