mercredi 27 février 2019

Shtum - Jem Lester


Shtum, Jem Lester

Editeur : Stéphane Marsan
Nombre de pages : 328
Résumé : Ben a presque tout raté dans sa vie. Sa carrière est au point mort, son couple part à vau l'eau, son fils est « différent ». A dix ans, Jonah ne parle pas. Lorsqu'ils sont tous deux contraints d'emménager chez le père de Ben, trois générations d'hommes - un qui ne sait pas parler, deux qui s'y refusent - sont réunies sous le même toit. Alors que Ben engage une bataille juridique pour obtenir le placement de son fils dans un établissement spécialisé, Jonah se rapproche de son grand-père dont les jours sont comptés. Et cet homme qui n'a jamais révélé le secret de ses origines, se met à parler, pour la première fois, à ce garçon qui n'a pas de mots pour lui répondre. C'est peut-être l'occasion pour Ben de se rendre compte que sa plus grande réussite, c'est son fils.

Un grand merci aux éditions Stéphane Marsan pour l’envoi de ce volume et à la plateforme Babelio pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« Apparemment, mon nom est Jonah Jewell. Je le sais parce qu'ils répètent ce son quand ils me regardent et que je suis en train d'examiner quelque chose. La lumière me fascine, surtout quand elle se divise en plusieurs couleurs et qu'elle se reflète sur une feuille d'arbre tout près de mon œil. Je ne sais pas exactement ce qu’est le temps, mais quand il n’y a plus de lumière à examiner, j’aime jouer avec l’eau et les bulles et flotter dans la chaleur jusqu’à ce que papa me dise qu’il est temps de sortir. Je ne sors pas toujours quand il me le demande, mais il s’assied et m’attend, et quand j’avance vers la serviette, il m’enlace et me sèche et me sert fort. Il fait ça, je crois, parce qu’il sait que ça me plait et sûrement parce que ça lui plait aussi. S’il ne le fait pas, je suis angoissé comme si la lumière était revenue dehors et que rien ne se passait comme il faut. »

- Mon avis sur le livre -

Un petit garçon mutique au comportement inhabituel ? Une comparaison avec l’excellent Bizarre incident du chien pendant la nuit ? Mon radar-détecteur de livres sur l’autisme s’est aussitôt mis à clignoter à toute vitesse, et c’est avec un soulagement infini que j’ai reçu le mail positif de Babelio suite à la Masse critique de janvier ! Ceux qui me suivent le savent, c’est un sujet qui m’intéresse tout particulièrement, et je suis toujours à l’affut de romans abordant cette thématique. J’étais d’autant plus impatiente de découvrir Shtum qu’il allait également me permettre de découvrir les éditions Stéphane Marsan, dont la ligne éditoriale (« une littérature […] dont les sujets et la sensibilité trouvent un écho dans la vie de chacun d’entre nous, […] qui s’inscrivent dans les moments forts de la grande histoire et les enjeux de la société, et les reflètent, les éclairent ou les contestent ») m’intriguait au plus haut point ! 

Du haut de ses dix ans, Jonah a tout du grand bébé : il ne prononce pas un mot mais hurle quand quelque chose ne va pas, porte encore des couches, ne s’habille pas tout seul et mange avec ses doigts. Le petit garçon souffre d’un autisme sévère, et tous les spécialistes s’accordent pour affirmer à ses parents que ses chances d’évolution sont infinitésimales. Epuisés, convaincus qu’ils ne sont pas capables d’offrir un environnement serein et enrichissant à leur enfant, Ben et Emma décident de tout mettre en œuvre afin de le faire admettre dans un établissement spécialisé … Commence alors une longue et éprouvante bataille juridique avec la municipalité, qui s’efforce quant à elle de ne pas avoir à payer ces frais de scolarité en proposant une prise en charge moins couteuse, mais également moins adaptée aux besoins spécifiques de Jonah. Affirmant qu’ils auront plus de chance s’ils prétendent être séparés, Emma demande à son mari d’aller s’installer chez son père avec Jonah … Commence alors une cohabitation des plus étranges, surprenant mélange de silences et de révélations …

