samedi 30 juin 2018

Ces rêves étranges qui traversent mes nuits - Stéphanie Leclerc


Ces rêves étranges qui traversent mes nuits, Stéphanie Leclerc

Editeur : L’école des loisirs
Collection : Medium
Nombre de pages : 250
Résumé : Qu’est-ce qu’on va faire de toi ? Cette question, tout le monde se la pose à propos de Robin. Il vient d’être exclu du collège. Sa mère ne veut plus s’occuper de lui. Son père, pris entre son travail à l’imprimerie et sa nouvelle histoire d’amour, n’a pas beaucoup de temps à lui consacrer. Robin doit attendre le mois de septembre maintenant pour envisager une formation. Et c’est loin, septembre. D’ici la prochaine rentrée, Robin doit trouver à s’occuper.

- Un petit extrait -

« Ma mère et moi avons été heureux ensemble jusqu'à ce que j'aie dix ans. Entre nous deux l'amour coulait de source. Après ça a été plus difficile, je ne sais pas pourquoi. Quand j'ai grandi, elle m'a moins aimé. Elle a dit de plus en plus souvent que je tournais mal. C'est plus facile de dire que les enfants tournent mal. D'ailleurs, c'est peut-être vrai. Quand on les aime moins, les enfants tournent mal. »

- Mon avis sur le livre -

Après deux ans d’abonnement à l’Ecole des Max, il serait peut-être plus que temps que je me plonge enfin dans la lecture des différents romans reçus au fil des mois ! D’autant plus qu’à chaque fois, je suis toute excitée lorsqu’ils arrivent dans la boite aux lettres : je m’extasie devant les couvertures (vraiment, l’Ecole des loisirs a le chic pour trouver des photographies absolument magnifiques : ces couleurs, ces ambiances … je fonds !) et devant les titres (toujours si poétiques), je sautille de joie devant les résumés qui promettent toujours des histoires riches et émouvantes … Et puis, mon regard se pose sur la pile des services de presse, et je me rappelle que j’ai des engagements à tenir, et je remets à plus tard la lecture de ces ouvrages. Maintenant que j’ai retrouvé un bon rythme de lecture et suis ainsi parvenue à prendre suffisamment d’avance dans le traitement des services de presse, je peux enfin m’autoriser à piocher dans ces livres !

Robin vient d’être viré du collège et expulsé de l’appartement maternel, le tout en l’espace d’une journée : c’est son père, qui va désormais le prendre chez lui, qui lui a annoncé. Plus le temps passe, plus il a le sentiment que son prénom n’est plus Robin mais « Qu’est-ce qu’on va faire de toi ? », tant cette interrogation soupirée fuse autour de lui. Robin ne sait pas qui est ce « on », mais surtout, il ne sait pas trop ce qu’il va faire de lui-même. L’avenir, c’est tellement loin : ne pourrait-on pas le laisser d’abord vivre son présent avant de penser au futur ? Robin n’a pas envie de penser orientation professionnelle, n’a plus envie de passer ses journées enfermé entre quatre murs à ingurgiter des informations qui ne lui sont et seront jamais d’aucune utilité. Robin aimerait qu’on s’intéresse au lui-présent et non pas au lui-à venir qui n’existe que dans l’imagination des adultes … 

En ouvrant ce livre, je ne savais pas trop à quoi m’attendre … mais assurément pas à ça. Je me suis retrouvée face à un ouvrage qui se rapproche plus du documentaire que du roman : l’idée n’est pas de raconter une histoire mais bien de figer sur le papier une tranche de vie. Tandis que défilaient les pages, tandis que s’écoulaient les chapitres, c’est un film qui se joue devant nos yeux : un film aux plans fixes et larges, un film sans musique, un film « sans histoire, sans sujet, sans héros, sans début ni fin » mais tellement passionnant par sa sobriété même. On marche aux côtés de Robin, de cet adolescent complétement perdu, livré à lui-même au milieu de ce monde cruel qui est le nôtre : un monde qui s’acharne à briser tous les rêves de l’enfance, un monde dans lequel il faut rentrer dans le moule sans poser de questions, un monde où la solitude est omniprésente malgré l’essor des réseaux sociaux, un monde qui veut tout rationaliser … alors que la vie est tout sauf rationnelle, la vie est une multitude de petits instants mis bout à bout. La vie, c’est le soleil qui se lève ou les insectes nocturnes qui chantent, c’est le sourire d’une maman et le ronronnement d’un chat. La vie, comme ce livre, est fait de petit rien qui forme un tout.

