samedi 26 juin 2021

Le trône de fer, tome 2 : Le donjon rouge - George R.R. Martin

Le trône de fer2, George R.R. Martin

Le Donjon rouge

 Editeur : J’ai lu

Nombre de pages : 541

Résumé : Jouet de perfides intrigues nouées dans l'ombre autant que de grands seigneurs qui n'attendent qu'une occasion pour se rebeller, Eddard Stark, main du roi, tente d'y faire régner l'ordre et la justice au nom de son souverain... Mais ses efforts semblent vains. Car comment protéger le roi Robert Baratheon des complots alors que celui-ci n'aspire qu'à braver le danger ? Comment imposer la paix à des barons qui ne rêvent que de batailles et de pouvoir ? Et de plus, comment résister à cet engrenage infernal alors qu'au-delà des mers, une armée s'assemble pour fondre sur le royaume ?

 

- Un petit extrait -

« La plupart d’entre nous ne possédons pas tant de force d’âme. Que pèse l’honneur, contre l’amour d’une femme ? Que pèse le devoir, contre un nouveau-né qu’on étreint…, ou contre le souvenir d’un frère qui sourit ? Du vent, des mots. Des mots, du vent. Nous ne sommes que des créatures humaines, et les dieux nous ont créés en vue de l’amour. C’est là notre auguste gloire, là notre auguste tragédie. »

- Mon avis sur le livre -

 Prudence est mère de sureté, assenait mon arrière-grand-mère. Suivant ses conseils avisés, j’attends généralement d’avoir lu et apprécié le premier tome d’une saga avant d’acheter les tomes suivants : inutile de dépenser de l’argent pour des livres que je ne lirais jamais, ou alors à contrecœur ! Il m’arrive cependant, de temps à autre, de piétiner allégrement cette prudence savamment entretenue, et de tenter un coup de poker … C’est ce qui s’est passé pour Le trône de fer : alors même que je n’avais aucune certitude que le premier opus allait me plaire, j’ai tout de même acheté le coffret contenant les trois premiers tomes. Je dois avouer qu’à la fin du premier, je le regrettais quelque peu : ça n’avait pas été une mauvaise lecture, loin de là, mais ça ne m’avait pas non plus transcendée autant que je l’espérais vu la popularité de la saga et de la série … Toutefois, possédant donc le deuxième tome, j’ai décidé de donner sa chance à ce dernier, et j’ai drôlement bien fait, car il est clairement meilleur que le premier !

Cela faisait bien longtemps que le Royaume des Sept Couronnes n’avait pas connu pareils troubles ! De partout, la discorde sème ses graines : jeux de pouvoir, soifs de vengeance et rêves de gloire germent dans les cœurs et les esprits des puissants de ce monde. Ici, c’est Catelyn Stark qui détient le rejeton Lannister, ce dernier étant menacé par la folie furieuse du petit sire des Eyrié. Là, c’est Eddard Stark qui se débat avec son foutu titre de Main du Roi, obligé de gouverner à la place de ce dernier qui s’en va chasser le sanglier alors que sa propre femme lui fait des enfants dans le dos – plus ou moins littéralement – et que le mystère qui entoure l’assassinat de son prédécesseur s’apprête à être levé. Ailleurs, c’est le jeune Robb Stark qui, du haut de ses quinze ans, veille farouchement sur le domaine et l’honneur familial et de voit contraint de prendre de lourdes décisions pour son jeune âge. Encore plus loin, c’est Jon Snow qui se trouve à la croisée des chemins : l’heure de prononcer ses vœux approche, mais le jeune bâtard se débat encore avec sa conscience pour savoir ce qu’il doit faire …

