dimanche 14 janvier 2024

Les Chroniques occultes, tome 4 : Nid d’espions à Canton - Guy-Roger Duvert

Les chroniques occultes4, Guy-Roger Duvert

Nid d’espions à Canton

 Editeur : Autoédition
Nombre de pages : 305
Résumé : Au cœur des ruelles envoûtantes de Canton, des palaces coloniaux aux fumeries d’opium, des casinos luxueux à l’ombre des pagodes et des temples millénaires, nos quatre investigateurs se retrouvent au milieu d’un jeu dangereux entre espions de différents pays, afin de récupérer des données liées à de sombres savoirs impies. Une enquête qui les mènera à s’attirer l’ire de cultes séculaires et à devoir affronter des créatures dont ils ne connaissaient que de vagues descriptions : les goules...

 Un grand merci à Guy-Roger Duvert pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

 

- Un petit extrait -

« Comme vous le savez, mon contact, un ressortissant britannique du nom de Corbyn, était disposé à me céder le texte de Cresci, potentiellement riche en enseignements concernant cet Ordre de Janus, qui au XVIe siècle aurait utilisé comme signe le ralliement le même symbole que celui que vous avez trouvé dans les ruines du Bengale dédiées à Nyarlathotep. Malheureusement, notre homme semble avoir disparu. J’avais rendez-vous avec lui il y a trois jours, et il n’est jamais venu. Après renseignement, il semblerait qu’il n’ait plus donné signe de vie depuis une semaine, maintenant. »

- Mon avis sur le livre -

 Mars 1935. Pas de repos pour les braves : laissant derrière eux le delta du Bengale et les Indes Britanniques, Milton, Kristen, Lillian et Howard embarquent pour Hong-Kong. Ils y retrouvent une autre membre de la Miskatonic, qui leur fait part de son inquiétude : son contact sur place, supposé lui remettre un document particulièrement important - et potentiellement dangereux s’il se retrouve entre de mauvaises mains -, ne donne plus signe de vie depuis plus d’une semaine. Sans tarder, nos quatre compagnons se remettent en route : cap pour la concession internationale de Canton. C’est là, au cœur d’un imbroglio diplomatique où les espions de tous pays jouent au chat et à la souris, que nos quatre explorateurs commencent leur enquête … Sans se douter qu’ils vont, une nouvelle fois, se retrouver entourés de dangers surnaturels. Entre une fumerie d’opium où disparaissent des corps et un cimetière où se tient une macabre cérémonie nécrophile, il n’y a parfois qu’un pas …

Après l’explosion d’action de l’opus précédent, il faut bien reconnaitre que celui-ci fait « pale figure » en comparaison : c’est le calme après la tempête, et probablement avant la suivante. Tome de transition plus qu’autre chose, il permet au lecteur de reprendre doucement son souffle … pour ensuite le tenir en haleine. Il a beau se passer moins de choses dans ce volume que dans les précédents, et tout le côté fantastique a beau passer au second plan, on est tellement dans l’attente continuelle de voir les choses dégénérer que l’on ne peut s’empêcher de dévorer chaque chapitre en se demandant si c’est dans le suivant qu’un occultiste fou va débarquer avec un rituel infernal. Il y a, bien sûr, toujours cette petite pointe de déception quand on se rend compte que non, pas encore, mais cela n’entache en rien le plaisir de lecture. Il faut dire qu’on a fini par s’attacher aux personnages, et le simple fait de voyager « en leur compagnie » suffit à rendre la chose agréable : c’est toujours un plaisir de les voir se dépatouiller de situations qui semblent assez inextricables, de les voir entremêler leurs réflexions pour parvenir à une « révélation » collective, de les voir aussi, parfois, en arriver aux mêmes conclusions par divers chemins lorsqu’ils se séparent.

Il faut dire que comme souvent chez Guy-Roger Duvert, les machinations des uns s’entrelacent aux quêtes des autres, et tout ceci forme une immense trame, une improbable toile d’araignée aux ramifications parfois surprenantes : au premier abord, on se demande bien en quoi les expérimentations scientifiques pour le moins douteuses et contre-nature d’un savant allemand peuvent bien être reliées aux cérémonies nécrophiles et nécrophages d’un petit village où personne ne semble vieillir ni mourir … Sans vraiment le vouloir, c’est bien souvent dans une fourmilière bien plus vaste et plus dangereuse qu’ils ne pouvaient l’imaginer que nos quatre compagnons vont sauter à pieds joints : ils ont beau s’armer de prudence, face aux forces occultes et aux trafics bien rôdés, il suffit d’une seconde d’inattention pour se retrouver dans une cage ou même dans un cercueil ! L’avantage de n’être que lecteur, spectateur, c’est qu’on profite de toute cette adrénaline sans jamais être en danger : assurément, je ne tiendrais pas une seule seconde à la place de nos quatre héros, qui s’en sortent peut-être parfois trop « facilement », il est vrai, mais c’est aussi ce qui fait le charme de cette saga. Il y a clairement un petit côté « Indiana Jones », une petite pointe de « kitch » qui vient contrebalancer les côtés plus sombres et horrifiques à la Lovecraft : un mélange surprenant mais que j’apprécie énormément !