Il m’est extrêmement difficile de parler de ce livre, de vous extraire les grandes thématiques et les grandes questions qu’il fait naitre comme je le fais d’ordinaire : c’est en effet un livre qui se vit plus qu’il ne se lit, un livre qui ne se raconte pas. Alors bien sûr, je peux vous affirmer que ce livre évoque l’inégalité sociale, la transgression des interdits, les relations parentales, le harcèlement scolaire … Mais cela ne fait pas honneur à ce roman qui est bien plus qu’une simple accumulation de thèmes. Ce que je peux vous dire, c’est que c’est un roman lumineux, un roman plein d’espoir, un roman qui fait du bien. C’est un roman plein de surprises, j’ai particulièrement apprécié la présence de « Jujube », ce petit garçon un peu étrange mais finalement tellement lucide, ce petit garçon qui transforme la musique en arc-en-ciel … mais ce que j’ai surtout aimé, c’est que finalement, à son sujet, il n’est jamais question d’autisme : Jujube est Jujube, tout comme Robin est Robin. Dans ce livre, les personnages ne sont pas enfermés dans une case … et ça fait plaisir à voir, dans cette société où tout est catégorisé, et où tout ce qui ne correspond pas aux étiquettes pré-écrites est rejeté …

En bref, je pense qu’il est inutile de s’acharner pour agrandir artificiellement cette chronique : tout ce que vous devez retenir, c’est que ce roman est d’une beauté, d’une puissance rare, par sa simplicité même, par sa justesse, par sa douceur. En l’espace de quelques centaines de pages, l’auteur dépeint l’adolescence, pas l’adolescence rebelle mais l’adolescence fragile : lorsque l’on n’est plus tout à fait un enfant mais pas encore un adulte, lorsque l’on ne peut plus se réfugier dans l’insouciance mais que l’on n’a pas encore acquis la maturité attendue d’un adulte, comment faire pour satisfaire les nombreuses attentes qui pèsent sur nous ? lorsque l’on ne sait plus vraiment qui on est, comment se projeter dans l’avenir ? lorsque la vie n’a plus de sens, comment la remettre à l’endroit ? « Ici personne ne me demande ce que je vais devenir, peut-être parce qu’il est évident que c’est ce que je suis en train de faire. Devenir », voilà ce qu’affirme Robin à la fin de cet ouvrage : et si l’on méditait un peu là-dessus ?

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)

mercredi 27 juin 2018

Goodbye, Loretta - Shawn Vestal


Goodbye, Loretta - Shawn Vestal

Editeur : Albin Michel
Collection : Terres d’Amériques
Nombre de pages : 339
Résumé : Short Creek, Arizona, 1974. Loretta, quinze ans, vit au sein d’une communauté de mormons fondamentalistes et polygames. Le jour, elle se plie à l’austérité des siens, la nuit, elle fait le mur et retrouve son petit ami. Pour mettre un terme à ses escapades nocturnes, ses parents la marient de force à Dean Harder, qui a trente ans de plus qu’elle, une première femme et déjà sept enfants …

Un grand merci aux éditions Albin Michel pour l’envoi de ce volume et à la plateforme Babelio pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« Loretta se tourne et file vers la maison. Où veut-elle aller ? Lorsqu'elle pense à son avenir, elle imagine toutes sortes d'expériences et de libertés, s'achète toutes sortes de vêtements neufs, dévore des sucreries et du bœuf à longueur de journée, conduit une voiture rose et porte du rouge à lèvres Tussy. Mais où se trouve-t-il ? A quel endroit ? »

- Mon avis sur le livre -

Il semblerait que la plupart des lecteurs aient été attirés par l’aspect « road-trip » de ce roman. Pour ma part, c’est plutôt la consonance « religieuse » qui m’a poussée à accepter la proposition de Babelio : le résumé promettait une véritable immersion au cœur d’une communauté mormone intégriste et rigoriste, et je voyais là un bon moyen pour en apprendre un peu plus sur ce mouvement religieux, né du christianisme mais séparé de ce dernier. Mon objectif était donc, en premier lieu, de mieux comprendre l’origine du schisme théologique entre l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours et le catholicisme, mais également de mieux saisir les différentes « formes » de ce courant religieux, car l’Eglise mormone est loin d’être unie et uniforme : elle est elle-même divisée en plusieurs branches, plus ou moins strictes et austères, et les divergences doctrinales elles-mêmes sont nombreuses.