Le premier aspect de ce roman, celui qui m’a attiré en premier lieu, c’est donc le combat de ce père pour offrir un avenir à son fils, atteint d’un autisme profond. Nous le suivons dans ce quotidien éprouvant, où « le seul élément prévisible, c’est l’imprévisibilité » de Jonah : hurlements et accès de violence brisent soudainement le calme et les rires de ce petit garçon qui n’a jamais prononcé que trois mots avant de se taire définitivement. Rassuré par les rituels et la routine, Jonah se tape la tête et se mord la main dès qu’un petit détail diverge de l’ordinaire pour le plonger dans une terreur indicible. Ben n’a rien du « père-courage » que présentent d’ordinaire les récits de ce genre : dépassé par la situation, épuisé, perdu, déprimé, il n’y a que pour le rituel du bain qu’il se sent véritablement à la hauteur … Ben n’a rien du « père-héroïque » que l’on s’attend à trouver dans un roman : alcoolique notoire, chef d’entreprise irresponsable, couvert de dettes, il n’a rien pour attirer la sympathie … et pourtant, on s’attache à lui, car il est profondément humain, faillible, banal. Tant bien que mal, il se plonge à corps perdu dans cet éprouvant combat juridique, et j’ai littéralement versé toutes les larmes de mon corps lors de son intervention au tribunal, dont je vous donne les premiers mots : « Jonah n’a pas de voix, il ne peut dire à personne à quoi ressemble la vie pour lui. Alors je me dois d’être sa voix. ». Désemparé comme le sont bien des parents d’enfants autistes, Ben découvre qu’il est le mieux placé pour être son porte-parole …

Car ce livre met bien l’accent sur la « cruauté administrative » à laquelle doivent faire face ces parents déjà émotionnellement éprouvés : comme partout dans notre monde, tout est question d’argent … Pourquoi la municipalité dépenserait-elle des fortunes pour l’école d’un gosse déficient ? Et croyez-moi, j’exagère à peine en utilisant cette formulation volontairement inhumaine : les services sociaux n’ont qu’un seul objectif, trouver la prise en charge la moins couteuse, sans songer un seul instant à l’avenir de cet enfant différent, et toutes les excuses, même les plus absurdes, sont bonnes pour légitimer le refus de subvention. Ce sont des gens qui ne connaissent pas Jonah, qui ne le comprennent pas, qui vont décider de son existence … Ben s’insurge : il sait bien, lui, ce dont a besoin son enfant. Il sait ce qui génère ses crises d’angoisse, il sait comment les apaiser – même si cela ne marche pas toujours. Ben aime son garçon, même s’il ne sait pas le lui montrer, même s’il n’est jamais certain que la réciproque soit vraie. Même si, parfois, il n’en peut plus et s’énerve et déclare qu’il préférerait qu’il ne soit pas né, pour aussitôt regretter ses paroles.

Une certitude s’impose en effet à Ben : il craint les mots, « plus que tout ». Il est fort paradoxal de constater que les mots occupent une place centrale dans ce livre dont le titre est un mot issu du yiddish et qui signifie « silencieux, muet, sans parole ». Jonah ne parle pas, Ben et son père Georg ne se parlent plus, et Georg – atteint d’un cancer incurable de la gorge qui va prochainement lui ôter la parole – raconte longuement sa vie à son petit-fils, attirant la jalousie de Ben qui n’a jamais rien su de l’histoire familiale. Bien plus que l’autisme, finalement, ce sont les relations pères-fils qui représentent le fil rouge de ce roman … Ben est à la fois l’un et l’autre, et il a le sentiment d’avoir échoué des deux côtés : malgré ses efforts, il n’a été qu’une déception pour son père, et malgré ses efforts, il n’a pas été à la hauteur pour son fils. La culpabilité le ronge, et pour éviter de sombrer sous ses vagues, il se noie dans l’alcool. Son mariage lui-même va à vau l’eau : Emma n’en peux plus d’être « la mère de son mari » … et être la mère de son fils est également devenu un fardeau bien trop lourd à porter. Emma, on la plaint et on la déteste en même temps : tantôt on comprend son besoin de s’éloigner de ce quotidien mortifère, tantôt on lui en veut de laisser Ben seul aux commandes, lui qui semble déjà avoir du mal à s’assumer seul. Ben, Emma, Georg, tout trois ne savent finalement pas comment exprimer ce qu’ils ressentent, et cela entraine malentendus et disputes à répétition. Ils sont liés les uns aux autres par le seul qui se contrefichent totalement des mots pour se concentrer sur l’essentiel : Jonah, ce petit garçon qui semble tantôt terriblement lointain, tantôt étrangement lucide …

