samedi 25 août 2018

Survivor - Tom Hoyle


Survivor, Tom Hoyle

Editeur : Dreamland
Nombre de pages : 267
Résumé : Une randonnée de deux semaines en Australie sans les parents et avec une dizaine d’autres ados ? C’est le rêve pour George, 16 ans, qui adore l’aventure. Mais au bout de quelques jours, un garçon est retrouvé mort. Un décès tragique qui aurait pu passer pour un accident s’il n’avait pas été suivi d’un deuxième, puis d’un troisième ! Perdus dans un milieu hostile, sans moyens de communication, les adolescents réalisent que le tueur est forcément parmi eux… George décide alors de prendre les choses en main pour protéger le groupe et débusquer le coupable. Mais au fur et à mesure que les victimes se succèdent, les chances de rester en vie diminuent. Et surtout, à qui faire confiance quand tout le monde autour de vous est suspect ?

Un grand merci aux éditions Dreamland pour l’envoi de ce volume.

- Un petit extrait -

« C’est  ainsi  que  je  devins  un  héros.  Le  journal  local  a  titré  «  Saint  George  à  la  rescousse  ».  Mon  nom  a  été  détourné  dans  d’autres  jeux  de  mots  similaires  un  peu  partout  dans  la  presse  nationale.  Je  suis  passé  à  la  télé.  J’avais sauvé la vie d’un bébé. Le grand type avait sauvé à la fois la mère et le bébé, mais c’est moi qu’on a mis en tête d’affiche. On  m’a  collé  une  sacrée  responsabilité.  Pourtant,  ce  n’était  qu’une  suite  de  hasards  heureux  :  le  bus  s’est  arrêté  devant  l’immeuble,  j’ai  regardé  par  la  fenêtre  au  bon  moment,  un  type  costaud  s’est  ramené  juste  quand  il le fallait. Mais ce qui, sur le moment, s’apparentait à de  la  chance,  n’était  que  la  première  étape  d’une  autre  succession  d’événements,  bien  plus  horribles.  En  y  repensant, je me dis que ma vie serait peut-être meilleure aujourd’hui si je n’avais pas sauvé ce bébé. »

- Mon avis sur le livre -

Jusqu’à présent, je n’avais exploré que la collection « Romance » des éditions Dreamland … mais cet été, j’avais besoin d’un peu d’aventure et de frissons ! Je me suis donc ruée sur ce roman « angoissant et palpitant, dopé à l’adrénaline », pour reprendre les propos de la quatrième de couverture … et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela qualifie parfaitement cet ouvrage, dévoré en deux petits jours à peine, le souffle coupé et le cerveau en pleine ébullition ! Ce thriller est incroyablement captivant, mais surtout, absolument effrayant : je peux vous assurez que vous ne regarderez plus jamais vos compagnons de randonnés de la même façon … D’ailleurs, pour vous plonger dans l’ambiance, je vous invite grandement à lire ce livre en pleine forêt, vous verrez, vous ne pourrez pas vous empêcher de sursauter au moindre bruit au bout de quelques pages …

George est un héros. C’est du moins ce que tout le monde s’accorde à dire après qu’il ait sauvé une maman et son bébé des flammes d’un incendie … Pour le récompenser, George reçoit la médaille nationale de courage ainsi qu’une inscription à une randonné exceptionnelle en Australie. L’adolescent est ravi : il va passer deux semaines en compagnie d’une dizaine d’autres garçons, au cœur d’une nature restée sauvage, en véritables aventuriers de l’extrême … le rêve ! Mais très rapidement, la situation tourne au cauchemar. Un mort, puis un deuxième … A chaque nouvelle victime, les soupçons grandissent, et les survivants finissent par comprendre que le tueur est l’un d’entre eux. George devient bien malgré lui le leader de cette équipe rongée par la peur et la méfiance : à qui faire confiance, quand tout le monde est suspect ? Parviendra-t-il à débusquer le coupable avant qu’il ne les tue tous ?