Il me semble difficile d’en dire plus sans en dire trop, je vais donc m’arrêter là : vous l’aurez bien compris je pense, même si ce n’est pas forcément mon tome préféré car il ressemble bien plus à un « simple » policier qu’à un véritable roman fantastique, j’ai tout de même passé un excellent moment en compagnie de Milton, Kristen, Lillian et Howard. Comme toujours, j’ai apprécié la plume de l’auteur : simple mais efficace, sobre mais très visuelle. On a vraiment cette impression d’être pleinement immergé dans le récit, de en pas pouvoir s’en sortir car plus le temps passe, plus on ressent cette urgence, cette tension qui monte, plus on a envie de savoir comment tout ceci va se dénouer, comment ils vont bien pouvoir s’en sortir. Guy-Roger Duvert fait indéniablement parti de ces auteurs qui savent parfaitement bien comment jouer avec les nerfs de ses lecteurs, comment les faire s’impatienter, comment les surprendre, comment les frustrer également : comme toujours, c’est au moment où on se dit « oh, ça y est, les choses sérieuses commencent pour de bon » que surgit l’horrible mention « suite dans le prochain tome » ! Vivement la suite, vivement !

mardi 2 janvier 2024

Jonathan Sato et les chroniques d’Alméria - Jean-François Morin

Jonathan Sato et les chroniques d’Alméria, Jean-François Morin

 Editeur : Le lac aux fées
Nombre de pages : 466
Résumé : Jonathan, Emy et Jany poursuivent leur voyage pour rejoindre Alméria, le Royaume des Fées. Sur cette île coupée du monde, où l’alchimie subsiste depuis plus de cent ans, les jeunes dragonniers doivent mettre en sécurité les armures d’or et continuer leur apprentissage à cette science oubliée. Pour atteindre leur objectif et traverser la mer d’Eresda, ils vont devoir embarquer à bord du Maelstrom, le bateau pirate du tant redouter Pow Rickmort. Mais pourquoi Samérion a-t-il fait appel à cet homme à la sinistre réputation ? Nos jeunes héros ne tarderont pas à le savoir…

 Un grand merci à Jean-François Morin pour l’envoi de ce volume.

 

- Un petit extrait -

« En pleine nuit, mon père entra dans ma chambre pour me réveiller. Mais à vrai dire, je ne dormais pas. J’étais à la fois triste et excité. Triste, car ce nouveau départ qui se profilait m’éloignait à nouveau de mes parents. Et excité, car en compagnie d’Emy et de Jany, j’allais naviguer en mer pour la première fois et, qui plus est, à bord du Maelstrom ! Ce bateau pirate qui terrifiait tant de marins … »

- Mon avis sur le livre -

 Après avoir exploré en secret de mystérieux souterrains, découvrant ainsi les secrets des alchimistes, et avoir crapahuté au cœur de grandioses montagnes pour récupérer les légendaires armures d’or de ces derniers, l’heure est venue pour Jonathan, Emy, Jany et leurs dragons respectifs de voguer à bord d’un majestueux navire pirate. Direction : Alméria, l’île des fées et des alchimistes blancs ! Les trois enfants sont à la fois surexcités par cette nouvelle aventure, tristes d’être une nouvelle fois séparés de leurs parents et effrayés par la guerre alchimique qui se profile : ils ont tout autant envie de découvrir les merveilles de ce petit bout de terre perdu au milieu de l’océan que de retrouver leur petite maison et les attentions délicates de leur maman … Mais ils n’ont pas le choix : ils doivent à tout prix mettre en sécurité les armures d’or si laborieusement retrouvées, et poursuivre leur difficile apprentissage de l’alchimie, afin d’être prêts à lutter contre Odon Lémoras et ses cruels partisans. Les trois enfants parviendront-ils à maitriser leurs nouveaux pouvoirs avant qu’il ne soit trop tard ?

