mercredi 30 septembre 2020

La nouvelle - Cassandra O'Donnell


La nouvelle, Cassandra O’Donnell

Editeur : Flammarion jeunesse
Nombre de pages : 126

Résumé : Haya et sa famille viennent de Syrie. Ils ont dû fuir la guerre et se sont donc rendus en France, dans un village breton. Haya entre au collège et doit faire face à la méchanceté et au racisme de certains collégiens. Heureusement, son nouvel ami Gabriel la soutient et lui permet de vivre plus sereinement son arrivée dans ce nouveau pays.






- Un petit extrait -
« Ils ne veulent pas de nous....ils pensent qu'on est venus ici pour de mauvaises raisons, ils croient que nous avons le choix...mais le seul choix qu'on a fait, c'était celui de ne pas mourir...  »
- Mon avis sur le livre -

Comme bien d’autres lecteurs, j’entretiens une relation assez complexe avec ma faramineuse pile à lire : je l’aime autant que je la déteste. Je l’aime car elle est pleine de promesses : que d’histoire encore à découvrir, que d’aventures inconnues à vivre ! Mais je la déteste car je suis complétement dépassée par son expansion incontrôlable. Il me semble parfois qu’elle est l’objet d’une malédiction infernale : à chaque fois que je lis un livre, il y en a deux autres qui font leur apparition, et j’ai alors le sentiment que je ne parviendrais jamais à lire tous les livres qui attendent patiemment leur tour sur les étagères de mes toujours plus nombreuses bibliothèques … C’est pourquoi parfois, pour conjurer le sort, je me tourne vers de touts petits livres : ils se lisent suffisamment vite pour que j’ai l’impression de faire baisser un tantinet cette monstrueuse pile à lire qui menace parfois de s’effondrer sur moi et de m’ensevelir sous des tonnes de livres mécontents de ne toujours pas être lus !

C’est toujours difficile d’arriver en cours d’année dans un établissement scolaire. Cela l’est d’autant plus pour la jeune Haya qu’elle n’est pas seulement « la nouvelle », mais surtout « l’étrangère ». Petite réfugiée syrienne parachutée dans un collège breton, Haya ne parle pas encore parfaitement bien le français, et cauchemarde chaque nuit des bombardements, des morts, des hurlements … Et comme si cela n’était pas suffisant, elle doit également faire face au mépris de ses camarades de classe, qui ne veulent pas d’elle « chez eux ». Heureusement, il y a Gabriel. Gabriel qui n’hésite pas une seule seconde à se dresser contre ses camarades de classe pour la défendre. Gabriel qui l’aide chaque jour à progresser en français et à faire ses devoirs. Gabriel qui devient très rapidement son seul et meilleur ami. Mais l’adolescent a lui aussi bien des tracas : sa grand-mère se comporte étrangement ces derniers temps. Elle semble triste, comme perdue dans un autre monde … ou une autre époque dont il ne sait rien.

Qui aurait cru qu’un si petit livre pouvait être aussi riche, profond et puissant ? Je l’ai lu en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, toute étonnée de déjà tourner la dernière page alors que je venais d’ouvrir le livre, mais je pourrais en parler pendant des heures tant il y a de choses à dire au sujet de ce minuscule petit récit ! Destiné au jeune lectorat – je dirais du CM à la cinquième environ –, ce bref roman aborde des thématiques ô combien actuelles et délicates : la guerre en Syrie et l’accueil réservé aux réfugiés dans notre pays. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la « fraternité » prônée par notre devise nationale est très loin d’être au rendez-vous. Car est-ce véritablement fraternel de cracher à une petite fille de rentrer chez elle car on ne veut pas d’elle, alors que chez elle, c’est la guerre, la mort ? Le contraste entre la petite Haya, au cœur plus gros qu’elle, et ses camarades de classe, haineux et cruels, est bouleversant … et révoltant. Comme si la pauvre enfant n’avait pas vécu suffisamment d’horreurs dans sa courte, il faut en plus qu’elle subisse ce racisme ordinaire mais ô combien inhumain. J’ai eu tellement de peine pour la petite Haya, et cela d’autant plus qu’on sait tous pertinemment que ce n’est pas une simple fiction : c’est encore plus insupportable !

