mercredi 29 janvier 2020

2105, Mémoire interdite - Anouk Filippini


2105, Mémoire interdite, Anouk Filippini

Editeur : Auzou
Nombre de pages : 457
Résumé : En 2105, il n’existe plus que deux classes sociales: les Lastings – des privilégiés qui à l’adolescence reçoivent un sérum leur permettant de vivre 400 ans – et les Vulnérables, les citoyens ordinaires. Une fois par an, un grand concours est organisé pour permettre à des jeunes Vulnérables de recevoir le précieux sérum. Contre l’avis de sa mère, la jeune Sophìa décide de participer, mais elle est bientôt assaillie par des visions troublantes qui semblent surgir d’une époque taboue pour le gouvernement mondial : les années 2000.

Un grand merci aux éditions Auzou pour l’envoi de ce volume.

- Un petit extrait -

« Je la regarde, éperdue. Elle me fait un cadeau incroyable. Une pièce du puzzle, un petit morceau de mon passé. Mais ce qu’elle m’offre ouvre un autre gouffre, plus grand encore. Car maintenant, j’ai envie d’en savoir plus. C’est le principe de la connaissance, m’a expliqué un jour ma mère. Plus tu en sais, et plus tu comprends l’étendue du mystère. C’est vertigineux.   »

- Mon avis sur le livre -

Il y a quelques temps, j’ai remarqué que malgré leur diversité, chacun de mes projets de romans tourne finalement autour de la même grande thématique : la question de l’identité, entremêlée à celle de la mémoire. Et plus spécifiquement, comment la seconde façonne la première : en trafiquant la mémoire d’un individu, ne change-t-on pas finalement jusqu’à son identité la plus profonde, ou bien existe-t-il un « moi » profond qui adviendra quoi qu’il arrive ? Autant vous dire que lorsque j’ai croisé le résumé de 2105, Mémoire interdite, je n’ai pas hésité une seule micro-seconde à le demander : ce livre semblait avoir été écrit pour terminer entre mes mains. Une histoire de réminiscences sur fond de dystopie, il n’y a pas à tortiller, ce roman avait déjà pour lui absolument tous les éléments pour me plaire, et je me suis plongée dedans avec un enthousiasme rarement inégalé … La question est maintenant de savoir si mes grandes attentes ont été comblées par ma lecture !

Dans le monde de Sophia, l’humanité est divisée entre les Lastings, dont l’espérance de vie est de 400 ans grâce à un sérum injecté à l’adolescence, et les Vulnérables, qui n’ont quant à eux que 90 ans devant eux. Sophia est une jeune Vulnérable, qui a cependant grandie entourée de Lasting, sa mère étant chercheuse. Elle le sait, prochainement, sa meilleure amie Briss et elle seront séparées pour toujours … Sauf si elle participe et gagne au concours annuel permettant à deux Vulnérables de recevoir le précieux sésame vers la vie presque éternelle. C’est donc contre l’avis de sa mère que Sophia se rend aux épreuves éliminatoires, qu’elle passe haut la main malgré l’apparition d’inquiétants symptômes – inquiétants car depuis l’invention du Vaccin, les maladies n’existent plus. Sauf une. La plus terrifiante de toutes. Le syndrome de Turgot, qui vole progressivement la mémoire de l’individu jusqu’à ce que celui-ci ne se souvienne plus de rien ni de personne. Sophia le sait : si par malheur elle a bien Turgot, alors elle peut dire adieu au sérum. Adieu à Briss. Mais comme un malheur n’arrive jamais seul, voilà que de mystérieuses visions l’assaillent de plus en plus régulièrement, tels des souvenirs qui ne lui appartiennent pas … 

Comme c’est généralement le cas avec les récits à la première personne, j’ai eu un peu de mal à rentrer dans l’histoire, d’autant plus que l’intrigue met un peu de temps à se mettre en place. Assez rapidement, on comprend la séparation de la société en deux classes, deux castes : les privilégiés qui jouissent d’une longue espérance de vie et les autres. Et bien sûr, tout se joue à la naissance : soit tu as la chance de naitre dans une riche famille Lasting et tu recevras le sérum à tes seize ans, soit tu nais Vulnérable et le restera toute ta courte vie. Sauf si tu gagnes le Slamb de l’Etoile, concours annuel qui permet à deux Vulnérables de recevoir le sérum, mais il ne faut pas trop compter dessus. Et pourtant, notre jeune Sophia y croit. On la rencontre alors qu’elle se présente aux éliminatoires, sans avoir demandé l’autorisation à sa mère – car elle sait pertinemment bien que cette dernière ne lui accorderait pas. Sophia, c’est une jeune fille que j’ai rapidement trouvé fort sympathique, bien qu’elle n’ait clairement pas la stature d’une héroïne. Sophia, finalement, c’est une adolescente tout ce qu’il y a de plus banal, une jeune fille prête à tout pour ne pas perdre la seule amie qu’elle ait jamais eu. Une jeune fille au grand cœur qui n’était clairement pas faite et pas prête pour faire face aux épreuves qui l’attendent.