Avec ce troisième opus, on pourrait presque dire « on prend les mêmes et on recommence », tant nous sommes dans la continuité des deux premiers : nous retrouvons cette ambiance en clair-obscur, où l’insouciance enfantine de nos trois petits héros côtoie l’approche inexorable d’un conflit qui promet d’être sans pitié. Il y a, d’un côté, l’enthousiasme et l’émerveillement de ces trois enfants fins prêts à vivre une toute nouvelle aventure, et de l’autre, leur peine et leur peur à l’idée d’être une nouvelle fois séparés de leurs parents pour se jeter la tête la première dans ce monde sur le point de connaitre une nouvelle guerre alchimique. Malgré leur jeune âge, Jonathan, Jany et Emy ont bien conscience qu’ils ne sont pas en voyage d’agrément, ils savent très bien que le danger est bel et bien présent, et ils savent également qu’un jour ou l’autre, ils seront amenés à prendre part au conflit. Et même s’ils ont grandis entourés de chevaliers-dragons et qu’ils ont toujours eu envie d’en devenir à leur tour, ils se rendent compte que ce n’est pas si facile, d’être un héros … J’ai beaucoup aimé cette dualité en eux : il y a à la fois ce désir profond de devenir de valeureux chevaliers-dragons et de brillants alchimistes blancs, et cette envie de redevenir de simples enfants qui ne font que jouer à être de valeureux chevaliers-dragons et de brillants alchimistes blancs au lieu de l’être pour de vrai

À vrai dire, je crois que c’est ce que j’aime le plus dans cette saga : le fait que nos héros soient de jeunes enfants. Cela apporte vraiment une touche de légèreté et de lumière : bien plus que les adultes, les enfants ont un cœur profondément généreux, un désir authentique de faire le bien et de bien faire, une volonté farouche de voir le bien, le bon et le beau vaincre … et une certaine forme de candeur et de naïveté, car ils croient encore, justement, que le mal ne peut jamais gagner, car ils ont encore cette foi en la gentillesse et en la grandeur de l’être humain. Cette insouciante espérance est profondément touchante, et d’une certaine manière quelque peu désarmante. En tant qu’adulte, on a tout à la fois envie de préserver coute que coute cette innocence, et envie de les avertir que les choses sont rarement aussi simples et aussi belles pour leur éviter une cuisante désillusion. On est à la fois jaloux de leur candide bonheur, de joyeuse inconscience, et honteusement fier de savoir quelque chose qu’ils ignorent encore, comme si c’était une victoire que d’avoir réussi à « surmonter » (si cela est possible) cet effroyable apprentissage de la terrible réalité. Les enfants sont bien moins compliqués, bien moins hypocrites, et ils font donc des héros bien plus « authentiques », bien plus inspirants également ... On a encore plus envie de les voir réussir, de les voir gagner, on tremble encore plus pour eux quand tout semble perdu, on exulte encore plus avec eux quand tout s’arrange.

Et dans ce tome, on tremble autant qu’on exulte. Il y a vraiment des moments effroyables où on a le sentiment que tout est perdu, que l’ennemi est décidément et définitivement plus fort, que plus rien ne pourra faire pencher la balance en faveur du « camp des bons » … Il faut dire qu’on a fini par baisser la garde : cette île semblait si tranquille, si sûre, on ne pouvait pas imaginer que même là, la rancœur et la jalousie allaient grignoter les cœurs, et on ne pouvait pas concevoir que l’ennemi allait venir jusque-là. Un peu comme nos petits héros, on avait finalement l’espoir qu’ils aient trouvés sur cette île un véritable havre de paix, un lieu où chacun et tous avaient appris à vivre dans le respect, l’harmonie et l’équilibre. Parce qu’on aimerait croire que c’est possible, que la paix est possible … on a besoin d’y croire, je pense. Mais malheureusement, inévitablement, il y a toujours un grain de poussière qui vient gripper le mécanisme bien rodé, il y a toujours quelqu’un pour éprouver une insatisfaction, une frustration, et pour transformer cette dernière en colère et en violence. Et même si, tout comme Jonathan, on ne peut que comprendre le désarroi de certains, je trouve cela assez triste et déplorable que les moyens d’actions choisis soient toujours la brutalité et la cruauté. Triste, déplorable, mais pourtant si humains. Tristement et déplorablement humain …