Fort heureusement, tout n’est pas si sombre : Haya rencontre Gabriel, un adolescent ordinaire mais autrement plus accueillant que ses autres camarades de classe. Là où les autres enfants déversent intolérance et malveillance, Gabriel fait régner l’amitié et la solidarité : il va tendre la main à Haya, au lieu de lui tourner le dos, il va se dresser à ses côtés face à ceux qui ont fait d’elle leur bouc émissaire, la fille à abattre parce qu’elle est étrangère. Gabriel, c’est ce petit héros du quotidien, celui qui n’hésite pas à affirmer haut et fort ne pas être d’accord avec la majorité, celui qui se bat pour la justice et la bienveillance, celui qui lutte contre la haine et la violence. Gabriel redonne foi en l’humanité, il prouve que tout n’est pas encore perdu et qu’il y a peut-être encore un peu d’espoir pour l’avenir : il existe encore des cœurs suffisamment grands pour penser aux autres, pour aider les autres. Pour aimer les autres, dans ce monde où chacun se replie sur lui-même en rejetant sans sommation ce qu’il ne connait pas. Gabriel, c’est l’exemple à suivre, un modèle pour tous les jeunes lecteurs qui découvriront ce petit roman : il ne fait aucun doute qu’ils ne pourront qu’être touchés par l’histoire de la pauvre Haya, et qu’ils ne pourront que voir en Gabriel un petit garçon incroyablement courageux qu’on a envie d’imiter !

Je ne peux pas achever cette chronique sans évoquer ce que je considère être le second fil rouge de ce petit roman : il ne s’agit pas uniquement d’une magnifique histoire d’amitié, mais aussi d’une très belle histoire de famille. En effet, il est également question de la relation pour le moins houleuse entre Gabriel et son frère ainé, le chouchou de son père car il est champion de natation alors que Gabriel n’est qu’un enfant « quelconque ». Ni l’un ni l’autre n’est prêt à faire le premier pas pour apaiser la situation : Mathias est bien trop fier pour cela, et Gabriel ne se sent pas à la hauteur … Petit à petit, cependant, les deux garçons vont apprendre à se connaitre, et à nouer enfin ce lien fraternel qui leur faisait tant défaut : c’est très mignon, ça fait du bien au moral. J’ai également énormément apprécié l’histoire qui tourne autour de leur grand-mère et de ses secrets : au fur et à mesure qu’elle se dévoile, qu’elle se replonge dans ses douloureux souvenirs qu’elle avait préféré cacher bien au fond de sa mémoire pour se concentrer sur le doux présent, on découvre que l’histoire se répète … C’est très émouvant !

En bref, vous l’aurez bien compris, ce roman a beau être minuscule, il n’en est pas moins vraiment superbe ! C’est une véritable ode à la tolérance, un véritable appel à la bienveillance, une invitation à ne jamais se laisser guider par la haine et les préjugés. C’est un livre aussi dur que doux : il est dur car il met en scène ce racisme du quotidien, il est doux car il met en évidence la bonté dont peut faire preuve l’être humain. C’est un roman vraiment touchant, bouleversant, émouvant, qui m’a fait passer un excellent moment de lecture. A mes yeux, c’est un ouvrage qui devrait être lu par tout le monde : les enfants en premier lieu, pour les sensibiliser à la question de la tolérance et de la bienveillance, et leur faire découvrir « autrement » la réalité de la guerre … mais aussi les adultes, car notre société est vraiment gangrénée par cette haine de l’autre qui nous empêche de voir la souffrance inexprimables de ces hommes, ces femmes, ces enfants, qui ont fui l’enfer de la guerre pour tomber dans celui de la misère. Un petit roman d’utilité publique, qui se lit vite et bien et qui porte en peu de pages bien plus de messages que de longs pavés indigestes ! Une vraie pépite de la littérature jeunesse !

dimanche 27 septembre 2020

Top 5 : Mes prochaines lectures (septembre 2020)

- Top 5 : Mes prochaines lectures -

 C’est le retour des tops ! Et cela grâce à Mange-Nuages qui a mis en place un petit challenge/jeu que je vous invite à retrouver sur Livraddict ! Un thème par semaine, rien de plus simple, d’autant plus que j’ai décidé de faire ceci sous forme de mini-article pour ne pas me surcharger … Le thème de la semaine n’étant pas encore dévoilé, voici mon thème secours :

 Mes prochaines lectures

 Je vous présente, tout simplement, les livres qui vont – normalement – m’accompagner ces prochaines semaines, sauf imprévus bien évidemment !

 Et voici donc mon petit top 5 :

 ▸ Le fer au coeur de Johan Heliot

Le loto littéraire me donne une bonne excuse pour sortir enfin ce roman de ma pile à lire … Johan Heliot est un auteur que j’apprécie énormément, la collection Electrogène fait indiscutablement partie de mes préférées, la couverture est sublime et le résumé super intriguant, bref, tout est là pour me donner envie !

 ▸ Belle et Sébastien : Le secret du grand Gaou, Le document secret de Cécile Aubry

J’ai littéralement grandi avec la série télévisée : déjà sur les vidéos souvenirs de quand j’avais trois mois, on la voyait défiler à l’écran ! Pendant des années, j’ai été amoureuse du petit Medhi (qui jouait Sébastien), et je réclamais à corps et à cris une Belle ! J’ai donc vraiment envie de me replonger dans l’histoire via ce livre !