Et c’est là que le bât blesse un peu : tout ceci manque cruellement d’enjeux pendant une bonne partie du récit. Pendant presque la moitié du roman, je me suis posé la fameuse question « et alors ? ». Je ne voyais pas du tout où tout cela nous menait, et j’étais incapable de déterminer ce que Sophia fuyait ou au contraire ce qu’elle cherchait. Bref, j’étais plongée dans une sorte de flou artistique et ne comprenais pas l’intérêt de toutes ces pérégrinations. Je dois bien l’avouer, je me suis un petit peu ennuyée pendant cette première partie d’exposition qui s’éternisait : à quand le véritable élément déclencheur, celui qui lance véritablement la quête du héros, celui qui détermine les véritables enjeux du récit ? Qu’est-ce qui se cache réellement derrière les migraines et les étranges rêves de Sophia ? Car tous les habitués de dystopies s’en douteront : il y a quelque chose de plus que ce déjà si exceptionnel syndrome de Turgot – dont on découvre par ailleurs l’existence beaucoup trop tardivement dans le récit. On le sent progressivement, l’important, ce sont ces mystérieuses visions, qui semblent faire écho à la fascination de Sophia pour l’année 2015, époque dont il est strictement interdit de parler et dont les contemporains de la jeune fille ne connaissent pour ainsi dire rien. 

Et quand, enfin, nos soupçons se confirment, quand enfin il apparait clairement que les visions de Sophia cachent quelque chose de crucial, et bien enfin l’intrigue devient palpitante. Course contre la montre, contre l’oubli, mais aussi quête de vérité, l’histoire s’anime enfin pour le plus grand plaisir du lecteur. Bien sûr, Sophia reste assez passive dans cette histoire, ce n’est pas une rebelle ou une révolutionnaire dans l’âme, et sa préoccupation première est finalement de rester en vie, de se sortir de ce guêpier infernal, de trouver un moyen de conserver ses souvenirs, tout ce qui fait qu’elle est elle. Il y a bien sûr, en arrière fond, une lutte contre le pouvoir en place, contre ce gouvernement qui a visiblement des choses à cacher en effaçant ainsi toute une période de l’histoire de l’humanité. Il y a également cette dénonciation de l’injustice sociale sur laquelle s’appuie ce nouvel ordre mondial. Mais tout cela, finalement, reste assez secondaire, sauf dans les tous derniers chapitres où cela prend enfin le dessus sur l’histoire personnelle de notre petite Sophia. Car cette histoire, c’est finalement la sienne, celle d’une jeune fille qui découvre qui elle est en découvrant qui était ses ancêtres, car nous sommes également le fruit de notre histoire familiale et pas uniquement de nos propres expériences. Et, sachant désormais qui elle est, Sophia sait ce qu’elle doit faire : apprendre à ses contemporains qui ils sont en leur racontant d’où ils viennent.

En bref, vous l’aurez bien compris, malgré un début en demi-teinte, j’ai tout simplement adoré ce livre. Sophia est une jeune héroïne particulièrement attachante que j’ai pris grand plaisir à suivre, car elle est d’une douceur et d’une candeur admirables, parce que quand elle aime, elle aime de tout son cœur. Une fois la première partie, un peu trop longuette à mon gout, passée, l’histoire est tout simplement captivante : on tourne chaque page avec une excitation mêlée d’appréhension, car on a à la fois terriblement envie et terriblement peur de découvrir la suite, car au fur et à mesure qu’on découvre le contenu des visions de Sophia, on se rend compte que tout ceci ne lui arrive pas par hasard et que quelqu’un, quelque part, veut s’accaparer ses connaissances, même si on ne comprends pas encore pourquoi. Après un début un peu lent, c’est donc un page-turner trépidant que nous offre l’autrice, où notre présent se mêle à un futur possible, où l’on prend conscience que le passé ne doit être oublié, car il nous a façonné, et qu’on ne serait pas qui on est sans lui. Un excellent roman, donc, que je conseille à tous les passionnés de dystopies … et de jolies histoires d’amour !