Même sans lire le résumé, on comprend dès les premières pages qu’un drame va avoir lieu dans ce roman. Ce livre, c’est le témoignage de George, qui semble être accusé à tort de quelque chose de terrible, que l’on ne parvient pas immédiatement à déterminer mais qui promet d’être effroyable. Au fil des chapitres, qui forment un véritable compte à rebours (qui commence « presque un an avant » et qui court jusqu’à « la dernière heure »), George raconte comment cette randonnée, qui promettait d’être très excitante et inoubliable, s’est transformée en véritable carnage. Il raconte comment il a vécu ces terribles événements, comment il a réagi, il reconnait ses torts mais clame son innocence : il n’est qu’une victime, lui aussi, même s’il a survécu … Les morts, les meurtres se succèdent … La panique s’installe, mais surtout la méfiance : très rapidement, les accusations fusent, les alliances se forment. Le tueur est forcément parmi eux. Le tueur … nous avons également son point de vue, dans des étranges monologues débordant de folie et de haine, qui restent anonymes jusqu’à la fin ...

Mais surtout, ces « autres chapitres » nous embrouillent, complétement. George est perdu, mais le lecteur l’est encore plus. On pourrait se dire que le fait d’avoir des indications supplémentaires nous aidera à débusquer le coupable plus rapidement, mais c’est tout le contraire qui se produit ! Les soit disant indices ne font que nous emmener vers de fausses pistes, qui s’avèrent rapidement être des impasses, lorsque notre suspect du moment finit par mourir à son tour … et que les meurtres continuent. Tous les personnages y passent, un à un, mais on ne parvient jamais à trouver le bon coupable, nom d’un petit bonhomme en mousse ! L’auteur nous mène par le bout du nez … mais je suis tout de même fier de constater que ma première idée était la bonne, même si j’admets m’être aussitôt dit « Nan mais c’est pas possible, tu délires complétement ma petite vieille ! » … Que de mystère, que de suspense, que de frustration ! Le retournement de situation final m’a laissée complétement abasourdi, je ne m’attendais pas du tout à cela, c’est du génie ! L’auteur nous fait tourner en bourrique tout en faisant grimper la tension, jusqu’à l’explosion finale où tout bascule irrémédiablement … et où tout s’arrête brutalement.

En bref, vous l’aurez bien compris, j’ai tout simplement adoré ce thriller ! L’ambiance est pesante, l’histoire est angoissante, l’intrigue est palpitante, la tension est grandissante … A travers cet ouvrage, Tom Hoyle nous montre à quel point les apparences peuvent être trompeuses, mais également à quel point on se laisse facilement influencer par ce que l’on pense savoir d’une personne … ou par l’image que l’on veut nous donner d’elle. J’ai été glacée par l’hypocrisie qui suintait des témoignages qui parsèment le récit : convaincus de la culpabilité de George, tous ces témoins, qui jusqu’alors le trouvaient « gentil », « sérieux » et « de bonne volonté », le décrivent désormais comme un adolescent « dominant », « perturbé » … C’est un livre qui fait vraiment froid dans le dos, pour énormément de raisons, mais c’est surtout un livre qui vous happe et vous captive du début à la fin. George n’est ni un héros ni un assassin, mais juste une victime, un ado comme les autres, ni meilleur ni pire que les autres, mais qui s’est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment … Alors, toujours décidé à aller randonner ce week-end ?


Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge de l’été 2018
(plus d’explications sur cet article)

samedi 18 août 2018

Viralata : Le fils du caïman - Sébastien Acacia


Viralata : Le fils du caïman, Sébastien Acacia

Editeur : Faralonn
Nombre de pages : 260
Résumé : Chimio, hôpitaux, médecins… Un quotidien que Martin ne connait que trop bien. Dans quelques semaines, son passage dans ce monde touchera à sa fin. Comment supporter cette idée d’abandonner son fils, Antonin, atteint d’un autisme sévère ? Comment ne pas regretter de ne jamais lui avoir offert un frère ou une sœur sur qui compter sa vie durant ? Ces questions le torturent, jusqu’au jour où un mystérieux message lui parvient : il aurait eu un autre enfant de son tout premier amour lors d’une précédente vie au Brésil. Martin se lance dans une folle course contre la montre et part à sa recherche en Amazonie, espérant quitter ce monde le cœur en paix.

Un grand merci à Sébastien Acacia pour l’envoi de ce volume.

N.B. : Après quelques années en autoédition, ce livre est réédité en septembre 2020 par les éditions Faralonn !