Tandis que le premier tome restait très introductif, présentant progressivement au lecteur quelque peu perdu la foule immense de protagonistes qui font et sont l’histoire (et l’Histoire), ce deuxième opus rentre enfin dans le vif du sujet : la guerre. Terminés, les ronds de jambe à la Cour. Achevés, les luttes à l’épée de bois. Envolés, les tournois festifs. Tout n’est désormais plus que trahisons et machinations, tandis que chacun œuvre dans l’ombre pour assouvir ses sombres desseins et dissimuler ses obscurs secrets. Car autour du trône, rien n’est jamais ce qu’il semble être : on ne peut se fier à personne, même et surtout pas à soi-même. Car que valent vos belles valeurs, que vaut votre bel honneur, quand la survie de ceux qui vous sont chers est en jeu ? quand on vous promet miséricorde pour mieux vous poignarder dans le dos une fois que vous vous serez parjuré ? comment faire le bon choix lorsque votre cœur est tiraillé entre deux voies opposées ? existe-t-il seulement une bonne décision à prendre, ou n’est-ce qu’une illusion pour soulager notre conscience ? Chapitre après chapitre, nous voyons nos protagonistes se débattre avec ces divers questionnements, avec leurs doutes, leurs espoirs, leurs peines. On en plaint certains, et d’autres moins, mais une chose est sûre : on tourne chaque page avec une appréhension et une fascination croissantes.

Car disons-le clairement : d’un côté, on ne peut qu’être effrayé par cette escalade de violence et on la déplore, mais de l’autre, on sent bien que la guerre est inévitable, qu’il faut qu’elle éclate comme l’orage qui couve pendant des semaines de canicules avant de déverser son tonnerre fracassant sur le monde. Le Royaume est gangréné par les ressentiments et les ambitions, par l’amertume et la convoitise. Il y a les derniers Targaryens, exilés au loin, bien décidés à reprendre le trône qui leur revient de droit. Il y a la reine et ses inavouables secrets qui ne rêvent que de voir la couronne sur la tête de son rejeton. Il y a les Stark qui se débattent entre leur honneur et leurs impulsions belliqueuses. Il n’y a, finalement, ni gentils ni méchants : il n’y a que des hommes et des femmes convaincus que leur voie est meilleure que celle du voisin, il n’y a que des hommes et des femmes qui font tout ce qu’ils peuvent pour survivre et/ou assouvir leurs pulsions et passions. C’est une histoire qui ne montre clairement pas le meilleur de l’être humain, qui montre bien plus le côté sombre qui se cache au cœur de chacun : dans un monde impitoyable où le fort survit et le faible meurt, où les rivalités entre les maisons dictent les agissements de chacun depuis des générations, où les alliances se font et se défont selon ce que chacun peut en retirer personnellement, il faut se battre pour rester en vie. Il faut vaincre, à n’importe quel prix.

Quand on y réfléchit, cela peut sembler assez horrible d’apprécier ce genre de récit. Mais je pense vraiment que si on se laisse tellement happer par cette histoire, c’est avant tout parce qu’elle est remarquablement bien menée et racontée. Alors bien sûr, la fluidité de la traduction laisse toujours à désirer, mais cela n’empêche désormais plus de savourer pleinement ce remarquable roman-choral, où les destinées individuelles s’entremêlent pour former une immense trame. Si cela peut perturber au début, il y a vraiment quelque chose de fascinant à suivre cette grande Histoire en suivant les petites histoires de chacun, du plus puissant au plus humble. On apprécie tout autant suivre Catelyn ou Robb que Bran et Arya, quand bien même ces deux derniers ne jouent pas un rôle actif dans cette intrigue et ne sont finalement que des victimes collatérales de ces cruels jeux de pouvoir et de vengeance. On se sent quelque peu privilégié d’avoir une vue aussi globale de toute cette affaire, alors que chacun des protagonistes n’en connait qu’une infime partie. Et le plus incroyable finalement, c’est que subtilement mais joliment, on sent que la narration s’adapte intimement au personnage dont nous suivons le moins de vue : c’est très discret, justement car c’est bien fait !