Heureusement pour le lecteur, qui a déjà suffisamment de raisons de déprimer en écoutant quelques secondes les informations au journal télévisé, il y a dans cette saga un côté intensément plus lumineux, plus réjouissant. Il y a, en premier lieu je pense, l’amitié et l’amour familial. Plus cela avance, plus je suis émue par le lien qui unit Jonathan et sa petite sœur Emy. À chaque fois que Jonathan, en dépit de toute sa pudeur et sa maladresse affective typiquement masculines, se préoccupe de sa petite sœur, s’efforce de la protéger et de la réconforter, je sens mon petit cœur fondre : c’est si beau, si tendre. J’ai également été très touchée par les scènes où nos petits héros sont avec leurs parents : bien souvent, les romans insistent sur les conflits entre les pré-ados et leurs parents, alors que là, il n’y a que la joie de se retrouver, le désir farouche de se protéger, la tendresse et la complicité. Cela fait du bien, de voir une famille unie ! Et je n’oublie pas l’Amitié, qui mérite ici je pense une majuscule : pour Jonathan, l’Amitié, c’est sacré. Pour un ami, Jonathan est prêt à mourir … ou à tuer (même si, et j’en suis très heureuse et soulagée, cet acte n’est jamais banalisé et encore moins valorisé). Et Jonathan ne laissera jamais tomber un ami, qu’il soit de longue date ou à peine rencontré. Aux yeux de certains, tout ceci ne sera peut-être qu’un « ramassis de bons sentiments », mais pour ma part, c’est vraiment que chose que j’aime tout particulièrement dans cette saga, et ce tome est plein de belles scènes d’amitié !

En bref, vous l’aurez bien compris je pense : à l’instar des deux premiers opus, celui-ci m’a pleinement convaincue et énormément plu. Alors bien sûr, je l’admets bien volontiers, on reste dans de la fantasy jeunesse plutôt « classique », il n’y a rien de particulièrement extravagant, audacieux ni même original, mais cela n’empêche clairement pas l’intrigue d’être passionnante. On a beau y retrouver des schémas bien connus, des retournements de situations parfois prévisibles, rien de tout cela n’entache le plaisir de lecture : on se laisse entrainer, tout simplement, on se laisse émerveiller, on se laisse surprendre, on se laisse effrayer … L’espace de quelques centaines de pages, on retrouve quelque peu notre âme d’enfant, on vit par procuration une fabuleuse aventure, une incroyable épopée pleine de magie et de mystère. Et même si j’ai trouvé la fin quelque peu précipitée, clairement moins aboutie que tout ce qui précédait, cela ne m’empêche nullement d’avoir terriblement envie que la suite sorte au plus vite, car j’ai vraiment hâte de savoir comment tout ceci va évoluer ! On en redemande, clairement ! Et impatiemment !

vendredi 22 septembre 2023

Extinction, tome 1 - Guy-Roger Duvert

Extinction1, Guy-Roger Duvert

 Editeur : Autoédition
Nombre de pages : 307
Résumé : L’univers est rempli de civilisations extraterrestres éteintes. Et s’il y avait une raison terrifiante à ce qu’aucune ne soit parvenue à survivre ? Les Archéonautes, premiers Terriens à quitter le système solaire pour partir à la découverte de ruines d’une multitude de civilisations disparues, guidés par leur curiosité et une soif inextinguible de connaissance, vont tenter de percer ce mystère dans l’espoir de voir l’humanité être la première civilisation à échapper à ce destin funeste.

 Un grand merci à Guy-Roger Duvert pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

 

- Un petit extrait -

« Or, [ils] avaient apparemment tiré une conclusion terrifiante de cette découverte : selon eux, il y avait une explication au fait qu’aucune civilisation n’ait finalement jamais survécu. Si certaines devaient se développer et se maintenir suffisamment longtemps, alors quelque-chose était là pour s’assurer de leur extinction. [Leurs] dirigeants, conscients du niveau de progrès réalisé par leur société, et selon leurs dires ne devinant aucune raison pour leur monde de s’éteindre, voyaient donc cette menace inconnue comme très concrète. S’ils devaient disparaître un jour, ce ne serait pas du fait de leurs propres errements, mais bien à cause de ce danger mystérieux.  »