Fin des années 70. Loretta, quinze ans, ne supporte plus son quotidien austère, fait de prières et d’étude des Saintes Ecritures, faite de silence et de restrictions. Alors, chaque nuit, elle se glisse hors de son lit, hors de chez elle, hors de cette communauté engluée dans les traditions et les interdits, pour rejoindre Bradshaw, son petit ami. L’espace de quelques heures, Loretta se glisse dans la peau d’une « gentille », d’une non-mormone, avant de se replonger dans l’immuabilité de son existence. Mais lorsque ses parents découvrent ses escapades nocturnes, ils craignent pour son âme, pour leur âme, et décident de la marier à Dean. Dean, qui dirige les Récoltes de Sion, Dean, qui a déjà une femme et sept enfants. Selon le Principe, celui du mariage plural, Loretta est désormais une « épouse-sœur », membre de cette famille céleste appelée à s’élever ensemble vers le salut. Loretta étouffe, mais ses rêves ne sont que cela : des chimères qui tournent et retournent dans son esprit sans qu’elle ne sache comment les faire basculer dans la réalité …

La première partie de ce roman, indéniablement la meilleure à mes yeux, nous offre donc une véritable plongée dans le morne quotidien de Loretta qui peine à s’adapter à son nouveau statut d’épouse-sœur au sein de cette communauté mormone fondamentaliste et polygame. Loretta n’a pas choisi cette existence, elle la subit, elle la hait. Mais pourtant, c’est la seule vie qu’elle connait. Il y a vraiment une dualité profonde dans le cœur de la Loretta de la première moitié du récit : d’un côté, elle rêve de s’enfuir, elle rêve de liberté, elle rêve d’une vie « normale », mais de l’autre, elle a peur de l’inconnu, peur de quitter tout ce qu’elle connait depuis toujours. Alors, Loretta accepte tout, sans se rebeller, sans se révolter, elle accepte tout, elle suit le chemin qu’on a tracé devant elle. Et elle s’enlise dans ce nouveau quotidien, aussi monotone, aussi pénible que celui qu’elle avait chez ses parents, avec la nouvelle obligation de « porter une glorieuse semence jusqu’au Seigneur » … Il ne se passe pas grand-chose d’exceptionnel dans les deux-cents premières pages, le rythme est trainant, languissant, pesant. Et cela correspond tout à fait à l’ambiance, à l’atmosphère, de ce roman : c’est oppressant, dérangeant. Mais clairement, cette partie est sans le moindre doute la plus intéressante, la plus instructive.

En effet, à partir du moment où Loretta rencontre Jason, le neveu de Dean, suite au décès du père de ce dernier, tout s’effondre. Déjà, les chapitres consacrés aux « discours » d’Evel Knievel, un motard cascadeur, faisaient tâches, s’incrustaient dans l’histoire sans avoir aucun lien avec elle et sans rien lui apporter. Mais alors, ce n’était rien comparé à ce que nous offre la dernière partie du roman ! Ça part dans tous les sens et n’a donc plus aucun sens. L’auteur voulait nous proposer une « ode à la liberté », un road-trip « mémorable » … Pourquoi pas, mais encore faudrait-il que cela soit cohérent avec le reste du roman. En l’espace de quelques pages, la personnalité même des personnages change du tout au tout, sans raison apparente, et ça ôte toute crédibilité au récit. Ce road-trip est invraisemblable, artificiel, illogique, irrationnel, aberrant. Il n’avait rien à faire, du moins sous cette forme, dans cette histoire. Quelle déception ! Je n’ai ressenti aucun intérêt pour cette seconde partie, je l’ai lu uniquement pour savoir le fin mot de l’histoire, parce que je n’aime pas abandonner une lecture, mais c’était plus par devoir que par envie. C’est tellement dommage, ce tournant pris par l’histoire, car tout était si intéressant jusqu’alors !