En bref, c’est une véritable pépite que nous offre Jem Lester, lui-même papa d’un petit garçon autiste qui, je le devine, lui a inspiré le comportement du petit Jonah. Mais surtout, il le dit lui-même, ce roman « traite de l’autisme, et en même temps, de bien d’autres choses » … et ces autres choses sont tout aussi intéressantes, bien qu’inattendues ! Shtum, c’est ce que j’appelle un livre « brut » : la narration va à l’essentiel, elle raconte sans détour, sans pudeur, sans fioritures ni filtres. Les phrases sont courtes, percutantes. Les dialogues sont brefs, frappants. Pas de longues envolées lyriques destinées à faire pleurer dans les chaumières, bien au contraire. Et, paradoxalement, cela ne rend le récit que bien plus troublant … Shtum, c’est un roman surprenant, mais surtout, c’est un roman bouleversant, qui ouvre une véritable réflexion sur le langage, à travers le récit singulier de ces trois générations réunies pour la première et dernière fois sous le même toit … Indiscutablement un livre à découvrir et à faire découvrir !

Ce livre a été lu dans le cadre du Tournoi des 3 Sorciers
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samedi 23 février 2019

Frères d'enchantement - Siana


Frères d’enchantement, Siana

Editeur : RroyzZ
Nombre de pages : 347

Résumé : Je m’appelle Ensio. J’affiche l’air d’un héros, mais une partie de moi se meurt. J’ai tué mon ami d’enfance, et ainsi brisé le lien télépathique qui nous unissait. Maintenant, un vide obscur me dévore petit à petit, insidieusement. Je dois le combler avant de devenir fou.
Je m’appelle Ljuka. Ils m’ont oublié, ils n’auraient pas dû. Ils ne comprennent toujours pas, ou plutôt, ils ne veulent pas comprendre. Alors je vais les y forcer et leur prouver qu’ils ne sont pas parfaits ni tout puissants.


Un grand merci à Siana (que vous pouvez retrouver sur sa page Facebook) pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace) et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

250ème chronique du blog !

- Un petit extrait -

« Les meilleurs souvenirs que je garde de Ljuka sont ceux de son enfance, lorsqu’il était si insouciant, si attentionné. Il jouait et il courait, il grimpait dans les arbres, sans jamais perdre son sourire. Il faut que je lui ramène ce sourire-là. »

- Mon avis sur le livre -

J’ai pour habitude de déclarer que « les livres m’ont sauvée ». Généralement, je laisse une petite pause dramatique, histoire d’attiser la curiosité et l’incrédulité de mon interlocuteur, avant d’expliquer cette affirmation pour le moins surprenante, je le reconnais. Les livres m’ont sauvé car ils m’ont appris toutes ces petites choses qui semblent « évidentes » et « naturelles » aux neurotypiques, mais qui sont loin de l’être pour moi. Ils m’ont appris à comprendre l’autre, à comprendre comment il pensait, pourquoi il agissait d’une telle manière, et m’ont également appris à devenir un caméléon capable de me fondre dans la masse des « gens normaux » … C’est l’une des choses que j’aime tant dans les romans : en plus de nous faire vivre par procuration d’extraordinaires aventures, ils ont toujours quelque chose à nous apprendre sur le monde et sur nous-mêmes … Alors quand j’ai vu que l’autrice de Frères d’enchantement – dont le résumé est incroyablement intrigant – aimait « les trucs bizarres, surtout sombres et psychologiques », je me suis ruée dessus (le livre, pas l’autrice) !