dimanche 26 janvier 2020

Top 5 : Ces auteurs que vous avez découverts cette année


- Top 5 : Ces auteurs que vous avez découverts cette année -

C’est le retour des tops ! Et cela grâce à Mange-Nuages qui a mis en place un petit challenge/jeu que je vous invite à retrouver sur Livraddict ! Un thème par semaine, rien de plus simple, d’autant plus que j’ai décidé de faire ceci sous forme de mini-article pour ne pas me surcharger … C’est l’heure de répondre au thème de la semaine que voici

Ces auteurs que vous avez découverts cette année

Chaque année apporte son lot de livres dont on connaît déjà l'auteurice et de livres qui nous projettent dans l'inconnu. Que ce soit sur le plan du style, de manière de construire une histoire ou de rythmer son récit, découvrir de nouveaux écrivains est toujours un pari risqué, un pile ou face qui peut révéler de superbes coups de cœur ou de grosses déceptions. Cette semaine, parlez nous de cinq auteurices découvert.e.s en 2019.


Et voici donc mon petit top 5 :

Valentin Auwercx
J’ai tout simplement adoré Le temps d’une étoile ainsi que Demain les hommes, deux véritables merveilles, portées par une plume aussi poétique que délicate. Les écrits de ce jeune auteur font admirablement écho à mes pensées, nous sommes sur la même longueur d’onde, c’est toujours un plaisir de le lire !

Eric Costa
Parce qu’il m’a soufflée avec sa trilogie The prison experiment. Trois énormes pavés qui se dévorent tout d’une traite, car il sait jouer avec notre cœur et nos nerfs, il sait comment nous surprendre, comment nous faire trembler, comment nous happer avec de simples mots. Un auteur à suivre, assurément !

Marc Ismier
Conteur accompli, dramaturge de génie, Marc Ismier écrit de la grande et belle fantasy, une fantasy aussi originale que captivante. Ses personnages ne sont pas de simples protagonistes, ils deviennent au fil des pages de véritables amis, compagnons de route. Il leur donne vie dans notre cœur et esprit, grandiose !

Serge Lehman
J’ai lu L’intégrale F.A.U.S.T. il y a quelques mois, découvrant par la même occasion ce grand homme de la science-fiction française, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il m’a époustouflée. Bluffée. Je suis vraiment admirative face au travail de cet écrivain, entre son style à couper le souffle et la richesse de ses intrigues, wouah !

Agnès Marot
Cela faisait quelques années que je lorgnais sur ses romans, mais c’est en 2019 que j’ai réellement franchi le pas … et clairement, je ne le regrette pas. J’adore l’originalité de ses récits, j’adore sa façon de raconter également. On sent qu’elle met beaucoup d’elle-même dans ses écrits, et ça les rend tellement puissants !

samedi 25 janvier 2020

La cavalière de minuit - Victoria Holmes


La cavalière de minuit, Victoria Holmes

Editeur : Flammarion jeunesse
Nombre de pages : 340

Résumé : Helena a beau être la fille ainée de Lord Roseby, et vivre dans un manoir en Angleterre au XVIIIe siècle, c'est une demoiselle qui n'a pas froid aux yeux ! Sa grande passion, ce sont les chevaux, et en particulier Oriel, un superbe étalon aux sombres teintes acajou. Mais pour une jeune fille de bonne famille, piquer des galops le long de la falaise, ça ne se fait pas ! Surtout quand des trafiquants sévissent sur la côte et menacent la sécurité de tous. Intriguée par cette affaire, Helena décide d'enquêter... au grand galop !


- Un petit extrait -

« - M'accordez-vous le plaisir de cette danse, milady?
Elle lui fit une jolie révérence, l'ourlet de sa jupe bruissant doucement sur les pavés.
- Tout le plaisir sera pour moi, aimable gentleman.
Elle s’avança d'un pas, lui offrit ses mains et se laissa emporter en tournoyant doucement autour de la cour, avec pour seul témoin, l’étalon brun acajou qui les observait avec curiosité depuis la porte de son écurie.  »

- Mon avis sur le livre -

En relisant ce petit roman, plus de douze ans après sa première lecture, je me suis rendue compte d’une chose : mes gouts livresques n’ont absolument pas changés ! C’est bien simple : aujourd’hui comme hier, il suffit de me mettre face à une amitié indestructible entre deux jeunes gens de conditions différentes, à des héros tiraillés entre leur cœur et leur raison, à des causes désespérées … et à des chevaux, pour que je dévore en deux temps trois mouvements un roman ! Bon, désormais, les chevaux ne font plus parti des « critères obligatoires » pour que je m’intéresse à un livre, fort heureusement, mais j’avoue sans honte être encore folle de joie quand un cheval tient une place primordiale dans un récit … Chassez le naturel, il revient au galop, dit-on, n’est-ce pas ?