En bref, une lecture plus que mitigée. Après un début prometteur, captivant, porté par une plume extraordinaire, d’une force incroyable, qui vous prend aux tripes et vous transporte au cœur des Amériques des années 70, l’histoire prend une direction bien moins profonde, caractérisée par une bonne dose d’incohérence et d’invraisemblance. J’ai donc bien du mal à savoir si j’ai aimé ce roman ou non : le déséquilibre entre les deux parties, ainsi que l’insertion régulière de chapitres dédiés à un motard qui n’apporte rien à l’histoire, me laisse plus que perplexe. Ce n’est pas une déception totale, loin de là, j’ai vraiment terriblement apprécié la première partie, mais c’est clairement une promesse qui n’a pas été tenue, et c’est quelque chose qui a tendance à me frustrer légèrement. A conseiller donc à ceux que les changements brusques et aberrantes de personnalités ne dérangent pas, et qui aiment les road-trip improbables et invraisemblables … A noter toutefois : de magnifiques descriptions de paysages qui vous feront rêver et voyager !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
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samedi 23 juin 2018

Dust Bowl - Fabien Fernandez


Dust Bowl, Fabien Fernandez

Editeur : Lynks
Nombre de pages : 263

Résumé : Oklahoma, avril 1935. Témoin impuissant du meurtre de son père, Kush fuit la demeure familiale en proie aux flammes. En quête de justice et de vérité, le jeune Forgeron découvre l'existence d'un complot qui pourrait bien changer l'histoire du pays. Déterminé à s'opposer aux plans des Alchimistes, l'ordre occulte responsable de sa mort et de celle de nombreux mages Forgerons à travers les siècles, L'adolescent traverse le pays ravagé par le Dust Bowl, tempêtes de poussières dévastatrices nées par la faute des hommes. Au cours de son périple, Kush croise Ruben, un étrange golem, un inquiétant groupe de forains et Alexandria, tireuse de cartes, dont il tombe éperdument amoureux...

Un grand merci aux éditions Lynks pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« Je reste planté là, à regarder ces enfants qui se font la guerre. D’horribles images surgissent devant mes yeux. Je suis tétanisé. Ma mémoire est secouée. C’est assez bref. Juste assez pour me demander si j’ai été comme eux, petit. Juste assez pour me demander pourquoi dès le plus jeune âge, l’humain apprend à tuer. Suis-je humain ? »

- Mon avis sur le livre -

Pour tout avouer, c’est la curiosité qui m’a poussée vers ce livre : je ne connaissais l’auteur que de nom, je ne savais pas très bien ce que signifiait le terme « Dust Bowl » … Je n’avais donc aucune idée de ce qui m’attendait vraiment lorsque j’ai commencé ma lecture. Et quelle surprise, quelle belle surprise ! Bien que ce roman ne soit pas un coup de cœur – probablement parce que l’intrigue se résout trop rapidement, mais sans être réellement bouclée, brouillant les pistes : y-aura-t-il une suite ou non ? –, j’ai vraiment adoré ce livre qui a su dépasser toutes mes attentes ! Derrière cette belle et intrigante couverture se cache un récit riche, palpitant, intéressant, qui brouille les frontières entre récit historique, roman fantastique, réflexion philosophique et plaidoyer écologique …

Kush vient de voir son père mourir sous ses yeux. Aveuglé par son désir de vengeance, l’adolescent quitte son foyer dévasté par les flammes pour traquer les meurtriers de celui qui représentait sa seule famille. N’ayant pour seule possession que le manuscrit que ce dernier lui a ordonné de protéger, Kush découvre qu’un immense complot se trame : les Alchimistes en veulent au Président et comptent dominer l’économie agricole du pays par l’intermédiaire de graines génétiquement modifiées ne produisant que des plantes stériles … Bientôt rejoint par Ruben, lui-même issu d’une sombre expérimentation des Alchimistes, le jeune Forgeron va tout faire pour enrayer cette machination, même si cela l’oblige à braver les tempêtes de poussière qui ravagent alors l'Oklahoma, le Kansas et le Texas ...

Véritable page-turner, ce roman vous happe de la première à la dernière phrase. Le lecteur ressent, comme Kush, un sentiment d’urgence qui le prend aux tripes : il faut poursuivre la lecture, avant qu’il ne soit trop tard. On s’attache rapidement à ce jeune garçon, devenu orphelin en l’espace de quelques minutes, désormais livré à lui-même avec pour seule force sa colère, avec pour seule alliée sa maitrise encore fragile du feu. Kush n’est plus un enfant, mais il n’est pas un homme non plus : il est à la croisée des chemins, et on peut très facilement s’identifier à lui. Alors on a peur, on a mal pour lui. On voudrait l’aider, le soutenir, le conseiller. Mais le lecteur est impuissant … la seule chose qu’il puisse faire, c’est tourner les pages, dévorer les chapitres, pour savoir ce qui va advenir de Kush … et de Ruben. Deuxième narrateur de ce récit au rythme effréné, Ruben se débat avec les différents fils qui composent sa mémoire, héritage des multiples corps à partir desquels il a été créé. On a envie de protéger Ruben de toutes les atrocités du monde, lui qui malgré sa carrure imposante semble si fragile et démuni … Ces deux personnages sont d’une complexité rare, et ils ont su conquérir mon petit cœur de lectrice !

