vendredi 16 décembre 2016

Contrecoups - Nathan Filer



Contrecoups, Nathan Filer

Editeur : Michel Lafon
Nombre de pages : 352
Résumé : Matthew a 19 ans, et c’est un jeune homme hanté. Par la mort de son grand frère. Par la culpabilité. Par la voix de Simon qu’il entend partout, tout le temps … Matthew a 19 ans et il souffre de schizophrénie, une maladie qui « ressemble à un serpent ». Pour comprendre son passé et s’en libérer, Matthew dessine, écrit. Il raconte l’enfance étouffée par la perte, la douleur silencieuse de ses parents ; la lente descente dans la folie, l’internement … Mais aussi le quotidien parfois absurde et toujours répétitif de l’hôpital psychiatrique, les soignants débordés, l’ennui abyssal … Et le combat sans cesse renouvelé pour apprivoiser la maladie, et trouver enfin sa place dans le monde.

- Un petit extrait -

« On a tous en nous un mur qui sépare les rêves de la réalité, mais le mien est fissuré. En se tortillant, en se faisant tout petits, les rêves arrivent à passer au travers jusqu’à ce que je ne puisse plus bien faire la différence. »

- Mon avis sur le livre -

Je pense que ce n’est plus un secret pour personne : les maladies psychiques m’intéressent beaucoup et je dévore les livres traitant de ce sujet. Fort heureusement pour moi, ce type de roman est « à la mode » en ce moment, ce qui me permet de trouver assez facilement mon bonheur lorsqu’il me vient l’envie de quitter les mondes imaginaires le temps d’une lecture. J’ai acheté ce livre les yeux fermés : une couverture fascinante, un résumé intriguant, des avis enthousiastes … au premier abord, tous les éléments semblaient présents pour que ce livre rejoigne la liste des coups de cœur de l’année. Malheureusement, en dépit des nombreuses qualités de ce roman, il n’a pas réussi à faire vibrer mon petit cœur autant que je l’espérais, et je ressors de cette lecture plutôt déçue. Une bonne lecture, mais sans plus …

Pour se réconcilier avec son passé et se donner une chance d’accueillir plus sereinement l’avenir, Matthew écrit. Il écrit la mort de son frère il y a une dizaine d’années, il écrit les années de scolarisation à domicile sous la surveillance inquiète de sa mère, il écrit le quotidien aussi absurde que répétitif au cœur de l’unité psychiatrique … Il écrit la maladie, qui détruit progressivement le mur déjà fragile entre les rêves et la réalité. Sur la vieille machine à écrite offerte par sa grand-mère ou sur l’ordinateur du centre de suivi psychologique, Matthew écrit pour se défaire des souvenirs. Et peut-être, ainsi, faire un pas de plus vers une vie un peu plus « normale », moins « hospitalisée » …

Il n’y a pas à dire, cette histoire avait du potentiel. A mes yeux, le point le plus positif est indéniablement la justesse avec laquelle l’auteur évoque cette maladie ... sans vraiment l’évoquer. Pas une seule fois il nous est expliqué que « tel schéma de pensée est typique de la schizophrénie » ou encore moins « tel événement est une hallucination, tel autre s’est véritablement passé ». Non. L’auteur se contente de nous livrer les réflexions de Matthew, telles qu’elles viennent, sans rien y ajouter. Le passé, le présent, le futur même peut-être, se mélangent allègrement, se complètent, se combinent. Les pensées fusent, vivaces et insaisissables, Matthew passe du coq à l’âne en quelques lignes à peine, il se répète et se contredit parfois … Si cela semble avoir été très déstabilisant pour beaucoup de lecteurs, je dois avouer ne pas avoir été plus perturbée que cela : ayant moi-même un esprit terriblement agité qui ne sait jamais s’arrêter de penser et qui passe d’un sujet à l’autre de façon assez anarchique, je me suis sentie parfaitement à l’aise avec cette narration assez spéciale.

Mais cette plume si particulière et si proche de ma propre façon de penser ne m’a pas suffi pour me plonger véritablement dans ma lecture. Pour tout avouer, j’avais le sentiment d’être trompée sur la marchandise : certes, en lisant ce « journal intime », on sent très bien que Matthew a des difficultés psychologiques, mais les traits spécifiques à la schizophrénie n’étaient pas suffisamment visibles à mes yeux. A vrai dire, hormis une ou deux allusions précises ci et là, on pourrait très bien considérer que Matthew est atteint d’un trouble psychique pas forcément précisément diagnostiqué, comme c’est le cas pour de très nombreuses personnes souffrant de ce type de maladies. Cependant, j’aurai très bien pu faire abstraction de ce détail si le roman en lui-même m’avait particulièrement captivée. Ce qui n’a pas été le cas. Et le pire, c’est que je n’arrive pas véritablement à mettre le doigt sur ce qui m’a tellement dérangée. L’auteur n’a juste pas réussi à m’aspirer totalement dans son histoire, j’avais le sentiment de tout observer derrière une vitre sans avoir la possibilité de me plonger réellement aux côtés de personnages. Là où j’aurai voulu ressentir une vraie proximité avec Matthew, qui pourtant me ressemble sur bien des points de vue, il n’y avait qu’une distance douloureuse et dérangeante …

Objectivement, je pense que c’est un bon livre, avec des personnages intéressants, une narration originale mais vraiment surprenante, un humour sarcastique qui me plait bien, une description plutôt fidèle des milieux hospitaliers psychiatriques … mais je n’ai pas réussi à y trouver mon compte, tout simplement. Peut-être que j’en attendais un peu trop, que j’espérais un coup de cœur monumental, pour finalement me retrouver avec un récit certes intéressant mais pas exceptionnel. En résumé, une bonne lecture, mais pas une excellente. Un livre que je prendrais sans doute plaisir à redécouvrir dans quelques années, lorsque le souvenir se sera quelque peu estompé, mais que je ne relirais pas très régulièrement comme je peux le faire avec mes romans-coups de cœur. Une petite déception, certes, mais un bon livre tout de même.



Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)

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