Editeur : Flammarion jeunesse
Nombre
de pages : 157
Résumé : Anouck, dite Zouck, a une passion : la
danse. Qu'elle partage avec sa meilleure amie : Maïwenn. Jusqu'au jour où elle
s'éloigne l'une de l'autre. Zouck, obsédée par l'idée de perdre quelques kilos
superflus, se coupe du monde. De son côté, Maïwenn, follement amoureuse,
devient de plus en plus distante …
200ème chronique du blog !
- Un petit extrait -
« Nous vivons dans un monde où l'apparence est reine. Tant pis pour ceux qui ne sont beaux que dedans. Sinon comment expliquer qu'un expert comme Alonzo Perez se soit focalisé sur mes fesses et non sur mon bonheur de danser ? »
- Mon avis sur le livre -
Je dois bien l’avouer, j’ai beau adorer
Bottero, j’appréhendais énormément au moment de débuter cette lecture : l’anorexie
et moi, on n’est pas copines. Hospitalisée pendant plusieurs semaines à cause d’un diagnostic
erronée – certains médecins associent obligatoirement « adolescente maigre »
à « anorexique » alors que ce n’est pas la seule explication possible
–, j’ai passé mon adolescence à tenter de prouver au monde entier (sauf à mes
parents qui s’évertuaient eux-aussi à expliquer que je mangeais comme un ogre
et que non, je ne me faisais pas vomir pour compenser) que je ne souffrais pas
de cette maladie … J’ai beau être « lavée
de tous soupçons » depuis quelques années maintenant, je tressaille
toujours d’angoisse et de découragement à chaque fois qu’un médecin me scrute
et m’annonce, réprobateur, « vous êtes bien maigrichonne, vous mangez suffisamment ? ».
Du coup, toute allusion à ce trouble du comportement alimentaire m’est très
difficile à supporter … Mais voilà, j’aime tellement la plume de Bottero que j’ai
décidée de passer outre cette réticence première, et j’en suis désormais fort
ravie !
Tout va pour le mieux dans le meilleur des
mondes dans la vie d’Anouck, dite Zouck, dix-sept ans. Bonne élève, elle passe
la plupart de son temps libre avec sa meilleure amie, Maïwenn, et le reste du
temps, elle le passe à danser. Danser, ce n’est pas seulement un passe-temps,
ni même une passion, pour Zouck : quand elle danse, elle se sent vivre,
elle se sent devenir oiseau, elle se sent devenir elle-même. Mais voilà que ce
bel équilibre est brusquement rompu. Son amie s’éloigne, progressivement,
éprise d’un homme de trente ans son ainé rencontré sur internet … Et voilà qu’un
grand chorégraphe, mondialement reconnu, affirme à sa professeure de danse qu’elle
est bien trop grosse pour espérer être véritablement douée et gracieuse. Pour
Zouck, c’est la douche froide … mais surtout, c’est le début d’une véritable
descente aux enfers. Bien décidée à reprendre le contrôle de son existence,
bien décidée à perdre ces kilos disgracieux, la jeune fille s’enfonce
progressivement sur le « chemin sombre » de l’anorexie, et ceci
malgré les avertissements de sa professeure et de sa mère …
Contrairement à certains auteurs qui s’enfoncent
tête baissée dans les affreux stéréotypes du genre « toutes les jeunes
danseuses tombent dans l’anorexie », Pierre Bottero nous montre bien, avec
ce livre, que la réalité est toute autre. Ce n’est pas la danse classique qui a
fait sombrer Zouck, mais une combinaison de plusieurs choses : son
perfectionnisme, sa solitude et le regard d’autrui. Si Zouck n’avait pas
surpris, en allant chercher son gilet oublié dans le studio, la conversation
entre sa professeure et ce chorégraphe, sans doute se serait-elle contenter de
suivre un petit régime innocent comme le font bien d’autres adolescentes de son
âge. Mais voilà, le jugement de ce monsieur, qui s’affirme comme un expert en
son domaine, est venu remettre tout en question. Parce qu’on vit dans un monde
où le regard et le jugement des autres dictent tout … Pierre Bottero ne
diabolise pas la danse classique, bien au contraire, il montre bien à quel
point danser est bénéfique pour Zouck. Ce qu’il dénonce, c’est bien le dictat
de la minceur : il n’y a qu’à voir les comportements des camarades de
Zouck pour s’en rendre compte. Tandis qu’ils ignoraient complétement Zouck
quand elle avait encore « ses kilos en trop », ils se mettent tous à
lui tourner autour à partir du moment où elle a « une taille de guêpe »,
quand bien même elle est en train de mettre sa vie en danger ! Alors qu’elle
est toujours Zouck, à l’intérieur d’elle, tout le monde ne voit que l’extérieur,
et c’est atroce !