- Un petit extrait -

« Les vagues cognaient à intervalles réguliers sur les flancs du bateau qui mouillait, immobile, au détour d’un bras de rivière. C’est sur ce rythme que lui offrait généreusement la nature que le jeune indien commença à battre la mesure sur la peau tendue de son instrument à percussion. Djuena ouvrit les yeux et entama un chant traditionnel dans sa langue natale, le Ticuna. Ni les insectes ni même le vent n’osèrent perturber la mystique de cette étrange liturgie. Celle qui venait tout naturellement de s’élever au rang de déesse de la forêt entama une danse subtile faite de petit pas suffisamment appuyés pour en entendre les impulsions sur le plancher et d’un léger balancement du corps de gauche à droite. Les mots qu’elle chantait résonnaient comme autant d’invitations à la transcendance et à la fascination. »

- Mon avis sur le livre -

Lorsque j’ai croisé le chemin du communiqué de presse de cet ouvrage, j’ai aussitôt été très intriguée par celui-ci … tellement intriguée que je n’ai eu aucune hésitation à l’idée de sortir de ma zone de confort, bien au contraire : j’avais terriblement hâte de commencer ma lecture ! J’étais fort curieuse : qu’allait donc me réserver cette « autobiographie fictionnelle » ? Par quelles émotions allait-elle me faire passer ? Jusqu’à quel point allait-elle me faire voyager ? J’étais bien loin de me douter de ce qui m’attendait : ce roman est incroyablement addictif, et je l’ai dévoré en deux soirées à peine, tellement j’avais envie, besoin, de savoir comment cette quête aux allures de road-trip de la dernière chance allait se terminer ! Je ne pensais pas une seule seconde que j’allais être tellement happée par ce tout petit roman si différent de ce que je lis d’ordinaire, je ne pensais pas une seule seconde qu’il allait me secouer à ce point …

Martin le sait : il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre. Il ne craint pas la mort, mais pourtant, il est terrifié. Une question le hante : qui s’occupera d’Antonin, son petit garçon de douze ans atteint d’une forme sévère d’autisme, lorsque sa femme aura elle aussi quitté ce monde ? Les remords le rongent : il regrette plus que jamais de ne pas lui avoir offert un frère ou une sœur qui aurait pu veiller sur lui lorsqu’Anne ne sera plus là à son tour. Alors, quand un mystérieux message lui affirme que Marcia, son premier amour, a eu un enfant de lui, il n’hésite pas une seule seconde : il s’envole pour le Brésil, dans l’espoir de retrouver celle qu’il a tant aimée il y a 18 ans et de rencontrer cet enfant, ce grand frère inespéré dont il ne sait rien. Malgré les douleurs causées par son cancer, malgré la souffrance entrainée par la séparation avec sa femme et son fils, malgré l’imminence de la fin qui le guette, Martin s’enfonce au cœur de la forêt amazonienne, bien décidé à survivre jusqu’à l’aboutissement de cette quête désespérée …

Au cœur de ce roman, il y a l’amour. L’amour infini d’un père pour son fils, pour ce petit garçon si différent des autres mais débordant d’amour, pour ce petit garçon perdu dans ce monde qu’il ne comprend pas et qui ne le comprend pas. Et de cet amour nait la peur, une angoisse sourde et douloureuse : qui s’occupera d’Antonin lorsque sa femme et lui ne seront plus là pour le faire ? C’est cette inquiétude, éprouvée par beaucoup de parents d’enfants porteurs de handicap, que l’auteur a placée au cœur de son intrigue : c’est cette crainte qui pousse Martin à effectuer ce voyage si éprouvant, autant physiquement qu’émotionnellement. Il ne peut se résoudre à laisser son fils, qui est parfaitement incapable de se débrouiller seul et le sera toujours, sans quelqu’un pour veiller sur lui. Alors, poussé par cet infime mais puissant espoir né d’un simple message d’une illustre inconnu, poussé par cet incroyable amour, Martin va tout faire pour retrouver ce fils dont il ne connaissait même pas l’existence. J’ai été bouleversée par cet amour inconditionnel, touchée par l’angoisse de ce père qui fait passer le bien-être futur de son enfant bien avant sa propre santé. C’est un roman incroyablement émouvant de ce point de vue !

