samedi 30 octobre 2021

L'Oeuf de la Destinée, tome 1 : Le Crépuscule des Varms - Toba Jolt

L’œuf de la destinée1, Toba Jolt

Le crépuscule des Varms

 Editeur : Librinova

Nombre de pages : 335

Résumé : Denegan est un Varm, un homme-félin des grandes forêts du Nord. Un jour, son frère et lui découvrent un œuf à l’aspect inhabituel. Les deux jeunes Varms le subtilisent mais peu de temps après, une horde de violentes créatures déferle sur leur village. Seul survivant, Denegan fait la rencontre d’un homme qui semble détenir des réponses. Pour la première fois, il doit quitter sa forêt natale. L’œuf semble être au cœur d’une indéchiffrable prophétie. Entre compagnons de route inattendus et embûches mortelles, il tente de percer les secrets qui entourent l'objet magique...

 Un grand merci à Toba Jolt pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

 

- Un petit extrait -

« Je me nomme Renard, pour vous servir. Voleur, espion, contrebandier, alchimiste mais aussi acrobate, poète, barde, inventeur de génie… Il m’arrive même de rempailler des chaises ! Uniquement pour dépanner, cela va de soi… »

- Mon avis sur le livre -

 Parmi les nombreux paradoxes qui régentent la vie des grands lecteurs, permettez-moi de citer celui qui me semble le plus … surprenant. D’un côté, le grand lecteur cherche avidement un livre qui ne ressemble à aucun de ceux qu’il a déjà lu : il veut de l’originalité et de l’audace, de l’inconnu et de la nouveauté. Mais de l’autre, le grand lecteur est irrésistiblement attiré par tout livre comparé à tel ou tel ouvrage ultra connu et réputé pour être un archétype du genre … Prendre des risques, oui, mais finalement, il n’y a rien de plus réconfortant que de savoir où l’on met les pieds ! D’ailleurs, n’est-ce pas de cette manière que les grands lecteurs se conseillent les uns aux autres ? « Oh, tu as aimé ceci, dans ce cas, je suis sûre que tu aimeras cela ! », se dit-on souvent, des étoiles pleins les yeux en réalisant ces comparaisons littéraires qui, bien souvent, représentent l’argumentation la plus efficace pour convaincre un ami de découvrir notre dernier coup de cœur en date. Pour ma part, il y a souvent un hic : beaucoup d’ouvrages de fantasy nous sont « vendus » en les comparant au célèbre Seigneur des anneaux … que je n’ai toujours pas lu ! Donc dans mon cas, l’argument fonctionne à l’envers : je présume que si j’aime tous les ouvrages comparés à ce fameux Seigneur des anneaux, j’apprécierais surement ce dernier le moment venu !

A l’instant même où son infernal frère adoptif l’a embarqué à sa suite dans cette expédition tout ce qu’il y a de plus interdite et dangereuse, Denegan a senti un mauvais pressentiment s’immiscer dans tout son être : quelque chose allait mal tourner, très mal tourner. Le pauvre Varm était bien loin de se douter à quel point sa prédiction allait s’avérer juste … Tandis que les deux adolescents retournent chez eux, en possession d’un très mystérieux œuf noir qu’ils viennent de dérober dans une caverne, leur village est sauvagement attaqué par une horde de créatures plus meurtrières que jamais. Seul rescapé de ce carnage, Denegan ne doit sa survie qu’à l’intervention inespérée d’un Homme, qui lui apprend être à la recherche de ce fameux Œuf, objet d’une prophétie et de toutes les convoitises. Dévasté par la mort des siens, mais bien décidé à protéger cet artefact qui représente tout ce qui lui reste de son défunt frère, Denegan accepte de l’accompagner jusqu’au cœur de l’Empire, là où aucun homme-félin ne s’est aventuré depuis bien des générations, depuis qu’ils se sont exilés loin de la folie des Hommes, des Nains et des Elfes … Tout en découvrant l’immensité et la complexité d’un monde dont il ignorait tout, le jeune Denegan se retrouve sans le savoir au beau milieu d’un conflit qui dépasse tout ce qu’il est capable d’imaginer.