Malgré tous les efforts de sa mère et de sa gouvernante pour faire d’elle une demoiselle digne de son rang, Helena, quinze ans, préfère galoper à bride abattue dans les prairies que broder d’interminables motifs au coin du feu. Aux côtés de son fidèle ami Jamie, la jeune fille chevauche chaque jour les rapides étalons de son père, Lord Roseby. Jusqu’au jour où ce dernier ramène aux écuries un mystérieux étalon, au regard vif et intelligent, mais nerveux et violent … Persuadée qu’Oriel mérite sa chance, Helena est prête à désobéir à son père et à l’entrainer la nuit pour faire de lui la plus docile et la plus rapide des montures du domaine ! Jusqu’au jour où elle découvre que des contrebandiers œuvrent dans le village … faisant fi de toute prudence et au mépris de toutes les règles de bienséance, Helena décide d’enquêter !

 Comme souvent dans la collection Passion cheval, ce roman nous invite à faire la connaissance d’une jeune héroïne intrépide, amoureuse des chevaux et toujours prête à braver les interdits pour faire ce qui lui semble être juste. Helena est une jeune aristocrate déterminée qui ne se laisse arrêter par aucune difficulté. Elle en est convaincue : Oriel a un cœur d’or, et il fera un excellent cheval de course. Encore faut-il réussir à gagner sa confiance … Difficile quand on a l’interdiction formelle de s’en occuper ! Heureusement, Helena peut compter sur l’aide et le silence de Jamie, son ami d’enfance, fils de la gouvernante et du maréchal-ferrant du manoir. J’aime beaucoup leur amitié, qui se joue allégrement des différences de classes sociales … Même si, inévitablement, ces différences vont progressivement s’imposer à eux maintenant qu’ils sortent de l’enfance. Car c’est bien là le « cœur » de l’intrigue : Helena, jusqu’alors insouciante du fait de son statut de jeune Lady, va découvrir la réalité de la vie des petites gens … Et toutes ses convictions vont s’en voir ébranlées.

Car comment continuer à considérer tous les contrebandiers comme des tueurs assoiffés de sang quand on découvre que derrière ces brigands se cachent des villageois doux comme des agneaux que l’on croise chaque jour ou presque depuis sa naissance ? Comment continuer à les haïr viscéralement pour leurs crimes quand on découvre la misère qui les oblige à importer illégalement des produits de première nécessité pour ne pas avoir à payer de taxes ? Pire encore : comment envisager les dénoncer au capitaine de la garde quand on est plus si certaine de condamner ces agissements ? Helena découvre que la vie n’est pas aussi manichéenne qu’elle l’envisageait jusqu’alors : il n’y a pas d’un côté le noir, de l’autre le blanc, il y a aussi du gris avec toutes ses nuances. Il n’y a pas d’un côté les gentils, de l’autre les méchants, il y a aussi ceux qui font simplement ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, avec la réalité des taxes et de la misère … Par contre, quand des naufrageurs sévissent dans les environs, Helena retrouve tout son entrain : hors de question de laisser ces monstres conduire un navire au naufrage pour tuer l’équipage et récupérer la cargaison ! Et tant pis si cela met en péril un secret qu’elle a promis de tenir …

En bref, vous l’aurez bien compris, avec ce roman, Victoria Holmes nous offre un récit riche en actions et en émotions ! Impossible de s’ennuyer aux côtés de l’intrépide Helena, qui va tout faire pour convaincre son père qu’Oriel est un bon cheval, et pour mettre fin aux agissements des terribles naufrageurs sans nuire aux pacifiques contrebandiers des environs … Une belle histoire d’aventure, et aussi d’amitié, où les chevaux occupent bien évidemment une place primordiale sans pour autant prendre le pas sur l’intrigue … Un roman pour tous les petits cavaliers et petites cavalières en herbe, que je conseille particulièrement à ceux et celles qui aiment les histoires riches en suspense et en mystères ! Pour ma part, je suis conquise comme au premier jour : j’ai littéralement dévoré ce petit roman, j’ai tremblé aux côtés d’Helena et Jamie, j’ai soupiré de soulagement avec eux, j’ai exulté de joie avec eux, et j’ai souris d’émotion à la fin … pour eux !