En bref, vous l’aurez bien compris, je suis vraiment heureuse d’avoir laissé sa chance à cette saga alors que le premier opus ne m’avait pas pleinement convaincue … En effet, ce deuxième tome a su rattraper le coup : c’était vraiment super palpitant ! On se laisse vraiment porter et transporter par cette histoire aussi sombre que puissante : on se laisse prendre au jeu, finalement, et on meurt d’envie de savoir comment toute cette sombre histoire va bien pouvoir se terminer. On commence vraiment à comprendre qu’il ne faut s’attacher à personne, que l’auteur n’hésitera jamais à tuer allégrement des personnages jusqu’alors principaux, qu’il n’épargnera personne et surtout pas son lectorat. Et c’est justement parce qu’on subit les mêmes pertes que les personnages qu’on se sent étrangement si proches d’eux, alors que nous n’avons absolument rien en commun avec eux. Mais le plus dingue, c’est que même si on sent que ce n’est que le début, que le pire reste encore à venir, on ne peut tout de même pas s’empêcher d’avoir envie de découvrir cette suite. Parce qu’une fois qu’on s’est laissé happé par Le trône de fer, rien à faire, on ne peut plus faire marche arrière …

samedi 19 juin 2021

Rêves, tome 2 : L'éveil de l'onde - Cédric Roux et Robin Marcoux

Rêves2, Cédric Roux et Robin Marcoux

L’éveil de l’onde

 Editeur : Faralonn

Nombre de pages : 316

Résumé : L’Empire d’Eavenia est de nouveau menacé. L’Ordre Elémentaire est disséminé. Les Héritiers sont attendus. Les Ombragés sont parvenus à enlever le nouveau Gardien du Feu, abandonnant Samantha et ses compagnons à la merci d’un océan déchaîné. Alors que Kylliann est emprisonné sur la redoutée Ile Noire, l’adolescente, témoin d’un phénomène extraordinaire, devra faire face à son destin.

 Un grand merci à Cédric Roux et Robin Marcoux pour l’envoi de ce volume.

 

- Un petit extrait -

« Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, la ville pluriséculaire s’était dévoilée en silence, ne laissant derrière elle que le faible ruissellement de l’eau sur les édifices humides. Le sol n’avait pas bronché. Un imposant pont reliant le rivage à la cité émergea à son tour. Samantha remit ses bottes et l’emprunta. Elle se sentait attirée. Incroyablement attirée. »

- Mon avis sur le livre -

 Pour en avoir déjà parlé avec d’autres grands lecteurs, je sais que je suis loin d’être la seule dans cette situation : s’il y a bien une chose qui me perturbe au plus haut point, c’est quand les différents tomes d’une même saga ne sont pas « assortis ». Entre les éditeurs qui décident de changer de format au beau milieu de la saga, ceux qui changent totalement d’identité graphique au beau milieu de la saga, et ceux qui font carrément les deux en même temps, et cela parfois plusieurs fois au cours d’une seule et même saga … Difficile de conserver des étagères de bibliothèques harmonieuses avec toutes ces lubies d’éditeurs, qui semblent parfois n’avoir aucune considération pour leurs clients lecteurs ! Cela fait indiscutablement parti des rares choses qui ont l’art de m’agacer, et il m’arrive bien souvent de pester dans mon coin contre ces horribles bouleversements que nous font subir les éditeurs … Et puis, il y a les situations contre lesquelles je ne peux raisonnablement pas pester. Car clairement, je ne peux pas en vouloir aux auteurs de cette saga d’avoir eu l’immense joie d’être acceptés par une maison d’édition en cours de route, même si cela signifie que j’ai des tomes dépareillés, vu que j’ai la « version » en autoédition du premier opus et le second aux éditions Faralonn !

Alors qu’ils voguaient vers la capitale pour prévenir l’Impératrice du retour des Ombragés aux frontières du pays, le jeune nouveau Gardien du Feu Kylliann et ses compagnons de route ont été attaqués par ces fameuses créatures maléfiques. Malgré ses nouveaux pouvoirs et l’entrainement intensif qu’il a subit pour hériter de ce statut, l’adolescent est enlevé et conduit sur la terrifiante Ile Noire où il rencontre le non moins terrifiant Empereur Goldor ainsi que Draks, l’homme qui a tué son maitre Galfiass, tandis que ses camarades d’infortune s’échouent sur une plage … C’est là que Samantha va vivre une expérience qui va changer le cours de son existence, mais également l’avenir de l’Empire tout entier. Du moins si elle accepte, si elle parvient à faire passer ses responsabilités nouvelles avant ses sentiments, avant l’envie viscérale qui la pousse à aller porter secours à son ami, quoi qu’il arrive … Mais dans l’ombre, un homme tout droit sorti des plus vieilles légendes de ce monde semble lui aussi œuvrer pour sauver Kylliann des griffes de Goldor.