Le résumé ne laissait planer aucun doute : l’auteur nous offre un bon vieux récit d’heroic fantasy à l’ancienne, avec des Orcs et des Nains, des Elfes et des Trolls … mais aussi avec une bonne vieille prophétie des familles, la menace imminente des ténèbres et l’arrivée attendue d’un élu de la lumière. En résumé, la bonne vieille lutte entre le bien et le mal, le bon et le méchant, l’héroïsme et l’égoïsme. En somme : tout ce que j’aime. Alors oui, certains diront que c’est du « vu et revu », et je ne peux pas leur donner complétement tord … mais est-ce forcément un mal ? A mes yeux, point du tout : c’est d’ailleurs quelque chose d’incroyable de constater que des dizaines et des dizaines d’auteurs se sont basés sur ce même schéma, et sont tout de même parvenus à rendre leur ouvrage fondamentalement différent de tous les autres. Car ce qui fait toute la différence, c’est que chaque auteur est unique : par conséquent, chacun apporte un éclairage tout à fait unique de cette sempiternelle lutte entre les forces du mal et celle du bien, entre les partisans des ténèbres et ceux de la lumière. Chacun réutilise à sa manière cet archétype ancestral, chacun y apporte son petit grain de sel, sa petite touche personnelle, prouvant que l’originalité se situe parfois dans un petit rien, discret mais efficace, et pas seulement dans les idées si innovantes qu’elles en deviennent parfois incompréhensibles.

Ici, donc, l’auteur a su rester sobre : il aide le lecteur à se sentir comme chez lui en balisant l’univers d’éléments familiers. Des Elfes arrogants, des Nains avares et des Hommes conquérants : on connait, on sait donc à quoi nous en tenir. Et puis, nous avons les Varms, un peuple d’hommes-félins qui ont eu la sagesse de se retrancher dans la Grande Forêt, bien loin des incessants conflits qui ne cessent de secouer les autres peuples. Les Varms ne connaissent rien des fléaux qui empoisonnent l’esprit des autres habitants du monde : la soif de pouvoir, de richesse, de puissance, l’ambition, la trahison, la duplicité, la cruauté. Ils vivent une existence paisible, où nul ne cherche jamais à nuire à son voisin, où chacun œuvre pour le bien de tous et trouve son bonheur dans le bonheur commun. Pas de jalousie, pas de conflit. Dans notre monde où règnent la violence et où chacun cherche à écraser l’autre pour s’assurer la meilleure place au soleil, on ne peut que rêver d’une telle sérénité … et les plus cyniques ne manqueront pas de rappeler aux plus rêveurs qu’il ne s’agit que de pure fiction. Les plus empathiques, quant à eux, seront sans doute comme moi et éprouveront de la peine pour ce pauvre Denegan, qui non seulement se retrouve seul au monde, endeuillé, mais va également être livré en pâture à ce monde barbare, lui qui était tout épris d’une innocence fort touchante.

Car Denegan est un héros comme je les aime : humble et doux, généreux et juste. Il ne recherche pas la gloire, il ne court pas après les honneurs. Il m’a été très facile de m’identifier et donc de m’attacher à lui, car ses incompréhensions rejoignent les miennes, ses valeurs rejoignent les miennes. Moi qui peine à comprendre mes semblables, je me suis senti très proche de cet homme-félin perdu au milieu de ce monde si complexe dont il ne comprend pas les rouages. J’ai été très touchée par sa candeur, sa naïveté même : Denegan est tout simplement incapable de concevoir, donc d’anticiper, la moindre tromperie, la moindre tricherie, la moindre traitrise. Certains jugeront peut-être qu’un héros aussi « droit », aussi « parfait », est agaçant : pour ma part, c’est tout le contraire, c’est justement cela qui le rend aussi rafraichissant. Notre monde aurait bien besoin de ce modèle de héros : il n’est pas héroïque car il se jette sans fléchir dans une bataille sanguinolente, mais parce qu’il n’hésite pas à affirmer qu’il n’est pas d’accord avec la façon dont fonctionne le monde. Il est héroïque car il ose s’opposer à ce qui lui semble injuste, cruel. Quand bien même on essaye de lui faire comprendre que « c’est ainsi que va le monde ». Il refuse la fatalité, et estime que c’est à chacun d’œuvrer pour construire un monde plus juste et plus serein, où personne n’aurait à craindre le lendemain. Mais une chose est sûre : ce n’est pas demain la veille que notre brave Denegan vivra dans un monde pareil …