mercredi 22 janvier 2020

L'Héritage, tome 3 : Brisingr - Christopher Paolini


L’héritage3, Christopher Paolini
Brisingr

Editeur : Bayard Jeunesse
Nombre de pages : 810

Résumé : Eragon a une double promesse à tenir : aider Roran à délivrer sa fiancée, Katrina, prisonnière des Ra’zacs, et venger la mort de son oncle Garrow. Saphira emmène les deux cousins jusqu’à Helgrind, les Portes de la Mort, repaire des monstres. Or, depuis que Murtagh lui a repris Zar’oc, l’épée que Brom lui avait donnée, Eragon n’est plus armé que du bâton du vieux conteur.





- Un petit extrait -

« - Quand on refuse de me livrer certains renseignements, je n’en suis que plus déterminé à découvrir la vérité. Pour moi, une question sans réponse est une épine dans le pied qui me torture au moindre mouvement tant que je ne l’ai pas enlevée.
- Je compatis.
- Pourquoi ?
- Parce que tu dois souffrir mille morts en permanence. La vie est un océan de questions sans réponses. »

- Mon avis sur le livre -

Comme pas mal de lecteurs, j’ai eu une réaction plutôt partagée lorsque j’ai appris que la trilogie se transformait en quadrilogie : d’un côté, j’étais heureuse de cheminer plus longtemps aux côtés d’Eragon et Saphira … mais de l’autre, je craignais que l’ajout d’un nouveau tome nuise au rythme trépidant auquel Christopher Paolini nous avait habitués. J’étais un peu perplexe quant aux véritables raisons qui l’ont poussé à scindé le dernier tome en deux opus : était-ce parce qu’il avait préjugé du nombre de pages nécessaires pour boucler tous les nœuds de l’intrigue, ou était-ce tout simplement pour obliger les lecteurs captivés à acheter deux livres pour connaitre le fin mot de l’histoire ? Aujourd’hui encore, le doute est encore présent dans mon esprit : en tant que lectrice, je ne suis pas convaincue du bien-fondé de cet étalement. A chaque relecture, je me fais ainsi la même réflexion : certains passages ont clairement été ajoutés artificiellement, ils n’apportent rien à l’histoire et ne servent qu’à combler les quelques dizaines de pages nécessaires pour avoir deux gros pavés de 800 pages à faire ingurgiter aux lecteurs ….

Encore dévasté par la terrible révélation de Murtagh, qui lui a appris l’identité de son père, Eragon refuse cependant de se laisser abattre : en tant que Dragonnier, il doit continuer la lutte contre le tyrannique Galbatorix pour ramener la paix sur l'Alagaësia. Il commence par aider son cousin Roran à délivrer sa fiancée des griffes des Ra’zacs et à venger la mort de son oncle Garrow. Il se rend ensuite chez les nains, pour assister aux longues délibérations précédent l’élection d’un nouveau Roi, malgré les menaces qui pèsent au-dessus de sa tête, et malgré l’urgence de la situation. Car Eragon et Saphira savent que leur formation est loin d’être achevée, et qu’ils ne peuvent en l’état pas envisager de vaincre leurs adversaires : ils doivent à tout prix rendre visite à leurs formateurs pour les supplier de leur en apprendre plus. Ils sont bien loin de se douter que les révélations qui les attendent sont encore plus surprenantes que leurs dernières découvertes, et que cette visite chez les Elfes leur apportera bien plus d’armes que de simples connaissances …

Cela me fait un peu mal au cœur de l’admettre, mais je suis plutôt déçue de ce troisième tome. Cela reste une bonne lecture, mais on est bien loin du coup de cœur que j’ai eu pour les deux premiers opus. La raison est fort simple : je ne voyais pas le bout de cet interminable pavé de 800 pages rempli de … vide. Bien sûr, il y a des passages admirablement palpitants, bien sûr, il y a des scènes d’une force inouïe, mais il y a principalement des longueurs. A vouloir « approfondir la personnalité d’Eragon », l’auteur en a fait beaucoup trop, et on le voit pendant plus de la moitié du récit se débattre avec ses états d’âme. Et on tourne en rond. Un pas en avant, deux pas en arrière, retour à la case départ, on a gagné cent pages supplémentaires ! Des simulacres de batailles, où Roran devient un surhomme (malheur, je l’aimais tellement Roran, je suis attristée de le faire se transformer en simple machine de guerre imbattable alors qu’il n’est qu’un simple fermier), des complots politiques à n’en plus finir, des discussions creuses à pleurer … Vraiment, cet opus ne tient pas ses promesses. Il apparait comme une sorte de tome de transition alors qu’on nous faisait miroiter le fameux face à face avec le grand méchant !