Mais ce livre, c’est également un voyage … pour le personnage comme pour le lecteur. Un voyage au Brésil, au cœur de la forêt amazonienne. A travers ce roman, on ressent vraiment l’amour que l’auteur porte à ce pays : pour tout avouer, alors même que je déteste voyager, ce livre me donne presque l’envie de m’envoler pour l’Amazonie ! Mais le voyage que ce roman nous propose est loin d’être un voyage touristique : au fur et à mesure que Martin s’enfonce dans cette forêt tropicale, au fur et à mesure qu’il progresse dans sa quête, les souvenirs refont surface, et avec eux les questionnements, les doutes, les incompréhensions. Pour Martin, ce voyage sera le dernier : en revenant dans ce pays qui fut le sien durant des années, dans ce pays où il rencontra son premier grand amour, dans ce pays où naquirent ses deux fils, notre protagoniste renoue avec son passé, ferme la boucle. C’est également un voyage intérieur : toutes ses certitudes, basées sur un rationalisme exclusif, se voient balayées comme un château de cartes, au fil des rencontres, au fil des hasards … Philosophie, anthropologie et théologie sont très présentes dans cet ouvrage. On peut être d’accord avec les croyances et idées de Martin comme on peut ne pas l’être, ce n’est pas ce qui est important ici : l’important, c’est que les questions soient posées, que le lecteur soit invité, à son tour à réfléchir. J’ai pour ma part été très marquée par cette interrogation : n’est-ce pas de l’égoïsme que de vouloir donner naissance à un enfant dans ce monde où il ne pourra être heureux, où il ne fera que souffrir d’une façon ou d’une autre ? Je pense que c’est une question qui n’a pas fini de tourner dans ma tête …

Mais pourtant, ce livre, c’est vraiment une invitation à l’espoir. Cet espoir qui pousse Martin à avancer, qui brule au fond de lui et étouffe les assauts de découragement. En dépit de toutes les embuches qui se dressent sur son chemin, de toutes les complications qui semblent menacer sa quête, Martin ne désespère pas. Il ne désespère pas car il est soutenu par une ribambelle d’individus, dont la bonté, la bienveillance, l’altruisme, l’abnégation, redonnent foi en l’humanité. Le voyage de Martin est parsemé de belles rencontres : chaque sourire échangé est une force, et il ne fait aucun doute que notre héros ne serait jamais arrivé au bout de sa quête sans l’aide de Weena, de Djuena et des autres. Martin a accordé sa confiance à cette parfaite inconnue qui lui a annoncé par message qu’il avait un fils au bout du monde, il a accordé sa confiance à toutes les personnes qu’il a croisées au cours de son périple, parce que seul il n’est rien. Ce roman, c’est vraiment une invitation à l’ouverture aux autres, nous qui vivons dans une société où nous sommes profondément centrés sur nous-mêmes. Il suffit parfois d’un mot, d’un geste, d’un regard, pour illuminer la journée de quelqu’un … Il suffit de bien vouloir lever la tête et entrer en contact avec autrui …

En bref, vous l’aurez compris, ce livre m’a énormément émue. Peut-être est-ce parce que je suis grande sœur d’un plus-si-petit garçon autiste, et que je sais donc à quel point son futur préoccupe mes parents, que je sais qu’un jour viendra où se sera à moi de veiller sur lui. Peut-être est-ce parce que j’ai toujours été passionnée par les croyances et coutumes des tribus amazoniennes … Toujours est-il que ce roman, si différent de mes lectures habituelles, m’a vraiment captivée. Il y a ce sentiment d’urgence qui nous pousse à tourner page après page, de la même manière que Martin se rapproche pas après pas de cet enfant inconnu. Il y a ces émotions, si puissantes, qui semblent décuplées par l’environnement mystique dans lequel Martin évolue. Il y a cette poésie des mots, qui transporte le lecteur au cœur de cette forêt : il suffit de fermer les yeux pour voir, entendre, sentir, percevoir. Quel beau livre, quel beau livre !


Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge de l’été 2018
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samedi 11 août 2018

Des bleus au corps - Clara Richter


Des bleus au corps, Clara Richter

Editeur : Dreamland
Nombre de pages : 415
Résumé : Pas facile pour Estelle, seize ans, de grandir sans sa mère, décédée il y a un an. En plus, son père a décidé de prendre un nouveau départ et de déménager... Elle va devoir s'intégrer dans un nouveau lycée, changer de vie. Heureusement, elle rencontre Enzo, un prodige du roller. Estelle se sent immédiatement proche de ce garçon énigmatique et taciturne. Peut-être parce qu'elle comprend que lui aussi cache une vraie souffrance et un lourd secret. Peu à peu, des liens se nouent, puis une attirance qui se transforme en un amour fragile. Estelle pourra-t-elle apaiser les tourments d'Enzo ? Si elle y arrive, les deux adolescents retrouveront peut-être goût à la vie...