En bref, vous l’aurez bien compris, malgré son apparente « banalité », c’est un premier tome incroyablement prometteur que nous offre l’auteur. L’histoire n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements, malgré les nombreux rebondissements qui rythment le récit, mais les fondations de la saga sont désormais bien posées. Les personnages principaux sont présentés, les enjeux sont exposés, le lecteur tourne donc la dernière page avec une seule envie : celle de se jeter sur la suite, qui n’est malheureusement pas encore sortie à l’heure où j’écris ces quelques lignes. Car l’auteur est vraiment très doué pour nous faire oublier tout ce qui nous entoure, pour nous immerger totalement dans ce monde à la fois si lointain et si familier, pour nous faire trembler de peur et soupirer de soulagement aux côtés de Denegan et de ses compagnons. L’auteur a une très belle plume, ni trop simple ni trop sophistiquée : tout juste ce qu’il faut pour donner ce donner ce petit style « à l’ancienne » qui nous donne le sentiment qu’un conteur itinérant est en train de nous relater une lointaine légende au coin du feu. Si vous aimez l’heroic fantasy dans toute sa splendeur, les récits ni trop sombres ni trop légers, les héros un peu atypiques et les personnages secondaires mystérieux, je ne peux que vous conseiller vivement de vous plonger dans cette fabuleuse épopée de L’œuf de la destinée : je vous assure que vous passerez un excellent moment de lecture !

mercredi 27 octobre 2021

The Old Republic, tome 2 : Complots - Paul S. Kemp

The Old Republic2, Paul S. Kemp

Complots

 Editeur : Pocket

Nombre de pages : 376

Résumé : Dark Malgus sert un but, la guerre, et un maître, le Côté Obscur, pour lesquels il s'apprête à mettre à feu et à sang la Cité galactique. Il a détruit le Temple Jedi de Coruscant en leurs noms, dans une bataille historique au cours de laquelle le Maître Ven Zallow a été assassiné. Mais à l'heure des machinations politiques, l'Empereur n'a plus besoin de son champion et cherche à le faire disparaître... Et il n'est pas le seul. Une jeune Jedi est prête à tout pour venger la mort de son Maître, elle s'appelle Aryn Leener et elle ne reculera devant aucun sacrifice, quitte à enfreindre toutes les règles.

 

- Un petit extrait -

« La puissance du Sith se heurta à la volonté de la Jedi. Les éclairs s’enroulèrent autour des lames étincelantes. Pendant un instant, l’intensité de l’assaut stoppa la descente naturelle de la jeune femme et elle resta suspendue dans l’air, perchée sur une colonne invisible qui devait tout au Côté Obscur. Puis elle prit le dessus. Les éclairs se dissipèrent dans le néant et elle retomba, indemne, sur un tas branlant de gravats. Elle se reçut sans problème et désactiva le sabre laser de Maitre Zallow. »

- Mon avis sur le livre -

 En l’espace de trois ans, je n’aurai lu que trois romans de l’univers « Star Wars Legend », soit un par an seulement … Et j’en ai encore plus d’une centaine qui attendent dans ma pile à lire, sans compter tous ceux que je n’ai pas encore réussi à me procurer ! Si je veux venir à bout de mon challenge personnel « Que la Force soit avec moi » avant de mourir, il va vraiment falloir que je m’y mette un peu plus sérieusement … Et cela d’autant plus que j’envisage, par la suite, de me tourner vers l’univers dit « Officiel » : autant vous dire que j’ai du pain sur la planche ! C’est vraiment ce genre de constatation qui me fait prendre conscience que je dois vraiment lever le pied sur les challenges Livraddict : je me suis vraiment laissé submerger, et désormais, je n’arrive plus à tout concilier … Et même si ces-dits challenges m’ont parfois aidée à sortir de ma zone de confort, à me tourner vers des livres que je n’aurai sans doute pas lu de moi-même, il est grand temps désormais de m’autoriser un peu plus de souplesse et de liberté ! C’est pourquoi je vais désormais essayer de lire un roman Star Wars par mois, ou maximum tous les deux mois, et ce même s’il y a encore pleins de trous dans ma collection, vu que certains bouquins sont introuvables à des prix « décents » (désolée, mais je ne payerai jamais 150€ pour un livre de poche, c’est quand même abusé de la part des revendeurs).