Depuis le jour de leur rencontre, Ensio et Ljuka sont inséparables : les deux enfants passent leurs journées à vagabonder dans la forêt, à grimper aux arbres … et à discuter pendant les cours, déclenchant le courroux des professeurs et le désespoir de leurs parents. Alors, les deux garçons décident de braver les interdits et les dangers et de créer un lien télépathique pour pouvoir converser à loisir, sans que nul ne puisse les entendre … Mais leur entrée à la Grande Académie va mettre en péril cette belle amitié : tandis qu’Ensio semble tout destiné à devenir un Milicien héroïque et admiré par toute la cité, Ljuka est révulsé par la simple idée de manipuler le vivant et attire les moqueries de ses camarades. Au fil des années, l’agacement de l’un et la rancœur de l’autre gagnent en puissance … Jusqu’au terrible jour où Ljuka décide de se venger de cette société élitiste qui l’a humilié, et qu’Ensio se voit contraint de le tuer. Commence alors une véritable descente aux enfers pour le survivant, qui vit désormais avec un trou béant dans l’âme et le cœur …

Ce livre, c’est donc l’histoire d’une amitié si forte qu’elle en est devenue littéralement fusionnelle. Dans le monde d’Ensio et Ljuka, tout, de la pierre à l’être humain, possède une vibration, que les hommes peuvent percevoir grâce à la pierre de rhod. Pierre grâce à laquelle ils peuvent également manipuler les plantes et les animaux … et qui a permis aux deux enfants de connecter leurs esprits, en toute insouciance et innocence, aux mépris de toutes les règles et de tous les dangers. Mais mêmes les amitiés les plus fortes ne sont pas à l’abri d’une rupture : au fil des années, les différences s’accentuent entre les deux garçons, et ils s’éloignent progressivement l’un de l’autre, chacun persuadé d’être dans son bon droit et convaincu que l’autre n’est qu’un idiot. Il est intéressant de constater que ce lien télépathique, créé dans l’objectif de pouvoir discuter à loisir, ne leur a été d’aucun secours pour parler et éviter ce délitement douloureux de leur amitié. Alors même qu’ils avaient tous deux le moyen de percevoir les pensées et émotions de l’autre, ils se sont laissé entrainer dans ce cercle vicieux de la rancune et de la haine. Comment voulez-vous que la paix règne sur terre, si même deux amis liés par l’esprit ne sont pas capables de parler calmement pour régler les conflits ? Ils se sont déchirés parce qu’aucun n’a essayé de comprendre l’autre … C’est tragique, mais malheureusement si courant …

Mais ce livre, c’est surtout l’histoire de deux destins opposés, que nous suivons en parallèle. Il y a, d’abord, l’histoire d’Ensio qui vient de tuer celui qui fut son meilleur ami … et qui souffre le martyr à partir de ce moment. Ce n’est qu’en le perdant qu’Ensio se rend compte que ce lien faisait partie intégrante de son être. Tandis que la folie menace de l’envahir, tandis que sa réputation d’héros s’effiloche au fur et à mesure qu’il est submergé par le manque, tandis que sa petite amie elle-même menace de le quitter s’il ne cesse pas immédiatement ses bêtises, Ensio se rend compte qu’il a toujours vécu à travers le regard des autres. Le paraitre, la gloire, la renommée, l’admiration … A partir du moment où il n’est plus ce grand héros adulé de tous, tous ceux qui disaient l’apprécier l’abandonnent à lui-même, de crainte que sa déchéance ne vienne entacher leur propre réputation. Il est facile de se sentir entouré lorsque tout va bien, mais ce n’est que quand tout va mal qu’on voit qui tient réellement à nous … Et c’est dans la douleur qu’Ensio comprend ce que son ami d’enfance a dû ressentir lorsque tout le monde le pointait du doigt, à cause de ses angoisses qui l’empêchaient de manipuler le vivant mais que personne n’a jamais chercher à comprendre …