Ayant vu plusieurs commentaires de lecteurs un petit peu perdus en commençant ce deuxième tome, j’ai préféré prendre mes précautions et j’ai donc pris la peine et le temps de relire le premier opus afin de me rafraichir la mémoire, car ma lecture remontait à déjà quatre bonnes années et je n’avais plus la moindre idée de comment le premier tome s’achevait … Et j’ai drôlement bien fait, car nous retrouvons effectivement nos héros exactement là où nous les avions laissés ! L’enchainement est donc très fluide pour le lecteur qui lit les deux tomes d’affilée, mais sûrement très délicat pour celui qui laisse passer plusieurs mois, voire années, entre les deux et qui risque donc de ne pas profiter pleinement du premier tiers du récit car il va devoir batailler pour reconstituer le puzzle de l’intrigue … Ou plutôt, devrais-je dire, des intrigues. Car c’est personnellement ce que je préfère dans cette saga, c’est vraiment que nous avons plusieurs sous-intrigues, plusieurs histoires qui, bien qu’encore assez parallèles les unes des autres, promettent de se recouper dans un avenir plus ou moins proche pour former une intrigue particulièrement intéressante, car particulièrement complexe.

Mais l’envers de la médaille … c’est qu’à vouloir poser solidement les fondations de ces différentes sous-intrigues, à vouloir présenter posément les différents enjeux (magiques, politiques, initiatiques même) de ces différents fils rouges, les auteurs ont fini par sombrer dans ce que j’appelle « l’introduction à rallonge ». Au bout de deux tomes, j’ai encore le sentiment que nous en sommes à la phase d’exposition : l’intrigue, la vraie, peine à débuter. Alors que je pensais qu’une fois l’entrainement de Kylliann achevé, nous allions enfin pouvoir entrer dans le cœur du sujet, voici que nous devons vivre une seconde initiation … et j’ai bien peur que les deux prochains tomes soient consacrés à l’éveil progressif des deux prochains Héritiers, et que nous revivions pour la troisième et quatrième fois ce que nous avons déjà expérimenté deux fois, puisqu’à quelques détails près, l’entrainement de Kylliann et de son homologue de l’eau suivent rigoureusement le même schéma. D’ailleurs … je dois le reconnaitre, j’ai trouvé cela un peu « gros » que ce soit Samantha la Gardienne de l’Eau : c’est certes un « coïncidence » typique de la fantasy, mais c’est tellement vu et revu que j’aurai espéré quelque chose d’un peu moins classique, quelque chose qui exploite un peu plus le fait que Kylliann soit originaire de notre monde, sinon cette « révélation » ne sert pas à grand-chose …

En parlant de révélations, par contre, je dois avouer que ce tome n’en manque pas ! Nous découvrons enfin l’identité de l’homme si mystérieux qui semble traquer le jeune Gardien du Feu depuis son arrivée dans ce monde, et j’ai été très agréablement surprise car je ne m’attendais clairement pas à cela, c’est bien pensé, les auteurs ont vraiment su nous mener par le bout du nez pour que nous nous attendions à tout sauf à ce qui est vraiment ! Les apparences sont bien souvent trompeuses … mais jusqu’à quel point ? J’en suis désormais au stade de me demander s’il n’y a pas une révélation dans la révélation, si tout ceci n’est pas qu’une illusion supplémentaire, bref, maintenant que je sais que les auteurs savent si bien nous manipuler, je ne peux plus m’empêcher de demander si tout n’est pas plus complexe encore … Je suis contente, car le premier tome restait tout de même particulièrement « ordinaire » dans le paysage de la fantasy, donc plus ça se complexifie, plus l’histoire va se démarquer des autres, et j’aime les romans qui savent s’appuyer sur les codes pour mieux les dépasser, plutôt que de les suivre trop aveuglément ! C’est pourquoi je suis ravie de voir autant de politique s’immiscer dans ce qui était de la pure heroïc fantasy (en espérant juste qu’on ne va pas sombrer dans la politique à la Game of thrones) : les sous-genres se mélangent, et c’est ça qui donne à l’intrigue sa touche de singularité !