Jamais jusqu’à présent les tensions entre la République Galactique et l’Empire Sith n’avaient été aussi fortes … Alors même que des négociations en faveur de la paix se tiennent sur Alderaan, la jeune Chevalière Jedi Aryn Leener sent qu’une horrible catastrophe est sur le point de se produire. En effet, à l’autre bout de la galaxie, le Seigneur Sith Dark Malgus est à la tête d’une cinquantaine de guerriers Sith bien déterminés à anéantir leur cible : le Temple Jedi de Corruscant, joyau et cœur de l’Ordre du Côté Lumineux. Dans sa soif sanguinolante et guerroyante de chaos et de violence, Dark Malgus assassine joyeusement le Maitre Ven Zallow … De faction devant la salle des négociations, Aryn ressent la mort de son Maitre, de son guide spirituel, de son père adoptif : une souffrance telle qu’elle n’en a jamais ressentie, une douleur si intense qu’elle fait naitre en elle l’envie irrésistible de venger celui qui lui a tout appris, celui qui a toujours veillé sur elle. Laissant derrière elle sa mission, laissant derrière elle les pourparlers de paix qui se poursuivent malgré cette ignoble et traitresse attaque, Aryn rejoint la seule personne qui puisse l’aider à passer le blocus impériale pour rejoindre Corruscant : Zeerid, ancien soldat de la République devenu contrebandier pour financer les soins médicaux de sa petite fille …

Disons-le tout net : des trois romans que j’ai lu jusqu’à présent, celui-ci est indiscutablement le moins bon. Il n’est pas mauvais, mais il est clairement un cran en-dessous des deux précédents : il est, en somme, plutôt quelconque, tant sur le fond que sur la forme. Pour faire simple, j’ai tout du long eu le sentiment de « regarder » l’histoire à travers une vitre blindée : je « voyais » les événements se dérouler devant mes yeux, « j’entendais » tout au plus les propos des protagonistes, mais le tout d’une façon terriblement lointaine et détachée. Un peu comme si l’auteur s’était contenté de retranscrire objectivement des faits, sans tenter d’impliquer émotionnellement le lecteur. Il a manqué cette petite étincelle qui nous donne véritablement le sentiment de vivre par procuration les aventures (ou mésaventures) des personnages, qui nous donne d’une certaine manière l’impression de les accompagner tout au long de leurs péripéties, de trembler ou pleurer avec eux, de rêver ou se réjouir avec eux. Ce n’est pas un mauvais roman, juste un roman qui manque, en quelque sorte, d’âme : l’histoire n’est pas dénouée de dynamisme ou de tension, mais elle ne parvient pas à nous faire réellement vibrer comme on peut l’attendre d’un récit qui tourne autour du deuil et de la soif de vengeance …

Car voilà bien le cœur de l’intrigue : d’un côté, nous avons Dark Malgus, qui escomptait bien assouvir sa soif de puissance et de gloire en menant ce sanguinaire assaut surprise contre le Temple Jedi et qui se voit au contraire déchu au rang de subalterne gênant à cause de son attachement pour une esclave non-humaine, et qui en conçoit une colère sombre, et de l’autre nous avons Aryn Leener, jeune Chevalière Jedi empathique qui vient de perdre son Maitre et père adoptif, et qui ne supporte pas de rester sans rien faire alors que le Conseil Jedi continue de parler de paix avec cet Empire Sith qui les a pris en traitre … C’est une histoire qui a le mérite de rappeler que rien ni personne n'est jamais totalement blanc ou noir, absolument bon ou mauvais, parfaitement obscur ou lumineux. Qu'il suffit parfois d'un tout petit rien pour faire naitre une étincelle de douceur dans l'âme la plus corrompue par la haine et la violence ou une étincelle de haine et de violence dans un cœur pourtant supposé servir la justice et la paix. Bien qu’ils ne soient pas plus touchants ou attachants que cela, nos deux héros sont intéressants justement parce qu’ils sont tout en nuances, en clair-obscur si l’on peut dire. Bien loin du cliché qui veut que Star Wars soit très manichéen, on découvre ici toute la complexité de la nature humaine qui ne se laisse finalement jamais enfermée dans une seule case.