- Mon avis sur le livre -

 Il s’en est fallu de peu, mais l’humanité a évité le pire : l’ombre d’une troisième guerre mondiale, qui planait depuis bien des décennies, est définitivement écartée, et la paix règne à nouveau autour du globe. L’heure est à la Confédération planétaire : malgré ses défauts, cette organisation politique mondialisée permit au genre humain de faire face aux pandémies et aux flux migratoires sans que n’éclate de nouveaux conflits meurtriers. Mais une menace rôde toujours, toute aussi forte si ce n’est plus : surexploitée, à bout de souffle, la Terre devient chaque jour qui passe un peu plus inhospitalière, un peu plus hostile à la vie. A la vie humaine tout particulièrement. Durant un temps, la découverte et l’exploitation d’une technologie extraterrestre sur Mars permit aux hommes de résoudre l’épineuse question du manque d’énergie … Mais reste toujours celle, toute aussi problématique, du manque de ressources : à force de puiser sans vergogne dans le capital terrestre, sans laisser à la planète la possibilité de se reposer et de reconstituer ses réserves, l’humanité aveuglée par sa frénésie de croissance et de consommation, d’insouciance et de loisirs égoïstes, a signé son propre arrêt de mort. Prise à la gorge, la Confédération lance alors une mission de grande ampleur : envoyer quelques scientifiques aux confins de l’univers pour traquer cette mystérieuse civilisation extraterrestre …

Retour aux sources du space-opera avec cette nouvelle saga : nous retrouvons ici plusieurs postulats de base de la saga Outsphere du même auteur, même si l’ambiance est clairement moins morose, presque optimiste. Sans avoir résolu l’intégralité des problèmes, l’humanité est parvenu à maintenir une certaine forme d’équilibre : la mise en place d’une Confédération planétaire, quoiqu’étant une solution imparfaite, s’est avérée être la seule capable de mettre fin aux nombreux conflits latents qui menaçaient de mener à une troisième guerre mondiale. La paix règne à nouveau sur le globe, forcément fragile, mais préservée coute que coute. La découverte inopinée de ruines, et surtout de technologies avancées, extraterrestres sur le sol de Mars constitua un deus ex machina parfait pour résoudre la question de l’énergie, devenue capitale pour subvenir à la demande toujours croissante des hommes. Pacifiée, rassasiée, l’humanité semble pouvoir prospérer à nouveau, libérée de toute entrave, de toute contrainte, de toute crainte. De toute ? A vrai dire, pas vraiment : nous ne sommes pas dans une utopie à la Bisounours où tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il reste un gros problème, un énorme problème gros comme une planète : la Terre a fait de son mieux, mais elle n’est plus capable de fournir aux hommes toutes les ressources dont ils ont besoin. C’est fini. Elle a atteint ses limites, elle ne peut plus rien offrir : l’humanité vit à crédit, sans pouvoir rembourser sa dette. L’avis d’expulsion, ou plutôt d’extinction, se rapproche inexorablement ….

Il faut donc trouver une solution. Et vite. Du moins le plus vite possible. Les fameuses ruines extraterrestres trouvées sur Mars ont prouvé que l’univers connait, ou du moins a connu, au moins une autre grande civilisation. Quelque part dans le cosmos, vit ou a vécu une autre espèce intelligente, plus avancée même que nous autres humains. Peut-être auront-ils une solution à notre problème, peut-être pourront-ils nous aider. Et si ce n’est eux, du moins leurs vestiges. Tout est bon à prendre. Et c’est ainsi qu’une petite équipe de scientifiques, surnommés les Archéonautes, est envoyée au fin fond de l’espace pour chercher – et trouver – ces êtres extraterrestres ou les ruines de leur civilisation. L’exploration spatiale est déjà quelque chose d’assez fascinant (même si je dois honnêtement avouer faire partie de ceux qui n’ont pas très envie que l’homme aille bousiller une autre planète après avoir détruit la nôtre, on a fait assez de dégâts comme cela, laissons donc le reste de l’univers en paix), mais quand on y ajouter la perspective d’y trouver d’autres formes de vie intelligentes, on arrive vraiment à quelque chose d’incroyable. Je peux vraiment comprendre l’excitation des héros de cette histoire : non seulement ils savent que les résultats de leur recherche contribueront à améliorer la vie de l’humanité (et peut-être même à la sauvegarder purement et simplement), mais en plus ils auront peut-être la chance de faire la connaissance d’autres êtres intelligents ! « Sommes-nous seuls dans l’univers ? » est assurément l’une des plus grandes questions qui hantent l’homme depuis les origines, juste après l’interrogation métaphysique cruciale « y a-t-il quelque chose après la mort ? » …