En bref, vous l’aurez bien compris, même si je ne peux m’empêcher de trouver que l’avènement de la Grande Intrigue traine en longueur, j’ai beaucoup aimé toutes ces petites intrigues que nous suivons dans ce deuxième tome, toutes ces petites intrigues qui nous promettent une Grande Intrigue exceptionnelle lorsque celle-ci éclora enfin ! J’aime la diversité des personnages, j’aime surtout la diversité de leurs quêtes personnelles, quête qui parfois s’entremêle à celles des autres, quête qui au contraire semble parfois s’opposer à celles des autres … J’ai été particulièrement émue par le jeune Yulan, héritier d’une dynastie et de la malédiction associée, qui pense avant tout à sa sœur jumelle alors que l’être qui grandit en lui ne cesse de gagner en puissance. La jeune Stella, avide de connaissances, désireuse de renouer enfin avec l’héritage magique de sa famille, me plait également beaucoup … Sans oublier Vayne, qui se fait certes fort discret mais dont on devine bien les motivations, ainsi que Terek, à qui l’on reproche d’avoir suivi son sens du devoir au mépris des lois martiales implacables. Une chose est sûre : j’ai hâte de retrouver tout ce beau petit monde et de savoir comment ils vont s’en sortir, les uns et les autres ….

samedi 12 juin 2021

Krog Macherok et le venin des Hautes Terres - Guilhem Méric

Krog Macherok et le venin des Hautes Terres, Guilhem Meric

 Editeur : Harmonia

Nombre de pages : 314

Résumé : Le jour où il découvre le corps d'un des siens empoisonné par les vapeurs de la terre, Krog, jeune Gnome Caillassier, prend conscience d'une terrible réalité : ce sont les Hommes et leur sorcellerie qui sont à l'origine du drame qui a frappé jadis sa famille. Il se lance alors en secret dans une mission de sabotage visant les coupables désignés : l'exploitation d'une petite famille de viticulteurs. Il ne s'attendait pas à y croiser la fille du propriétaire, une jeune humaine douée d'étranges pouvoirs sur la nature...

 Un grand merci à Guilhem Meric pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace) et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

 

- Un petit extrait -

« Je ne connaissais rien des Hautes Terres. De ce monde à ciel ouvert dont vous foulez le sol chaque jour. Du frémissement des arbres, du chant joyeux des oiseaux ou des grillons dans leurs nids d’herbes. J’ignorais tout du parfum du thym, de la caresse du vent, du scintillement de la lune dans les flaques d’eau. J’ai vu des chenilles devenir papillons ; des abeilles s’enivrer des fleurs. J’ai senti la vigueur des racines sous mes pieds ; la douceur des feuilles d’un grand chêne sur ma peau. Et au-delà, la chaleur extraordinaire de toute la vie qui m’entourait. […] Je vous ai aidés à vaincre ce faiseur de poisons, c’est vrai. Mais ce n’est pas moi qu’il faut remercier. C’est la nature. Je n’aurai rien pu faire sans elle. Sans son amour pour notre monde et le vôtre. Elle est si discrète, si subtile que vous oubliez parfois combien elle nous aime. Combien sa force de vie accompagne chaque jour tout ce que nous sommes. Croyez-moi, la vraie magie est en elle. Et il faut que nous la préservions. »