 ▸ Star Wars (Légendes) : The Old Republic, tome 1 : Revan de Drew Karpyshyn

Il était déjà programmé lors de mon précédent top similaire, en février 2020, mais n’a finalement toujours pas été lu ! Je vais donc profiter du fait que seuls quelques livres seront « sauvés » de l’encartonnage pour le déménagement pour ne pas me laisser le choix, afin d’avancer enfin sur mon challenge personnel !

 ▸ Le vieux qui lisait des romans d'amour de Luis Sepúlveda

Je ne savais même pas qu’on possédait ce livre, je l’ai trouvé par hasard en faisant des cartons, et vu qu’il colle parfaitement à une consigne du loto qui me posait problème … j’ai décidé de le garder ! Je ne connais pas du tout l’auteur, n’ait jamais vraiment entendu parler de ce livre, c’est donc une découverte totale !

 ▸ Les petits orages de Marie Chartres

On me l’a imposé plusieurs fois sur divers challenges, donc cette fois-ci, c’est décidé : je ne me défilerai pas ! Le plus dingue, c’est que j’adore vraiment la couverture et le résumé, mais jusqu’à présent, il y avait toujours quelque chose (un service presse, un challenge) pour m’empêcher de le découvrir …

samedi 26 septembre 2020

La 5e vague, tome 2 : La mer infinie - Rick Yancey


La 5e Vague2, Rick Yancey
La mer infinie

Editeur : Robert Laffont
Collection : R
Nombre de pages : 401
Résumé : Cassie Sullivan et ses compagnons ont survécu aux quatre premières vagues destructrices lancées par les Autres. Maintenant que l'espèce humaine a été presque entièrement exterminée et que la 5e Vague déferle sur la planète, le groupe se trouve face à un choix : se préparer à affronter l'hiver en espérant le retour rapide d'Evan Walker, ou se mettre en quête d'éventuels survivants avant que l'ennemi ne referme sur eux son impitoyable piège. Personne ne peut prédire à quels abîmes de cruauté les Autres sont prêts à s'abaisser, ni à quelles hauteurs l'humanité saura se hisser. La bataille finale ne fait que commencer...

- Un petit extrait -
« Nous nous sommes regardés, et le temps s'est comme replié sur lui-même, le temps que nous avons perdu dans le sang et le temps que nous avons acquis grâce au sang, le temps où je n'étais qu'une chieuse de grande sœur et lui l'ennuyeux petit frère, le temps où j'étais celle qui valait la peine que l'on vive pour elle, et lui celui qui valait la peine qu'on meure pour lui. »
- Mon avis sur le livre -

Vous avez du vous en rendre compte désormais : j’aime beaucoup les livres à « deux niveaux de lecture », ceux que l’on peut lire à la fois pour le simple plaisir de l’aventure et pour les messages sous-jacents qu’on peut y trouver en creusant un peu, ceux qui nous permettent de vivre des péripéties qu’on espère ne jamais avoir à subir dans la réalité tout en nous questionnant sur le monde, la vie, l’humanité. L’équilibre est délicat à trouver : si l’auteur insère trop de « réflexions métaphysico-philosophiques », il risque de perdre nombre de lecteurs qui ne viennent chercher que du divertissement, mais s’il n’en met pas du tout, il réduira la flamme profonde de son récit à néant. Car bien souvent, les personnages eux-mêmes ont besoin de se rattacher à quelque chose – la religion, la morale, l’éthique – pour rester pleinement humains en dépit de toutes les horreurs qu’ils vivent et des actes parfois terribles qu’ils sont obligés d’accomplir pour survivre. C’est d’ailleurs un point de divergence récurrent entre papa et moi : lui fait un blocage dès qu’une chose « immorale » arrive, alors que j’aime personnellement analyser ce qui a été à l’origine de cet acte, de ce choix, et ce que ça montre sur notre propre humanité …

L’humanité. Cassie et ses compagnons ont parfois le sentiment de représenter à eux seuls les dernières réminiscences de l’espèce humaine. Sept gamins rescapés de cette implacable invasion extraterrestre, sept gosses même pas fichus de s’accorder entre eux : si Cassie refuse obstinément de quitter l’hôtel où ils se sont retranchés avant qu’Evan ne les ai rejoint, Ringer fait savoir qu’elle ne restera pas une seule seconde de plus dans ce trou à rats alors que l’hiver approche à grands pas. Les garçons assistent impuissants à cette lutte sans fin entre deux volontés inébranlables. La rupture est inéluctable : Ringer s’en va, en quête d’un nouveau refuge pour survivre à la mauvaise saison, suivie par la petite Teacup qui la voit comme son héroïne, tandis que Cassie, Ben, Sam et les autres décident d’attendre encore un peu, de laisser encore un peu de temps à Evan pour tenir sa promesse. Mais d’un côté comme de l’autre, les choses tournent mal : les Autres n’ont pas dit leur dernier mot, et il semblerait que leur plan soit loin d’être aussi évident qu’on ne pouvait l’imaginer …