Un grand merci aux éditions Dreamland pour l’envoi de ce volume.

- Un petit extrait -

« Tous me renvoient l’image d’une fille qui m’était inconnue jusqu’à maintenant : une fille sympa, sociable et d’agréable compagnie. Quelqu’un qui mérite qu’on s’intéresse à elle. Quelqu’un qui sait s’amuser. Tous, sauf un. Enzo. Evidemment. Avec lui, tout est plus compliqué. Je n’arrive pas à déterminer s’il me déteste ou s’il me supporte, sans parler de bien m’aimer. Tout ce que je sais, c’est que lorsque je suis avec lui, un phénomène étrange se produit. C’est comme si je sortais de moi, mue par une force extérieure, pour aller lui parler. Tout mon être se tend vers lui. Je ne me reconnais pas. Lorsqu’il est là, ma timidité s’envole, parce que j’ai l’impression qu’Enzo m’a cernée. Je ne peux pas affirmée qu’il a compris, pour mes bras, mais j’en jurerais presque. Je crois que j’ai aussi très envie de pénétrer sa carapace, d’abattre les murs qu’il a dressées entre lui et le reste du monde. »

- Mon avis sur le livre -

S’il y a bien une chose que j’adore lorsque je lis plusieurs ouvrages d’un même auteur, c’est lorsque l’auteur en question créé des liens entre ses différents romans. L’un des exemples les plus flagrants à mes yeux, c’est Sarah Dessen, chez qui l’on retrouve les mêmes personnages secondaires dans plusieurs romans, c’est fort sympathique parce que ça illustre bien à quel point « le monde est petit » ! Ce fut donc une belle surprise que de voir que Clara Richter semble également apprécier de genre de petit clin d’œil : j’ai eu la joie de recroiser, l’espace d’une scène, Alix et Elyas, héros de Ma bonne étoile ! Sachant que c’est mon coup de cœur pour ce premier roman qui m’a donné envie de découvrir Des bleus au corps, ça m’a fait vraiment plaisir de retrouver brièvement ces deux personnages. Ils vivent au-delà de leur propre roman, ils s’immiscent dans le quotidien d’autres héros d’une autre histoire … Histoire toute aussi émouvante que la précédente, d’ailleurs !

Un an après le décès de sa mère, Estelle vient de déménager avec son père. Nouvelle ville, nouvelle vie. Mais surtout, nouveau lycée … Le jour de la rentrée, malgré sa timidité, elle se lie d’amitié avec Eléonore et Etienne qui la présentent à leur petit groupe de riders. Estelle n’a jamais mis les pieds dans des rollers, mais elle se sent rapidement à l’aise. Seul Enzo, petit prodige du groupe, garde ses distances … distance qu’Estelle rêve de combler. Car elle ne peut le nier : elle se sent irrémédiablement attiré par le jeune homme, malgré son sale caractère, malgré ses sautes d’humeur … Peut-être parce qu’elle sent que, tout comme elle, Enzo cache une grande souffrance intérieure. Parviendra-t-elle à briser la carapace, à découvrir le secret d’Enzo ? Et surtout, parviendra-telle à l’aider, à apaiser ses tourments ? 

Je dois l’avouer, au moment d’entamer ma lecture, et malgré toute mon envie de découvrir ce livre, j’avais un petit peu peur : peur de me retrouver face à un « remake » de Ma bonne étoile. Après tout, dans un cas comme dans l’autre, on a une fille et un garçon brisés par la vie, qui se rencontrent, et ça fait des étincelles … Mais fort heureusement pour moi, ce ne fut pas le cas ! Je me suis rapidement attachée à Estelle : c’est une jeune fille adorable, pleine d’empathie et de compassion, qui fait bien souvent passer le bien-être des autres avant le sien, qui aime profondément les animaux … et surtout, qui manque profondément de confiance en elle. Estelle apprend à vivre seule, sans la direction de sa mère, qui avait toujours son mot à dire sur tout et ne cessait de critiquer ses choix, ses actes, ses paroles … Il y a beaucoup de colère chez Estelle, une colère qu’elle n’ose pas exprimer, qu’elle n’ose même pas ressentir, et cela la rend incroyablement fragile. Malgré tout, j’ai eu quelques difficultés à m’identifier à elle : elle est bien trop fêtarde à mon gout ! C’est d’ailleurs le seul reproche que je peux faire à ce livre : présenter les fêtes alcoolisées comme une chose parfaitement normale à l’adolescence, et pour moi qui ait toujours eu horreur de ce genre de choses, cela me semble très cliché : non, tous les ados n’aiment pas se saouler à frôler le coma éthylique tous les samedis soirs !