- Mon avis sur le livre -

 On dit que la vie fait parfois bien les choses … mais parfois, il arrive également qu’elle les fasse plutôt mal, n’en déplaise aux plus optimistes ! Figurez-vous qu’au printemps dernier, j’étais toute heureuse de pouvoir, pour la toute première fois de ma vie, participer à une campagne de financement participatif  afin de financer l’édition de ce roman, toute heureuse de pouvoir enfin soutenir l’auteur autrement qu’en écrivant des chroniques sur ce petit blog déserté, tout en permettant d’offrir des exemplaires à des enfants hospitalisés … mais voici que cette première campagne n’a pas aboutie. Et lorsque la seconde a été lancée il y a quelques mois, ma situation personnelle et familiale était bien trop compliquée pour que je puisse renouveler mon soutien, à mon grand désarroi car je tenais vraiment à contribuer à ce projet ! Nous voici donc de retour à la case départ : c’est par le biais de cet humble petit article que je vais, une fois de plus, tâcher d’apporter mon petit coup de pouce à Guilhem Meric, puisque les galères imprévisibles de la vie m’ont empêchée de le faire d’une autre manière ! On ne change pas une équipe qui gagne, parait-il, n’est-ce pas ?

Krog Macherok est un jeune Caillassier d’une douzaine d’années presque comme tous les autres gnomes de son village souterrain. Après tout, il a les mêmes yeux gris perle, la même peau cireuse et le même odorat lui permettant de sentir la présence d’émeraude à des lieux à la ronde … il est juste beaucoup trop grand, beaucoup trop élancé, et son visage est beaucoup trop fin pour passer totalement inaperçu. Jusqu’à présent, toutefois, sa différence n’avait jamais pesé au jeune Krog : ceux de son clan l’avaient toujours accepté tel qu’il était. Mais lorsqu’un cataclysme tel qu’aucun gnome n’en a jamais vu détruit totalement le village, lorsque le jeune Krog désormais orphelin est recueilli par son oncle, Grand-Mestre des Feuillus, le fardeau de la solitude et du rejet s’ajoute au poids de la peine et de la rancune. Car Krog en est convaincu : ce sont les Sinoks, les hommes, qui sont à l’origine de cette catastrophe qui a couté la vie à ses parents et à des dizaines d’autres gnomes innocents. Bien décidé à venger les siens, au mépris de tous les interdits, le jeune Caillassier monte sur les Hautes Terres, prêt à en découvre avec ceux qui ont détruit son foyer. Mais sa quête de vengeance tourne court lorsqu’il tombe sur une petite humaine non seulement capable de le voir sans Fleur de Fée mais également capable de contrôler la terre …

 Tout commence par un drame : en quelques minutes à peine, un village tout entier est rasé, des morts jonchent le sol, des cris et des pleurs s’élèvent à chaque coin de rue, c’est la panique et le désespoir. Une scène qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celles qu’aiment nous passer et repasser en boucle les journaux télévisés lorsqu’une catastrophe naturelle s’abat à l’autre bout du globe … à ceci près que ce ne sont pas les êtres humains qui courent, meurent et hurlent, mais des gnomes. Les rencontrer dans une situation aussi semblable à celle que vivent tant d’hommes, de femmes et d’enfants sur notre planète fait immédiatement naitre une sympathie à l’encontre de ces petits êtres féériques qui fourmillent dans les profondeurs de la terre. On ne peut que compatir à leur peur et à leur douleur alors qu’ils voient leur foyer de toujours tomber en ruine, alors qu’ils voient leur époux, leur père, leur frère, leur fils mourir écrasés sous les décombres ou asphyxiés par la poussière. Pauvres petits gnomes, et surtout pauvre petit Krog : notre héros n’a qu’une douzaine d’années, ce n’est encore qu’un enfant, et voici qu’il se retrouve orphelin, à la merci de la discrimination que lui font vivre les membres du Clan de son oncle à cause de sa différence … comme si perdre ses parents et sa maison n’était pas une peine suffisante pour un jeune gnome qui n’a jamais rien demandé à personne !