Ce pan de l’histoire, c’est Ljuka lui-même qui nous le raconte. Au fil des chapitres qui lui sont dédiés, nous le voyons se replier progressivement sur lui-même, seul et incompris, tandis que grandissent en lui le ressentiment et la colère. Petit à petit, celui qui était pourtant un enfant joyeux et bienveillant, devient l’homme aigri et violent que nous présente Ensio dans ses chapitres. Quelle tristesse de se rendre compte qu’un peu de bienveillance et de tolérance auraient suffi à éviter cette plongée dans l’extrémisme ! Le mépris, les persiflages et surtout les jugements des autres sont les seuls responsables de cette envie viscérale de vengeance qui anime désormais Ljuka … Tout au long du livre, j’ai eu beaucoup de peine pour ce jeune garçon : si je désapprouve profondément son choix de sombrer dans le déchainement de violence, je ne peux que compatir à la peine qui l’habite. De la même manière, si j’ai plus d’une fois eu envie de secouer le jeune Ensio arrogant que nous voyons à travers les yeux de Ljuka, j’étais très triste pour le Ensio adulte qui souffre de cette absence soudaine et de cette culpabilité grandissante. Ensio et Ljuka sont plus des anti-héros qu’autre chose … mais ils sont tous deux très attachants, et c’est un déchirement que de les voir si malheureux !

Deux personnages, deux narrateurs, deux fils narratifs qui se déroulent en alternance … Mais on ne voit pas très bien comment ils peuvent se rejoindre, car il semblerait que Ljuka nous achemine progressivement vers l’événement qui constitue le point de départ de l’histoire contée par Ensio. On progresse en se demandant ce que l’autrice a bien pu nous concocter, avec cette petite inquiétude au ventre : et si, finalement, ces deux histoires parallèles ne se rejoignaient pas ? et si tout cela ne menait finalement nulle part ? Dans ce cas, quel intérêt de continuer à lire les chapitres dédiés à Ljuka : on sait déjà comment son histoire va se terminer, Ensio nous l’a raconté dans le premier chapitre !? Et c’est cette petite pointe d’appréhension elle-même qui nous donne l’impulsion pour tourner les pages, toujours plus vite, avec une impatience grandissante : il y a forcément quelque chose en plus ! Et on l’attend, ce quelque chose en plus, on l’espère … Et Siana a dépassé toute mes espérances, elle m’a conduit sur un chemin que je n’entrevoyais même pas, et elle l’a très bien fait. On danse de surprises en surprises, et c’est du vrai génie ! Je ne peux pas vous en dire plus, pour ne pas vous spoiler, mais sachez que cela a fait naitre en moi pleins de questionnements sur la destinée, sur la fatalité … Les choses sont-elles déjà écrites, les choix que nous faisons sont-ils réellement les fruits de notre libre arbitre, ou bien nos pensées elles-mêmes suivraient-elles un chemin déjà tracé devant nous ? 