Ce roman, c’est donc une histoire d’amour compliquée. Compliquée parce qu’Enzo n’est pas prêt à laisser quelqu’un découvrir ses secrets, ses faiblesses, ses souffrances. Compliquée parce qu’Estelle a ressenti cette douleur chez lui et tient absolument à l’aider, parce qu’elle l’aime, de toutes ses forces, de tout son cœur, de toute son âme. Elle l’aime tellement qu’elle est prête à le perdre, si cela peut le sauver … Voici l’une des grandes questions cachées derrière ce livre : que doit-on faire, lorsqu’on est tiraillé entre sa raison et ses émotions ? que doit-on faire lorsqu’on sait que suivre la voix de sa conscience, c’est prendre le risque de trahir un secret, de trahir la confiance que quelqu’un nous a accordé ? Pour Estelle, qui jusqu’à présent n’avait jamais eu l’occasion de prendre des décisions, puisque sa mère choisissait tout pour tout le monde, c’est un déchirement : elle va devoir faire un choix. Et on se sent tiraillée avec elle, et alors on souffre avec elle. Ce livre, c’est comme une cocotte-minute d’émotions : ça commence doucement, et puis progressivement, sans qu’on ne s’en rende vraiment compte, la tension augmente, enfle, s’accumule, et ça finit par exploser. Et alors arrive le final, ce final qui n’a rien d’une happy end à la Disney, ce final qui m’a littéralement fait éclater en sanglots, parce que c’est atrocement déchirant, comme final. On a tellement envie de la réécrire, cette fin !

Mais cette fin, elle se comprend. Parce que ce livre n’est pas seulement une jolie romance pour adolescentes. Ce roman, il aborde des thématiques sensibles, très dures : le deuil, la maltraitance, l’automutilation … Bien plus qu’un roman sur le premier amour, c’est vraiment un roman sur la souffrance que nous propose l’auteur. La souffrance qu’on s’inflige, que l’on nous inflige, que l’on inflige aussi, parfois … Cette souffrance que l’on peut soit tenter d’oublier, soit au contraire dont on veut se souvenir car elle fait partie de nous, de notre histoire, parce qu’elle a fait de nous celui ou celle que nous sommes … C’est vraiment un roman difficile, par moments, parce que cette souffrance est présente un peu partout, même lorsque les personnages tentent de la masquer. J’ai deviné beaucoup de choses bien avant qu’elles se soient « dévoilées », parce que les indices étaient nombreux … Et on est d’autant plus triste pour Enzo et Estelle que l’on sent que tout cela ne pourra pas finir bien, ce serait trop beau pour être vrai … On a envie d’y croire, jusqu’à la fin, on a envie que l’amour règle tous les problèmes, mais ce livre n’est pas une romance à l’eau de rose, alors forcément tout ne s’arrange pas comme sur des roulettes ! Pour ma part, j’espère bien recroiser le chemin d’Estelle et Enzo dans un futur roman de Clara Richter, afin d’avoir de leurs nouvelles, en espérant qu’elles soient bonnes, parce que je les aime bien, ces deux zigotos !

En bref, vous l’aurez compris, ce livre est un nouveau coup de cœur. C’est triste, oui, mais c’est beau. C’est dur, oui, mais c’est beau. C’est un très beau roman, très bien écrit. C’est un roman qui fait pleurer, mais qui fait sourire aussi. C’est une ode à l’amour et à l’espoir, à l’amitié et au pardon. C’est un véritable condensé d’émotions, qui aborde avec beaucoup de finesse, de douceur, de justesse, des thématiques graves, des sujets terribles … C’est un livre dont on ne ressort pas indemne, c’est un livre qu’on ne peut pas oublier facilement, parce que c’est un livre qui ne laisse pas indifférent. On ne peut pas s’empêcher de s’attacher à Enzo et Estelle, si fragiles mais si forts à la fois, si complexes, si humains … C’est un livre qui fait réfléchir sans que l’on ne s’en rende compte, un livre qui pose des tas de questions, un livre qui invite chacun à trouver sa propre réponse … C’est donc un livre que je conseille sans hésitation, sans restriction, parce que c’est un très beau livre, une très belle histoire portée par une très belle plume !



Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge de l’été 2018
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