Les embuches sont nombreuses sur leur chemin, et on a la gorge nouée et le souffle court à chaque fois qu’ils se retrouvent dans une situation délicate. L’auteur n’épargne ni ses personnages ni ses lecteurs : la chance ne sourit jamais bien longtemps à ces deux adolescents déjà bien malmenés par la vie, et l’on en vient à se demander s’ils parviendront au bout de leur quête … C’est un livre avec lequel on ne s’ennuie pas une seule seconde. Une ambiance pesante, oppressante. Une tension omniprésente, grandissante. La fin se rapproche, inexorablement, et le Destin semble vouloir mettre toujours plus de bâtons dans les roues de nos deux amis. Le Destin occupe une place importante dans ce récit, à travers le personnage d’Alexandria, Tisseuse, qui lit l’avenir dans les cartes … Le futur est-il figé, ou bien sont-ce nos choix qui le déterminent ? Ce livre ne donne pas de réponse à cette question. Plus encore, il laisse quelque peu le lecteur sur sa faim : moi qui m’attendais à un final grandiose, je me suis retrouvée avec une fin en demi-teinte. A la fois trop rapide et pas assez tranchée : quelques dizaines de pages supplémentaires auraient été les bienvenues ! Rien n’est véritablement résolu, finalement, et pourtant il semblerait que ce roman soit un stand-alone : quel dommage d’avoir mis en place un univers si riche pour finalement laisser tant de questions en suspens …

Mais l’auteur nous offre bien plus qu’une simple course contre la montre pour contrer les machinations d’une organisation malveillante. Ce livre est bien plus qu’un page-turner. C’est une bouteille à la mer, un cri dans la nuit. Ce n’est pas pour rien que l’histoire prend place au cœur du Dust Bowl. Les effroyables tempêtes de sable qui ont ravagés ces régions ne sont que les conséquences de l’avidité de l’homme, qui a voulu produire plus, toujours plus, qui ne jure plus que par une chose : la croissance, le progrès, mais surtout la richesse … et cela au détriment de tout le reste. Ce livre, il nous invite à veiller sur la Terre qui nous porte et nous nourrit sans rien demander d’autre qu’un peu d’attention pour pouvoir survivre et continuer à nous apporter ses bienfaits. Il nous invite à ne plus être repliés sur nous-mêmes mais à s’ouvrir à la nature, à l’autre … Car ce livre offre également une belle réflexion sur l’humanité, sur la société d’hier mais aussi celle d’aujourd’hui : « Est-ce ça, être vivant alors ? S’abaisser, se torturer mutuellement, dominé ou être dominé … Je ne comprends pas ce que Kush appelle l’humanité », nous dit Ruben … L’humanité, c’est censé être la « bienveillance de l'homme pour ses semblables », mais Ruben ne voit pas cette bonté, il ne voit que l’égoïsme et l’individualisme, il ne voit que la violence et l’indifférence. Sans jamais être moralisateur, ce récit nous invite tout simplement à la réflexion …

En bref, je suis tombée sous le charme de ce roman ! L’auteur a une très belle plume, très vivante, très percutante. Des phrases courtes, fulgurantes, qui s’accordent à merveille au rythme effréné du récit. Une histoire haletante, qui ne laisse au lecteur aucun répit, qui le tient en haleine. La tension, monte, progressivement, et on s’attend à une fin en apothéose … Et voilà bien le seul point faible de ce roman, finalement : cette fin qui n’en est pas vraiment une, qui tombe un peu à plat tant elle détonne avec le rythme palpitant et riche en rebondissements auquel le lecteur était habitué jusqu’alors. C’est un livre à double-tranchant, qui conviendra tout autant aux amoureux des page-turner captivants qu’aux adeptes des romans d’apprentissage, qui plaira assurément aux passionnés de road-trio tout en fascinant les lecteurs de fantastique ! Un livre qui surprend, mais qui surprend agréablement !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
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Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge de l’été 2018
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