En bref, vous l’aurez bien compris, j’ai vraiment énormément apprécié ce roman ! Siana nous fait voyager dans un monde à la croisée des genres, où se mêlent et s’entremêlent la fantasy et la science-fiction, où l’aventure côtoie le récit initiatique … Deux personnages que tout oppose mais qu’une amitié profonde réunit, jusqu’à ce que leurs différences ne les séparent à nouveau. Deux histoires qui se répondent jusqu’à n’en former plus qu’une, de la plus étonnante des façons, alors même que le lecteur n’y croyait plus. Deux points de vue qui s’entrechoquent, rappelant à qui veut bien le lire entre les lignes qu’il n’y a pas qu’une seule vérité, mais que chacun vit les choses à sa manière, et que ce n’est qu’en essayant de voir par les yeux de l’autre que l’on peut éviter les issues dramatiques. « Perdre un ennemi, c’est aussi parfois perdre un ami », nous dit l’autrice, dont la plume est par ailleurs vraiment époustouflante ! C’est vraiment un excellent roman, aussi atypique que captivant, qui régalerai sans aucun doute tous ceux et toutes celles qui l’auront entre les mains … Alors n’hésitez plus, venez rencontrer Ensio et Ljuka !



Ce livre a été lu dans le cadre du Tournoi des 3 Sorciers
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mercredi 20 février 2019

La petite fille du phare - Christophe Ferré


La petite fille du phare, Christophe Ferré

Editeur : L’Archipel
Nombre de pages : 442
Résumé : Le temps d'une soirée dans un pub tout proche de leur villa située sur la côte, Morgane et Elouan ont laissé la garde de leur fille de 10 jours, Gaela, à son frère adolescent, Arthur. Mais au retour, un berceau vide les attend. Aucune trace d'effraction, pas de demande de rançon. À la douleur de la disparition, s'ajoute la violence du soupçon de la gendarmerie. Morgane est une mère déjà éprouvée par la perte d'un enfant, Elouan, un père souvent absent … Les pistes se multiplient mais l'enquête n'avance pas. Pourtant, près d'un mois plus tard, le miracle : Gaela est rendue à ses parents. Le soulagement l'emporte sur l'incompréhension. Sauf pour Arthur, convaincu que ce bébé n'est pas sa sœur…

Un grand merci aux éditions L’Archipel pour l’envoi de ce volume et à la plateforme Babelio pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« Comme dans tous les villages de France, derrière de pimpantes façades se cachent de sordides secrets. Les gens, les familles se haïssent, personne ne sait pourquoi, même pas eux. Les enlèvements et les meurtres d'enfants sont rares, mais ils existent. Mais l'envie de tuer, de se venger, de régler ses comptes de manière définitive est omniprésente. Quand un petit garçon ou une petite fille disparaît, la France entière se passionne pour l'évènement qui devient une sorte de miroir grossissant de toutes les haines accumulées partout depuis des siècles. »

- Mon avis sur le livre -

On dit souvent « la première idée est la bonne » … Lors de la Masse critique Littérature de septembre, j’avais décidé de passer mon tour afin de maximiser mes chances pour l’édition d’octobre consacrée aux Mauvais genres … mais j’ai finalement sélectionné La petite fille du phare, la couverture étant magnifique et le résumé fort prometteur. Et maintenant, je m’en mords les doigts : non seulement je n’ai pas apprécié plus que cela ce polar, mais en plus je n’ai effectivement pas été sélectionnée pour le titre que j’avais coché en octobre et que je voulais absolument ! Cela m’apprendra à ne pas tenir mes bonnes résolutions et à me laisser embobiner par une belle illustration de couverture ! Et surtout, cela me rappelle qu’il ne faut pas toujours se fier aux résumés : ils  ne reflètent pas toujours l’histoire qui est réellement racontée dans le livre …

Ce soir-là, Morgane et Elouan avait laissé leur petite Gaela sous la surveillance de son frère ainé afin de passer un moment en tête à tête au bar voisin. Mais à leur retour, le berceau est vide : Gaela semble s’être volatilisée, et le jeune Arthur n’a rien entendu. Pour Morgane, c’est le début d’une lente et douloureuse déchéance : dévastée par la disparition de son nourrisson, soupçonnée par les enquêteurs, la jeune femme ne sait plus à qui se fier. Qui a enlevé son bébé, et pourquoi ? Ce kidnapping serait-il lié aux nombreux secrets qu’elle tente coute que coute de protéger ? Lorsqu’un mois plus tard, la petite Gaela leur est rendue, Morgane aimerait croire que le cauchemar est enfin terminé … Mais tandis que l’enquête se poursuit, que l’étau se resserre autour d’elle qui ne parvint pas à prouver son innocence, le jeune Arthur affirme que ce bébé n’est pas sa petite sœur …