D’ailleurs, et c’est quelque chose que j’ai vraiment apprécié dans ce récit et qui le rend très différent d’Oustphere en dépit de leurs ressemblances initiales, ces deux questions finissent ici par s’entremêler, subtilement, magistralement. Car même si nous sommes avant tout dans ce qui se veut être une incroyable et formidable grande aventure spatiale, avec de l’action et du rebondissement à répétition, il y a vraiment un petit côté « philosophique » en arrière-fond. Car derrière la quête de nos Archéonautes, qui cherchent donc à comprendre comment il est possible de trouver des ruines extraterrestres sur Mars sans parvenir à établir un moindre contact avec cette civilisation extraterrestre, se pose finalement en arrière-fond la question de l’avenir de notre propre civilisation : sommes-nous immortels, non pas en tant qu’individus, mais en tant que société ? Tout ce que nous avons construit, et dont nous sommes si fiers, ne finira-t-il pas par devenir des vestiges figés dans le temps de notre existence éphémère ? Peut-être que dans des centaines de milliards d’années, des « archéonautes extraterrestres » viendront à leur tour visiter notre petite planète désolée et étudiera notre société à travers les traces matérielles que nous aurons laissées. Allons-même plus loin : quelle image voudrions-nous donner de notre humanité, quelles traces souhaiterions-nous laisser ? Avons-nous réellement envie que ces potentiels extraterrestres du futur en viennent à la conclusion que nous avons été des parasites qui ont gâché l’intelligence qui leur a été donné en détruisant leur planète, en surconsommant de manière hystérique et aveugle, en nous abrutissant nous-mêmes dans l’utilisation d’une technologique qui finira par nous dépasser ? Individuellement et collectivement, qu’allons-nous laisser derrière nous ? La question est ouverte …

En bref, vous l’aurez bien compris, une fois encore, Guy-Roger Duvert m’a pleinement convaincue. Comme toujours, il nous offre un récit passionnant, palpitant, riche en rebondissements, en coups de théâtre, en explosions d’adrénaline et en révélations incroyables : on ne peut clairement pas s’ennuyer quand on lit du Guy-Roger Duvert ! C’est le genre de roman qu’on n’arrive pas à lâcher, qui nous font répéter « aller, encore un chapitre, un seul », encore et encore, jusqu’à tourner la dernière page sans même s’en être rendu compte. C’est le genre de roman qui se lit « vite et bien », à la narration tellement fluide qu’on n’a même pas conscience qu’on est en train de lire : c’est presque comme si le film se déroulait sous nos yeux à chaque mot que nos yeux survolent, c’est dynamique, vivant, incroyable ! Mais comme toujours également, à demi-mots, sans vraiment en avoir l’air, c’est un roman qui dit énormément de choses de notre société, qui pose sans les poser vraiment beaucoup de questions. On peut, bien sûr, se contenter de le voir comme un simple récit d’aventure interplanétaire, mais on peut très facilement également aller plus loin, voir les enjeux qui se cachent derrière cette « simple » histoire. La porte est ouverte à de grandes et longues réflexions, aux débats également. Et personnellement, c’est vraiment cet aspect-là que j’ai le plus apprécié : les livres sont peut-être des prismes qui nous aident à déchiffrer le monde dans lequel nous vivons, qui nous poussent à nous y intéresser et à forger nos propres opinions en prenant un peu de recul. Et en cela, la science-fiction est idéale : en nous « voyant » à partir du futur, nous sommes quelque peu « contraints » de nous remettre en question … Ou à faire l’autruche, à chacun de voir.

dimanche 9 juillet 2023

La Bibliothèque, tome 3 : Aimer - Pauline Deysson

La Bibliothèque3, Pauline Deysson

Aimer

 Editeur : Autoédition

Nombre de pages : 592

Résumé : À 20 ans, trahie, blessée, Émilie ne croit plus en elle et pénètre à contrecœur dans son troisième livre-rêve : un labyrinthe aux voies protéiformes. Pour la première fois, des rêveurs l'accompagnent. Tour à tour adversaires, guides ou amis, ils la conduisent vers le centre du dédale... Et vers la clé de ses pouvoirs. Mais la barrière entre les mondes s'effrite, et la réalité de Jean se rapproche dangereusement du rêve d'Émilie. L'accompagnerez-vous ?

 

Un grand merci à Pauline Deysson pour l’envoi de ce volume.