Et à côté de cela, nous avons également la quête de Zeerid : Zeerid est en quelque sorte un « gars normal », qui ne se bat pour aucun idéal mais seulement pour parvenir à subvenir aux besoins de sa fille, gravement blessée dans un accident. C’est sans doute le personnage qui m’a le plus touchée, sans doute car il est bien plus proche de nous autres lecteurs, qui tout comme lui ne maitrisons pas la Force. Embourbé jusqu’au cou dans les dettes, Zeerid n’a qu’une seule idée en tête : s’assurer que sa petite fille soit heureuse. Sa plus grande hantise, ce n’est même pas de la laisser orpheline, puisqu’elle pourra toujours compter sur sa tante pour prendre soin d’elle s’il lui arrivait quelque chose, c’est bien plus encore que quelqu’un découvre son existence et lui fasse du mal pour exercer une pression sur lui … C’est peut-être celui qu’on a le plus envie de soutenir, celui pour qui on espère réellement une fin heureuse, car c’est juste un père aimant, rien de plus ni de moins, et même s’il a parfois été obligé de faire des choix qui le hanteront jusqu’à la fin de sa vie, on le sent pleinement droit dans ses bottes, fidèle à ses principes. Il vient d’une certaine façon équilibrer un peu la folle escalade de haine et de violence qui entoure Malgus et Aryn, il vient contrebalancer ce conflit latent qui ne demande qu’à exploser en apportant un enjeu plus « terre à terre », d’une certaine façon.

En bref, vous l’aurez bien compris, même si je regrette une certaine banalité dans l’intrigue et une certaine froideur dans la narration, j’ai globalement été ravie de m’envoler à nouveau dans cette « galaxie lointaine, très lointaine ». S’il manque un peu de vie, d’émotion, il faut bien reconnaitre que ce roman ne manque aucunement de rythme, d’action, de tension : chapitre après chapitre, tandis que se rapproche inexorablement le moment fatidique où le Sith et la Jedi seront face à face, tandis que se rapproche inexorablement l’instant crucial où la brutalité de l’un se heurtera à l’hypersensibilité de l’autre dans une lutte sans merci, on sent vraiment la pression qui enfle, doucement mais sûrement. Alors on tourne les pages, frénétiquement, compulsivement, envahi d’un mélange d’excitation et d’appréhension : d’un côté, on a envie de cette apothéose, mais de l’autre, on en a peur. On redoute d’autant plus une fin trop classique, trop commune. Mais sur ce point, sur ce point seulement peut-être, l’auteur a vraiment su surprendre, prendre au dépourvu, prendre à contrepied nos projections … Et c’est vraiment excellent : c’est une fin qui en frustrera sans doute certain, car elle apparait presque comme un non-dénouement, rien n’étant totalement résolu, mais pour ma part, je l’ai trouvé tout simplement parfaite, idéale. Tout en clair-obscur, elle aussi, et c’est finalement bien pensé au vue de l’intrigue dans son ensemble : cette fin, elle rehausse un peu le tout à elle seule, d’une certaine façon !

samedi 23 octobre 2021

La guerre des clans, cycle 5, tome 5 : Une forêt divisée - Erin Hunter

La Guerre des clans, Erin Hunter

Cycle 5, tome 5 : Une forêt divisée

 Editeur : Pocket Jeunesse (PKJ)

Nombre de pages : 366

Résumé : Les esprits du Clan des Étoiles ont parlé : pour survivre, les chats des montagnes doivent accroître leur nombre et étendre leur territoire. Et vite. Ciel Bleu est persuadé que le seul moyen d’y parvenir est de rester unis, mais il peine à convaincre et les chefs se divisent les terres. C’est la création des clans. Il est maintenant temps pour les chats de décider où ils veulent vivre et à qui prêter allégeance...

 

 

 

- Un petit extrait -

« – Nous avons voyagé ensemble jusqu’ici, marmonna-t-il comme pour lui-même. Maintenant, nous ne partageons même plus de gibier.

– À qui la faute ? gronda Oiseau Frêle. C’est toi qui t’es retourné contre les tiens.

– C’est faux ! J’ai toujours fait ce que je pensais le mieux pour protéger les miens.