Disons-le tout net : ce livre m’a déçue. Il n’est pas mauvais … juste très moyen. Il entre dans la catégorie des livres que j’appelle « sans âme » : l’intrigue est plate, creuse, vide, la narration est plate, creuse, vide, les personnages sont plats, creux, vides. Pas moyen de s’attacher aux personnages, de vibrer à l’unisson avec eux, de trembler ou de s’émouvoir pour eux : ils ne sont que des noms couchés sur le papier, des personnalités caricaturées à l’extrême et donc inexistantes, simples faire-valoir d’une histoire dont le potentiel est éclipsé par cette fadeur. Des rebondissements à n’en plus finir, des révélations retentissantes à chaque fin de chapitre, des secrets qui resurgissent … C’est sympathique au début, mais ça lasse vite : on a finalement le sentiment que l’auteur a voulu réunir en une seule enquête tous les dénouements possibles et inimaginables, ballottant le lecteur d’une hypothèse à une autre comme une balle de tennis passe d’un côté à l’autre du terrain. C’est un peu trop pour être crédible, cohérent, intéressant. De même, Morgane est d’une inconstance monstrueuse, d’une insensibilité effroyable et d’une paranoïa glaçante : on sent que l’auteur veut nous pousser à croire qu’elle est folle et coupable, et c’est tellement visible qu’on sait pertinemment bien que ce n’est pas elle, du coup. 

Quant au dénouement … A part si vous êtes amateur des deus ex machina, je pense que vous serez tout aussi agacé que moi : bien sûr, c’est surprenant et inattendu, mais c’est surtout totalement ahurissant et farfelu. Ça tombe de nulle part, comme un cheveu sur la soupe, c’est d’ailleurs totalement tiré par les cheveux, comme si l’auteur ne savait pas vraiment quoi inventer pour se dépêtrer de l’imbroglio dans lequel il a plongé lecteurs et personnages. Il fallait quelque chose de dingue, il a trouvé quelque chose de dingue, certes, mais cela ne suffit pas à assouvir la soif du lecteur ! A quoi bon ouvrir tant de portes si c’est pour au final ne pas les exploiter ? J’aime les intrigues complexes, mais uniquement si elles sont cohérentes : et ce n’est clairement pas le cas ici. C’est trop gros pour être vrai, trop gros pour faire vrai. On n’y croit pas. Et donc on n’accroche pas. Je m’attendais à une révélation surprenante mais vraisemblable, je me retrouve avec un final extravagant et improbable qui ne m’a fait ni chaud ni froid … C’est une fin tout aussi artificielle que tous les dialogues de ce roman !

En bref, vous l’aurez bien compris, si je trouvais l’idée de départ intéressante, je n’ai clairement pas été convaincue par ce roman. Je n’ai rien ressenti en lisant ce roman, pas la moindre petite émotion. Je ne me suis attachée et donc inquiétée pour aucun personnage, ils sont tous aussi insipides les uns que les autres. Je n’ai pas apprécié l’avalanche de mystères et de retournements de situation, bien trop nombreux pour être intéressants. La narration était agréable lors des descriptions de paysages, mais totalement plate le reste du temps. Quel dommage de nous faire miroiter une histoire innovante centrée sur la certitude d’un grand frère pour finalement nous raconter l’histoire atrocement banale d’une mère accusée du meurtre de son nourrisson … Si encore l’intrigue était bien menée, j’aurai pu accorder mon pardon à ce résumé trompeur, mais comme ce n’est pas le cas, je me sent doublement trahie par ce roman à la couverture si magnifique !

Ce livre a été lu dans le cadre du Tournoi des 3 Sorciers
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