Editeur : Actes Sud Junior
Collection : Roman ado Fantastique
Nombre
de pages : 167
Résumé : Quand Marcus et sa famille partent en
vacances dans un chalet perdu en pleine montagne, le jeune garçon de Portland a
tout de suite un mauvais pressentiment. Le danger est là, tout proche, dans
cette nature hostile et mystérieuse. Est-ce encore une de ses nombreuses peurs
obsessionnelles qui le rongent ? Ou cette Montagne Noire abrite-t-elle
réellement un terrible secret ?
- Un petit extrait -
« J’ai toujours eu peur. Comme si vivre s’apparentait à traverser une jungle hostile la nuit. Une lente procession où il est impossible de savoir où l’on pose les pieds et durant laquelle, à tout instant, une bête sauvage peut se jeter sur vous. Dès le plus jeune âge, mon esprit a développé une disposition étonnante à imaginer tous les dangers pouvant se dresser devant moi. […] Inventer le pire, c’était, me semblait-il, me préparer pour survivre. Une peur en remplaçait une autre dans un ballet incessant et inéluctable. Et puis, les peurs devinrent La Peur. »
- Mon avis sur le livre -
A la bibliothèque, en trainassant un peu au
fin fond des rayonnages inexplorés, on tombe parfois sur de petites perles. Des
perles légèrement poussiéreuses après avoir passé des mois sans connaitre les
mains attentionnées d’un lecteur captivé, mais des perles tout de même. Je
pense que je peux classer sans aucune hésitation Ses griffes et ses crocs dans cette catégorie : ce tout petit
livre très méconnu a un potentiel de folie et je ne comprends pas pourquoi il n’a
pas fait plus parler de lui ! J’ai directement été attirée par cette
tranche bleue au titre si intriguant, puis par cette couverture sublime à la
sobriété fascinante, et enfin par ce résumé si prometteur et si angoissant.
Pour tout dire, il n’a pas fait long feu : en une après-midi, c’était
fini, il était déjà sorti de la pile-à-lire et rejoignait la pile-à-chroniquer.
Et pour être parfaitement honnête, j’ai repoussée autant que possible cette
rédaction, car il y a tant de choses à dire que j’ai peur de m’y perdre …
Marcus, dix ans, souffre de troubles obsessionnels
compulsifs (TOCs pour les intimes). Sa douleur est d’autant plus forte que ses
difficultés empiètent sur la vie quotidienne de son entourage et engendrent des
conflits toujours plus dévastateurs entre ses parents et sa sœur ainée. Aussi n’ose-t-il
pas protester lorsque ses parents, sur les conseils avisés de son thérapeute, décident
d’’organiser des vacances dans un chalet au fin fond de nulle part, en
compagnie d’amis de la famille. Et pourtant, ils ne sont pas encore arrivés à
destination que, déjà, les angoisses se font plus fortes, les peurs plus poignantes.
Et au fur et à mesure que les jours passent et que des événements toujours plus
inquiétants se produisent, son pressentiment ne fait qu’augmenter … Et si,
cette fois-ci, ce n’était pas uniquement son cerveau qui imaginait tous ces
dangers ?
La première chose qu’il faut signaler à
propos de ce roman, c’est la justesse avec laquelle il évoque les TOCs, ces
troubles aussi envahissants que méconnus. Ce livre ne se contente pas de les
mettre en scène pour se démarquer des autres et servir l’intrigue, massacrant
au passage toute la complexité de cette maladie, comme cela peut parfois être
le cas dans la littérature jeunesse ; non, il les présente avec un
réalisme déroutant. Par le biais de ce petit garçon qui est intimement persuadé,
au plus profond de son âme et de son cœur, que briser certains rituels risque d’entrainer
des catastrophes, l’auteur met en évidence la souffrance intérieure de ces
malades, souffrance amplifiée par l’incompréhension qui règne dans la société à
l’encontre de ces troubles : trop souvent, on a tendance à minimiser l’importance
de ces angoisses, à les considérer comme des caprices d’enfant gâté qui cherche
à se faire remarquer, et par conséquent, à inciter la personne à « prendre
sur elle » pour arrêter d’enquiquiner le monde, sans se douter une seule
seconde de la douleur qui pèse alors sur ces personnes. Ici, l’auteur cherche à
faire comprendre que non, un individu atteint de TOCs n’affabule pas et que
non, ce n’est pas lui rendre service que de le pousser à briser les rituels qui
lui permettent de contourner ses angoisses. Ce roman invite également le
lecteur à mesurer les implications de ces problèmes, pas uniquement sur la
personne concernée mais également sur son entourage : il faut trouver des
parades, aménager la vie quotidienne ... il faut trouver un arrangement avec
ces angoisses profondes pour ne pas laisser à celles-ci la possibilité d’empêcher
tout acte de la vie courante. A mes yeux, c’est l’un des points les plus
positifs de ce récit : proposer une véritable leçon de compréhension et de
tolérance à l’encontre de ces personnes qui peinent à cohabiter avec cette
angoisse permanente.