 

- Un petit extrait -

« J’en ai assez ! Assez de souffrir aveuglément pour un combat qui n’est pas le mien. D’abord vous écrivez pour moi un livre merveilleux où je sauve le Technomonde grâce à la magie, ensuite vous m’envoyez sans aucun avertissement dans un autre rêve inspiré du passé, où je suis vouée à perdre une guerre que je ne peux empêcher. Non contente de manipuler mes émotions sous le prétexte de faire de moi une Bibliothécaire, vous permettez à Jean d’entrer dans mon livre. Vous le laissez posséder mon âme. Et tout cela pourquoi ? Parce qu’en plus d’abandonner tous mes idéaux, il était important que je sache quelle menace votre ancien apprenti représente. Vous jouez avec moi ! »

- Mon avis sur le livre -

 D’aussi loin que je puisse me souvenir, la lecture faisait en quelque sorte partie de mon identité : je me présentais comme une « grande lectrice » avant tout. Je ne pouvais imaginer, concevoir, ma vie sans les livres, et il ne me serait jamais venu à l’esprit que, peut-être, un jour, je m’éloignerai de la lecture. Et pourtant. Pourtant, imperceptiblement, ces derniers mois, voire même ces dernières années, mon rapport à la lecture a évolué. Il m’arrive parfois de passer plusieurs jours sans lire, happée que je suis pas mes autres occupations, perturbée que je suis par le bouleversement incessant de mon quotidien. J’en suis la première surprise et attristée, mais la lecture n’est plus le pivot de mes journées. Je n’arrive plus à me plonger dans un livre avec autant d’intensité qu’avant, je ne ressens plus cette joie infinie au moment de me laisser happer par une histoire : d’une certaine façon, je pense que je suis brusquement devenue plus exigeante, qu’à force de lire, j’ai fini par faire le tour de ce que les auteurs avaient à me proposer. Les « modes » littéraires actuelles ne me correspondent pas, je n’ai plus forcément la curiosité de tester de nouveaux genres. Alors je me contente des auteurs et sagas que je connais et apprécie déjà, espérant ainsi raviver quelque peu cette flamme qui s’est tarie … Et quoi de mieux qu’un petit tour dans la Bibliothèque pour essayer de retrouver le gout de la lecture, n’est-ce pas ?

Blessée au plus profond de son âme, de son cœur, de son être, par son deuxième livre-rêve, Emilie voit toutes ses certitudes voler en éclat en même temps que ses idéaux : à quoi bon faire rêver nuit après nuit les hommes, puisqu’ils ne se souviennent jamais de leurs songes ? que peut-elle leur apporter de bon, elle qui n’a su empêcher la guerre à Alma et qui a assassiné un gomme au nom d’une conviction ? Désillusionnée, la jeune Apprentie Bibliothécaire ne sait plus qui elle est vraiment, et encore moins qui elle veut devenir : elle ne sait plus ce qu’elle veut, ce qu’elle vaut. Elle qui croyait pouvoir changer le monde, rendre heureux tout le monde, fait désormais face à la plus terrible des désillusions : quoi qu’elle fasse, elle ne pourra jamais garantir paix et bonheur à tous les hommes, car les désirs des uns briseront ou écraseront les besoins des autres, car les êtres humains sont d’éternels insatisfaits aux souhaits volatiles. Alors quel est le sens de son existence, quel rôle est-elle appelée à jouer ? Poussée par son mentor, Emilie s’apprête à entrer dans son troisième livre-rêve : un labyrinthe sans cesse changeant, au cœur duquel elle trouvera son être véritable, découvrira les réponses à toutes ses questions. Mais cette fois-ci, Emilie ne sera pas seule : c’est accompagnée de rêveurs qu’elle arpentera ce dédale insaisissable … sans savoir ce qui l’attend véritablement au bout du chemin, au bout du rêve.

Plus que jamais, diverses intrigues se mêlent et s’entremêlent, dans un entrelacs délicat mais parfois difficile à suivre : d’un côté, il y a l’apprentissage d’Emilie au cœur de la Bibliothèque, ce lieu hors du temps et de l’espace où les âmes des hommes endormis viennent chercher des songes ; de l’autre, il y a le Technomonde et tous ses habitants, persuadés d’être libres et heureux, enfermés dans une illusion passive tandis que Jean fomente dans l’ombre son ultime projet ; et entre les deux, il y a les nombreux rêves qu’Emilie partage avec les rêveurs, les innombrables tentatives pour atteindre le cœur du labyrinthe. Les réalités se mélangent, au point de devenir parfois impossibles à distinguer : parfois, Emilie ne sait plus si elle est dans un rêve, dans sa réalité, dans celle du rêveur. Parfois, le lecteur lui-même doit y réfléchir à deux fois avant de démêler le vrai du faux, avant de reconstituer le cours des choses, car contrairement aux deux premiers opus dans lesquels le livre-rêve occupait quasiment tout le roman et se faisait d’un bloc, ici, Emilie passe sans cesse de la lecture à la Bibliothèque. C’est à la fois brillant et quelque peu déconcertant, en somme … à la fois plaisant et déroutant. Ce n’est assurément pas un livre que l’on peut lire « pour se détendre », il faut avoir l’esprit alerte et être pleinement présent pour ne pas se perdre.