– Alors que fais-tu ici, tout seul ? Qui s’occupera de toi ? »

- Mon avis sur le livre -

 Lorsque tout va mal dans ma vie, lorsque mes projets s’effondrent comme un château de cartes emportés par le vent, lorsqu’un tout petit rien m’angoisse tant et si bien que je n’arrive plus à rien faire … la lecture a toujours été là, réconfort inestimable, bouée de sauvetage dans la tourmente. Mais depuis quelques semaines, si ce n’est quelques mois, les choses vont tellement mal qu’elles m’empêchent même de profiter de ces parenthèses littéraires : il y a toujours quelques choses pour m’empêcher de lire sereinement, posément, tranquillement, voire de lire tout court. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai dû remanier entièrement mon planning de lecture pour continuer à honorer mes divers engagements en dépit d’une ribambelle d’imprévus ou de crises de migraine qui m’ont contrainte à annuler purement et simplement des séances de lecture. Et je pense d’ailleurs que c’est cela qui me donne vraiment le sentiment d’être au fond du trou ces derniers temps : puisque je n’arrive même plus à faire l’unique chose qui me remonte un tant soit peu le moral, comment voulez-vous que je remonte la pente ? Généralement, il ne me faut qu’une après-midi pour lire un tome de La guerre des clans : avec tout ceci, il m’aura fallu quatre jours entiers pour réussir à en venir à bout …

Nuit après nuit, les chats-esprits ne cessent de convoquer en songe Gris Poil, Ciel Bleu, Tonnerre, Rivière Ondoyante, Ombre Noir et Vent Vif, les exhortant un peu plus fortement à chaque fois à se hâter de « croitre et se déployer comme l’Etoile Flamboyante », de « suivre leur cœur, qui les conduira chez eux ». Mais les meneurs se déchirent pour savoir quel sens donner à ces messages énigmatiques : tandis que Gris Poil continue de penser qu’ils doivent se séparer en cinq groupes, tout comme l’Etoile Flamboyante comporte cinq pétales se déployant dans toutes les directions, Ciel Bleu est quant à lui absolument convaincu qu’ils doivent au contraire se regrouper, ne reformer qu’une seule et unique Tribu pour survivre à la mauvaise saison à venir … Persuadé que c’est le seul et unique moyen de réparer ses torts passés, qui ont couté la vie à tant de leurs compagnons, il doit cependant se rendre à l’évidence : ni ses frères ni même son propre fils ne sont prêt à lui accorder leur pardon ou leur confiance. Et tandis que les chats de la lande se dispersent, les uns rejoignant l’île de Rivière Ondoyante, les autres suivants Ombre Noire dans la pinède, et d’autres décidant malgré tout de rejoindre son propre camp protégé au cœur de la forêt, Ciel Bleu n’a désormais plus qu’une idée en tête : les ramener à la raison et leur faire comprendre que sa voie est l’unique interprétation à donner aux propos de leurs amis défunts …

Cela me coute beaucoup de l’écrire, car c’est bien la première fois que cela arrive, mais je dois tout de même le reconnaitre : cette fois-ci, les autrices m’ont quelque peu déçue. Elles ont comme qui dirait allégrement piétiner les personnalités de leurs personnages, tant et si bien qu’on se demande si on parle toujours du même chat. Où est donc passé la sage et juste Ombre Noire ? A peine arrivée dans la pinède, elle se met à revendiquer avec arrogance et mépris son statut de cheffe, à traiter comme un chaton totalement inutile son vieil ami Gris Poil fatigué par la maladie mais toujours si désireux de bien faire et de veiller sur les siens. Où est donc passé le doux et loyal Pic Crochu ? A croire que devenir père lui a fait perdre toute bienveillance et toute indulgence, même envers son frère ainé qui a pourtant tout quitté pour veiller sur lui. Et que dire de Tonnerre ? Il est certes courageux et déterminé, mais il est aussi bien trop jaloux et rancunier par moment : qu’il en veuille à son père est parfaitement compréhensible au vue des circonstances, mais refuser d’aller chercher celui-ci pour qu’il puisse faire ses adieux à sa mère mourante, c’est bien loin de coller avec son idéal d’entraide et de solidarité qu’il brandit comme un étendard au-dessus de sa tête. Je pourrais continuer encore longtemps, mais je pense que vous aurez compris le problème : dans ce tome, tous les personnages semblent s’être égarés en même temps, ils font absolument n’importe quoi et deviennent tous aussi insupportables les uns que les autres …