Mais ce n’est pas seulement de la peine que nous ressentons pour ce pauvre Krog … mais aussi de la honte. Car nous comprenons bien vite que c’est l’activité humaine qui a causé ce drame … et qui en cause bien d’autres. A travers le regard de ce petit être qui vit en harmonie parfaite avec la nature et qui souffre lorsqu’elle souffre, nous prenons pleinement conscience de l’impact néfaste que nous autres humains avons sur cette nature, sur la biodiversité. A vouloir produire toujours plus, toujours plus vite, toujours plus facile, nous appauvrissons, desséchons, épuisons, assassinons la terre. Au nom de quoi ? L’argent, bien évidemment. Pour s’enrichir toujours plus, des laboratoires de produits phytosanitaires peu scrupuleux vont jusqu’à fournir aux agriculteurs les plus crédules ou fauchés des pesticides et désherbants « miracles » qui font certes des merveilles contre les insectes et herbes indésirables, mais qui appauvrissent tant et si bien le sol que ces paysans leur mangent ensuite dans la main quand ils leur proposent des fertilisants « miracles » pour résoudre ce problème … Nous avons souvent tendance à accuser les agriculteurs, mais ce roman nous rappelle que bien souvent, ce sont eux les premières victimes de ce système infernal, de cette quête incessante au rendement, à la productivité, à la compétitivité. Ils sont bien souvent les premiers à mourir à petit feu à cause de ces poisons qu’ils sont obligés de déverser dans les sols s’ils veulent avoir une chance de rembourser leurs prêts bancaires, s’ils ne veulent pas finir au bout d’une corde après avoir perdu les terres familiales …

Tout comme nous, Krog s’est laissé prendre au piège des évidences : c’est au vigneron qu’il en veut, viscéralement, c’est lui qu’il tient responsable de tous ses malheurs. C’est de lui dont il veut se venger. Difficile de lui en vouloir, on comprend bien sa peine et sa colère … Mais bien sûr, les choses ne vont pas se passer tout à fait comme prévu ! Car même si j’ai avant tout mis l’accent sur le message écologique qui se cache derrière ce roman (car vous le savez, c’est une cause qui me tient à cœur, et j’aime mettre en valeur les messages que nous transmettent les histoires), il ne faut pas oublier que c’est avant tout un roman que nous offre l’auteur ! Un roman riche en rebondissements et en révélations qui vous fera passer par toute la gamme des émotions, du « do » de la peur au « si » de la joie en passant par le « fa » de la surprise et le « ré » de la tristesse … Comme tout bon conte de fée qui se respecte, celui-ci fait vibrer en nous cette petite corde de l’imaginaire et du rêve, cette petite corde qui nous relie à l’invisible et au mystérieux : qui ne s’est jamais demandé d’où venaient ces petits cercles d’herbe autour des arbres de la forêt, qui ne s’est jamais demandé à quoi servaient les aigrettes de pissenlit que tous les enfants aiment tant souffler au vent ? Et comme tout bon récit de fantasy qui se respecte, celui-ci joue du tambourin avec notre cœur qui s’emballe lorsque notre brave Krog se lance dans sa quête ou découvre une incroyable vérité …

En bref, vous l’aurez bien compris, je suis vraiment tombée sous le charme de ce « conte éco-féérique » qui m’a fait sourire, pleurer, trembler, sursauter … Je me doutais bien que j’allais l’aimer, cela ne faisait pas le moindre doute, mais je ne m’attendais tout de même pas à être aussi émerveillée par ce bref petit roman qui nous invite à voir notre monde à travers le regard d’un membre du Petit Peuple ! Et qu’est-ce qu’il est beau, notre monde, qu’est-ce qu’il est riche, qu’est-ce qu’il est vivant ! A condition, bien sûr, que nous ne l’étouffions pas sous nos dalles de bétons, que nous ne le noyions pas sous nos torrents de produits chimiques, que nous ne l’asphyxions pas de nos gaz à effet de serre. A condition, donc, que nous prenions soin de lui autant qu’il prend soin de nous. A condition que nous soyons aussi courageux que ce brave petit Krog qui, accompagné de son fidèle petit compagnon hérisson et de ses nouveaux amis, va braver tous les dangers et les interdits pour faire changer les choses une bonne fois pour toute … car « on n'est jamais trop petit pour faire une différence », comme le dit la jeune Greta ! Guilhem Meric nous offre donc ici un récit qui ravira petits et grands, à lire et faire lire à ceux et celles qui aiment rêver ainsi qu’à ceux et celles qui aiment notre douce Terre …