Si la plupart des ouvrages de Pierre Bottero
sont finalement assez légers et se finissent bien, celui-ci est indéniablement
plus sombre : ni Zouck ni Maïwenn ne s’en sortent réellement, on sent que
le chemin de la guérison sera très long pour les deux adolescentes … Je pense
que l’objectif, ici, n’est pas uniquement de raconter une histoire émouvante,
mais bien plus de mettre en garde : jeunes filles – et jeunes garçons,
même s’ils sont moins touchés –, méfiez-vous des idéaux de beauté et des
rencontres par internet interposés. L’instant d’euphorie que ressent Zouck
lorsqu’elle se rend compte qu’elle parvient à discipliner son corps pour le
modeler à sa guise laisse très rapidement place à la fatigue, l’apathie, le
désespoir, le besoin maladif de maigrir toujours plus, engrenage infernal qui
ne s’arrête plus et finit par contrôler celle qui cherchait à tout contrôler.
De même, la béatitude de Maïwenn, amoureuse comme on peut l’être à dix-huit
ans, est vite remplacée par la douleur de la trahison, la honte et la violence
d’une relation basée sur un mensonge et sur les mauvaises intentions d’un homme
qui n’en n’a finalement que faire d’elle. Je pense que c’est indéniablement le
roman le plus dur que Bottero ait écrit, même s’il reste beau, même si les mots
sont toujours aussi poétiques et magiques … Ce n’est pas un livre qui fait du
bien, mais c’est un livre coup de poing.
En bref, un très beau roman qui m’a énormément
bouleversée, bien plus que n’avaient pu les faire les autres contemporains de l’auteur.
C’est un livre douloureux, car on souffre pour Zouck qui se fait du mal, on
souffre pour Maïwenn dont on devine la désillusion, on souffre pour les parents
de Zouck qui ne savent pas comment faire pour l’aider, on souffre pour la
petite sœur de Zouck qui se sent parfois écrasée par la « perfection »
de son ainée, on souffre aussi pour la professeure de danse qui se sent
désemparée en voyant une élève sombrer … Ce livre aborde la question de l’adolescence,
du passage à l’âge adulte qui se profile, la question de l’amitié et de la
solitude, la question de la pression sociale qui fait de tellement de jeunes
filles des victimes de cette course à la minceur pour être acceptées et aimées …
Ici, la plume de Bottero a été mise au service de ce message de prévention,
elle est là pour nous faire saisir le mal-être de Zouck tandis qu’elle s’enfonce
dans l’anorexie mentale … D’ailleurs ce livre montre bien qu’il ne s’agit pas
uniquement d’une volonté de maigrir, mais bien d’une volonté de maigrir pour se
prouver qu’on est capable de contrôler quelque chose, nuance que l’on oublie
bien souvent …
Ce livre
a été lu dans le cadre du Challenge de l’été 2018
(plus
d’explications sur cet article)
J'avais aussi beaucoup aimé ce roman (comme toujours avec Bottero). L'histoire est très poignante.
RépondreSupprimerBravo pour la 200e chronique ! :D