Ce fut laborieux, donc, mais fort heureusement, les rares passages « utiles » sont admirablement captivants, et on ne peut pas s’empêcher de tourner les pages car on a malgré tout cette irrésistible envie de savoir ce qui va arriver ensuite ! Même si j’ai plus d’une fois eu envie de lui mettre des claques pour qu’il cesse de se comporter comme un imbécile fini, je ne peux pas m’empêcher d’être très attachée à Eragon, ce jeune héros malgré lui, un peu perdu face à l’immensité de la tâche qui l’attend. Comment lui, simple garçon de ferme, peut-il être celui qui tuera Galbatorix l’invincible ? Comment peut-il être un héros alors que son père était un Parjure et que son propre frère se bat aux côtés du tyran ? J’ai eu de la peine pour lui, et cela d’autant plus que l’auteur a décidé de consacrer un tome entier à ces considérations psychologiques : si au moins il y avait plus d’action, ce pauvre Eragon n’aurait pas eu l’occasion de réfléchir aussi longuement à tout cela ! De plus, je trouve que cela ne lui ressemble pas : Brom comme Oromis se plaignaient de le voir aussi peu porté sur la réflexion, et voilà qu’il passe 800 pages à réfléchir, le fossé est un peu trop gros pour être honnête !

Malgré tout, ça reste un récit passionnant et grandiose, riche en révélations et en rebondissements : on vole de surprises en surprises, de découvertes en découvertes …. et c’est tout simplement captivant ! Malgré quelques facilités scénaristiques que l’on ne peut que regretter – je pense essentiellement au chapitre consacré à la fabrication de l’épée d’Eragon –, on sent que l’auteur a tout prévu dans les moindres détails : petit à petit, tous les éléments surgissent pour qu’Eragon soit prêt à faire face à son destin, à son ennemi. On le sent, le compte à rebours se met enfin en route, et la lutte finale se rapproche : on espère juste qu’Eragon ne va pas soudainement décider de partir en visite touristique avant d’aller affronter Galbatorix, car c’est un peu sa spécialité, de rajouter des étapes superflues à ses péripéties ! Cela a au moins le mérite de faire monter la tension, toujours plus, tout comme la frustration du lecteur qui dévore chaque chapitre avec une impatience et une inquiétude grandissante. Il faut dire que jusqu’à présent, jusqu’aux ultimes chapitres de ce tome, Galbatorix reste un nom, un individu qu’on évoque mais qu’on n’a jamais rencontré, et la crainte n’en est qu’encore plus forte … Rien n’est gagné, même si on se doute qu’Eragon n’échouera pas (car on est en high fantasy, et qu’en high fantasy, le bien triomphe toujours du mal), on a quand même peur pour lui !

En bref, vous l’aurez bien compris, c’est un bilan clairement mitigé pour cet opus : d’un côté je regrette que l’histoire traine ainsi en longueur, mais de l’autre, j’ai apprécié de voir le dénouement approcher tout doucement et non pas dans un grand fracas inattendu. Je pense que l’équilibre n’a pas été trouvé : certains passages sont bien trop longs, et d’autres sont au contraire trop brefs, certains passages sont ennuyants, d’autres sont presque trop captivants pour notre rythme cardiaque … Mais s’il y a bien UN point admirablement positif, c’est la plume de Christopher Paolini : elle était déjà fort belle dans les premiers opus, mais là, c’est juste grandiose ! C’est un vrai régal que cette narration, qui jongle avec brio entre les descriptions et les dialogues, et qui ose sortir des sentiers battus quand il s’agit de nous plonger au cœur des pensées des dragons, si différents de nous autres pauvres humains. Et cette si belle plume est bien ce qui sauve cette histoire qui a perdu son rythme effréné pour quelque chose de plus chaotique … Il ne reste plus qu’à espérer que le dernier tome sera un peu moins longuet que celui-ci, et que l’action reprendra à nouveau le dessus sur les états d’âmes d’Eragon !