Fort heureusement, pour une fois, le plus important n’est pas vraiment le cheminement personnel de nos « héros » (qui ne méritent pas tout à fait ce rôle dans ce tome). Non, à mes yeux de lectrice passionnée par la saga, le plus important dans ce tome, c’est que l’histoire franchit un cap absolument crucial et déterminant … Car ça y est, nous y sommes enfin, les cinq groupes, les cinq futurs Clans sont définis, avec à leur tête ceux qui deviendront les tous premiers chefs ! Nous l’attendions avec impatience, ce moment, et celui-ci ne cessait de se défiler : il en aura fallu, du temps et des détours, pour en arriver là ! Alors bien sûr, il reste encore bien du chemin à parcourir pour que ces cinq groupes, encore très unis les uns aux autres par des liens de parenté ou d’amitié très puissants, deviennent cinq Clans véritablement indépendants … et encore plus de chemin à parcourir pour que naissent le fameux Code du guerrier et les nombreux rituels qui rythment la vie des Clans tels que le lecteur les connait. Mais avec ce tome, c’est vraiment l’ère des Clans qui débute, et c’est vraiment un moment particulièrement émouvant … et parfois très éprouvant et déchirant, car tout comme les chats qui ont quitté les montagnes ont tourné le dos à des proches, ici aussi, des frères, des amis, ont pris des chemins divergents, ou bien au contraire ont renoncé à leurs aspirations propres pour suivre leurs proches.

Difficile en effet de suivre son cœur, quand on a peur de briser ceux des êtres qui nous sont chers … mais d’un autre côté, est-il possible d’être heureux en allant à l’encontre de ses envies profondes, juste pour ne pas faire de peine à l’autre ? Plus que jamais, les personnages principaux doivent faire face à ce dilemme : qui doivent-ils faire passer en premier ? Bien sûr, c’est bien plus noble, beau, honorable de faire passer les autres avant soi-même … mais La guerre des clans a ce mérite de ne pas toujours présenter des héros absolument chevaleresques, altruistes jusqu’au bout des griffes. Et c’est justement parce qu’ils sont parfois égoïstes, parce qu’ils ne sont pas parfaits, qu’on s’attache à eux, qu’on se sent proches d’eux. Alors certes, on éprouve du respect pour Gris Poil, qui refuse d’abandonner son fils adoptif, son frère cadet, son amie et qui décide de les suivre dans la pinède alors que cet environnement lui déplait et accentue sa maladie, mais on éprouve encore plus de soulagement lorsqu’il décide finalement de suivre son cœur, de suivre sa propre route plutôt que de s’obliger à cheminer là où n’est pas sa place. De même, on peut éprouver de l’admiration pour Tonnerre qui, malgré tout ce qu’il lui a fait, choisit tout de même de rejoindre son père pour l’aider – même si c’était fort naïf de sa part d’imaginer que Ciel Bleu allait l’écouter, mais c’est une autre histoire –, mais on en éprouve encore plus lorsqu’il tient tête à ce dernier pour ensuite tracer, lui aussi, le chemin qui lui est propre … C’est quand ils écoutent leur cœur et non leur tête, leur raison, qu’ils sont le plus attachants, finalement.

En bref, vous l’aurez bien compris, je n’ai finalement pas grand-chose à dire sur ce tome : il est finalement relativement calme, relativement simple … et pourtant, c’est sans doute le plus important de tout le cycle. Et c’est vraiment ce que j’ai énormément apprécié, malgré le fait que tous nos chats se comportent comme de vraies cervelles de souris : c’est en toute discrétion que se déroule la plus grande révolution que la forêt n’ait jamais connu. Peut-être parce que, d’une certaine manière, les choses deviennent enfin telles qu’elles doivent être : il n’y a aucune résistance parce tout s’imbrique comme il le faut. Et c’est sans doute ce qui explique cette « sérénité » qui m’a accompagnée durant toute ma lecture : c’était comme si le chaos s’organisait enfin pour donner naissance à la plus douce, la plus familière des harmonies. J’avais vraiment des doutes sur l’intérêt, l’utilité de ce cycle, mais maintenant que j’arrive à la fin, je n’ai absolument plus aucun doute : c’est un cycle particulièrement intéressant, enrichissant, puissant … qui redonne un nouveau souffle à la saga en changeant de perspective. Une sorte de retour aux origines pour mieux reprofiter du fil rouge « habituel » par la suite, on va dire. En tout cas, j’ai hâte de voir ce que va donner le tome suivant, car cette fin fait vraiment froid dans le dos, j’ai un peu peur de ce qui nous attend (serait-ce … serait-ce également la naissance du Clan du Sang ?) !