Et cela d’autant plus que, plus que jamais également, tout l’enjeu se situe finalement dans le cheminement intérieur de notre jeune Emilie. On est définitivement dans un récit initiatique aux accents métaphysiques : à l’aube de l’âge adulte, la jeune femme se retrouve confrontée aux grandes questions de l’existence. Elle a besoin de savoir qui elle est, mais aussi qui elle veut devenir. Elle a besoin de savoir si sa route est déjà toute tracée devant elle, pour elle, ou si elle a la possibilité de tracer son propre chemin, son propre destin. Elle a pris conscience, douloureusement, que ses choix ont des conséquences, que même les meilleures intentions du monde peuvent entrainer souffrance et mort autour d’elle, qu’il ne suffit pas de vouloir bien faire pour effectivement bien faire … et n’ose désormais plus avancer. Elle a peur d’elle-même, peur de ne pas prendre les bonnes décisions, peur de faire plus de mal que de bien, peur de ne pas pouvoir suivre ses intuitions. Elle a également pris conscience qu’il n’existe pas de monde idéal, de monde parfait, que la liberté, la justice et le bonheur sont des armes autant que des desseins, que la nature humaine est pleine de noirceur … mais aussi de douceur. Car après avoir perdu toutes ses illusions, Emilie doit désormais retrouver foi en l’avenir, en la vie, en l’amour. En elle-même. Sans se laisser entrainer à nouveau dans l’utopie : le juste équilibre est si difficile à trouver, sans doute même inatteignable, mais elle doit retrouver le désir d’y tendre, la force de se battre.

Il faut bien le reconnaitre : ce n’est pas un livre qui plaira à tout le monde. On pourrait aisément de lasser de ces interminables tergiversations, de ces incessantes introspections. Même moi, j’ai parfois eu le sentiment que nous tournions un peu trop en rond, que sur le plan narratif, il aurait peut-être été judicieux de condenser un peu les choses au lieu de trainer ainsi en longueur. Je suis pourtant la première à préférer les personnages qui doutent, qui se remettent en question, qui changent d’opinion, qui avancent à tâtons dans la jungle de la vie … mais j’ai parfois éprouvé une certaine lassitude, l’envie et le besoin d’un peu plus de dynamisme. Un peu d’action. J’aurai finalement aimé que l’intrigue avance un peu plus. Bien sûr, il y a eu quelques confrontations oniriques entre Jean et les Bibliothécaires, mais pour le reste … en pas loin de six-cent pages, nous n’avons pas beaucoup progressé dans l’histoire. Tout semble presque en être au même point qu’au début du roman, tant les choses bougent imperceptiblement : encore une fois, c’est brillamment mené, c’est de plus très joliment narré, mais ça peut parfois être un peu frustrant, et presque ennuyeux. Comme dans tout, il y a un équilibre à trouver, et je dois bien avouer avoir trouvé que le récit aurait été plus fluide sans ces quelques longueurs. Rien de grave, mais je préfère prévenir ceux qui aiment les histoires « qui swinguent » : ils risqueraient d’être déçus.

En bref, vous l’aurez bien compris : c’est un troisième tome qui tranche un peu avec les deux précédents. Sans doute parce que nous sommes pile au milieu de la saga, sans doute parce que nous sommes arrivés au point de bascule : il y avait un Avant, il y aura un Après. Emilie ne sera plus jamais la même, désormais : elle est enfin prête à embrasser sa destinée, librement, enfin débarrassée de ses ultimes chaines, de ses doutes, de ses craintes. Je me demande bien ce que cela va entrainer pour la suite de l’histoire … et j’ai drôlement hâte de voir ce que cela va donner ! En étant parfaitement honnête, j’espère vraiment que les tomes suivants seront un peu plus « énergiques » que celui-ci, et qu’Emilie ne se perdra plus autant dans ses interminables réflexions : c’est bien de se poser des questions, surtout quand on a un tel pouvoir (et donc de telles responsabilités), mais en tant que personnage de roman, il serait tout de même bon qu’elle n’oublie pas le lecteur et son désir de vivre à son tour de folles aventures ! Pour ma part, j’ai très envie de botter les fesses de Jean, alors elle a intérêt à le faire pour moi dans un avenir relativement proche, parce que je n’ai malheureusement pas la chance de pouvoir me glisser dans les livres comme elle pour le faire à sa place !