Dans la même optique, j’ai été époustouflée
par la façon dont l’auteur a réussi à rendre vivantes et authentiques les
relations qui unissent les personnages entre eux. Dans ce roman, rien n’est
tout noir ou tout blanc : aucun personnage ne déteste foncièrement un
autre, mais ce n’est pas l’amour fou non plus. Tout est question de complexité,
de nuance, d’évolution permanente. Et c’est brillamment mené. Même si l’histoire
est centrée sur Marcus, tous les protagonistes sont mis en avant à un endroit
ou à un autre, et les liens qu’ils entretiennent les uns envers les autres
prennent une importance capitale dans l’intrigue. J’ai particulièrement été
touchée par Sam, un adolescent trisomique qui a toujours été protégé et stimulé
par ses deux cadets et qui n’a qu’une envie : devenir un jour le grand
frère qu’il aurait dû être pour eux, ne plus être ce fardeau dont il faut sans
cesse s’occuper et qu’il faut sans arrêter surveiller. Lia aussi m’a émue,
cette jeune fille rebelle et cassante avec son entourage mais finalement si
fragile, brisée par l’attention que tout le monde porte à son petit frère et
par les conflits qui ne cessent d’éclater entre ses parents, par sa faute
uniquement lui semble-t-il. Le roman est court, moins de deux-cent pages, et
pourtant j’ai le sentiment de bien connaitre Marcus, Sam, Lia, Paul et Mary,
comme s’ils étaient des amis qui venaient me murmurer des confidences à l’oreille
durant la nuit. Je me suis attachée à eux, parce qu’ils sont éminemment humains,
avec leurs peurs et leurs doutes, avec leur fragilité.
Et soyons parfaitement honnête, la vraie
particularité de ce petit livre, c’est bel et bien son ambiance. Et quelle
ambiance ! Dès les premières pages, le lecteur lui-même ne se sent pas en
sécurité : tout nous est présenté comme hostile, angoissant, dangereux. Et
au fur et à mesure que les chapitres s’enchainent, que les événements toujours
plus inquiétants ont lieu, la tension monte et fait frémir le lecteur au
moindre petit bruit environnant. Ce n’est clairement pas un roman à lire au
milieu d’une clairière au cœur de la forêt, vous risqueriez bien de hurler de
frayeur tandis que le buisson en face de vous bruisse au passage d’une petite
souris inoffensive ! Il est question de légendes anciennes, de spiritisme,
de Bête assoiffée de vengeance, de disparitions inquiétantes … Il fait nuit, le
tonnerre gronde, le vent souffle, les animaux fuient et l’eau courante est
remplacée par de l’acide … Et voilà que tout cela est vécu au travers du regard
d’un enfant que tout effraye, d’un petit garçon paniqué qui ne parvient plus à
gérer ses angoisses intérieures combinée à cette peur partagée avec les autres.
Et franchement, franchement, ce n’en est que plus terrifiant. Je dois avouer
que pas une seule seconde je me suis doutée de ce qui se cachait derrière tout
cela, j’étais persuadée d’être plongée au cœur d’un véritable thriller
fantastique alors que finalement … les apparences sont tellement trompeuses, et
rien de tout cela n’est ce que l’on pensait être. Brillant, une fois de plus,
et la tension dramatique est admirablement bien gérée !
En bref, un petit livre qui semble bien innocent
au premier abord mais qui fera frissonner d’appréhension tous les lecteurs un
tant soit peu trouillards. Une ambiance digne des thrillers les plus
terrifiants, des personnages d’une complexité et d’une profondeur rares, une
narration qui sème le doute dans l’esprit du lecteur, tous ses ingrédients
combinés et savamment mélangés donnent un coup de cœur monumental qui m’a
littéralement secouée. Ajoutez à tout ceci l’évocation brulante de réalisme de
troubles psychologiques trop souvent dénigrés ou minimalisés, et vous
obtiendrez un roman jeunesse qui mériterait d’être plus connu ! Alors n’hésitez
plus : allez donc voir si votre bibliothèque ne le possède pas dans ses
étagères ! Je vous le promet, votre temps ne sera pas perdu !
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
Coucou !
RépondreSupprimerJe suis tombée sur ce livre par hasard en librairie et l'ai pris un peu par défaut car rien d'autre ne me branchait. Même si j’émets plus de réserve que toi, j'ai plutôt apprécié ma lecture. J'ai trouvé qu'il manquait de crédibilité et la fin est trop wtf pour moi (je parle pas de la révélation finale mais des péripéties des personnages). Par contre j'ai aimé la profondeur des relations entre les jeunes héros et le fait que l'auteur aborde des thématiques qui sont souvent délaissées dans les romans jeunesse comme les tocs par exemple (et le reste...).
A bientôt !
Kin
Effectivement, vers la fin, ça part plus dans le fantastique que dans le réaliste, mais ça ne m'a pas choqué car ça marche franchement bien avec l'ambiance.
SupprimerMais je suis d'accord, les relations entre les personnages sont juste terriblement profondes et complexes à souhait !
j'ai adoré cet ouvrage je suis collégien en 4° et il était bien fait
RépondreSupprimerRavie qu'il t'ai plus autant qu'à moi, alors ;)
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