Comme c’est souvent le cas dans les trilogies, ce deuxième opus est indiscutablement un tome de transition : c'est le calme après la tempête qui vient de s'achever et avant celle qui approche. Le temps semble s’être arrêté, une certaine langueur s’installe progressivement, entre attente et découragement. Rester, c’est mourir. Partir, c’est mourir. Car il ne fait aucun doute que les Autres sont toujours là, prêts à achever le moindre humain qui sortira de son trou. Mourir de faim et de froid, ou mourir abattu : tel l’âne de Buridan qui meurt de faim et de soif entre un seau contenant de l'avoine et un seau contenant de l'eau, n’ayant pu choisir entre les deux, nos héros semblent tourner en rond sans parvenir à se décider sur ce qu’il convient de faire. Alors ils piétinent. Le temps s’est arrêté, rien ne se passe : il faut le reconnaitre, le premier tiers est atrocement lent. Et pourtant, l’envie de poursuivre ne faiblit pas un seul instant. On a besoin de savoir. On est dans l'expectative, on se demande à quelle sauce nos héros vont bien être mangé : où, quand, comment ? Et surtout, pourquoi ? Au fil des chapitres, cette question se fait plus lancinante ...

En effet, dans ce tome, toutes nos certitudes s’effondrent une à une, et il ne reste plus qu’un océan de perplexité, une mer infinie de confusion. On ne sait plus à qui se fier, on ne sait plus que croire : jusqu’à présent, les choses semblaient simples, évidentes. Ils voulaient la Terre et décimaient l’espèce humaine pour s’approprier ce territoire. Mais plus ça avance, plus on se questionne : il y a quelque chose qui cloche, on le sent, on le sait. Mais impossible de mettre véritablement le doigt dessus, impossible de deviner quel est réellement leur plan. Tout comme Ringer, que nous suivons durant plus de la moitié du récit (à mon plus grand désespoir initial vu que je ne l’appréciais pas vraiment, et pour mon plus grand plaisir par la suite car elle s’avère bien plus intéressante – voire même un tantinet attachante – au fil des chapitres), on se demande sans cesse comment tout cela va bien pouvoir évoluer, comment tout ceci va bien se finir. Ce tome est certes bien plus calme que le précédent, mais une chose est absolument sûre et certaine : il est clairement aussi captivant, d’une autre manière …

En bref, vous l’aurez bien compris, bien que ce tome soit clairement un opus de transition, avec toute la monotonie que cela peut entrainer, j’ai tout de même passé un très bon moment de lecture, et surtout, j’ai atrocement envie de me jeter sur la suite, à défaut de pouvoir me ruer sur Vosh pour lui faire cracher ses quatre vérités. Si j’ai été quelque peu déçue et frustrée de ne pas voir Cassie et ses compagnons pendant toute la seconde moitié du récit, qui est centré exclusivement sur Ringer, il ne fait aucun doute que c’est cela qui pousse le lecteur à continuer, vaillamment, parce qu’on a besoin de savoir comment ce grand bourbier va bien pouvoir se terminer. Ça promet un troisième et dernier opus riche en rebondissements et en révélations, car il faudra bien qu'on est enfin le dernier mot de toute cette affaire, un opus riche en actions et en émotions, car on sent que tous ne s'en sortiront pas indemnes. Tous les nœuds de l’intrigue sont désormais bien noués, et on se demande bien comment ils vont se démêler pour former le fil du grand dénouement … J’ai hâte de voir ce que l’auteur nous a concocté, mais j’ai peur en même temps !

mercredi 23 septembre 2020

Neurotribus - Autisme : plaidoyer pour la neurodiversité - Steve Silberman (mini-chronique)


Neurotribus, Steve Silberman

Editeur : Quanto
Nombre de pages : 489

Résumé : En dévoilant l’histoire de l'autisme, le journaliste d’investigation Steve Silberman offre un récit inédit et captivant. Au fil de l’enquête, les recherches scientifiques et les parcours courageux des personnes autistes, parfois célèbres, et de leurs proches montrent que les différences neurologiques mises en évidence par l'autisme (caractérisées par des troubles comme la dyslexie ou le déficit de l'attention) ne sont ni une maladie ni la conséquence de la toxicité du monde moderne, mais la simple expression de variations naturelles qui sont autant de richesses pour le genre humain. Un livre événement qui changera votre vision sur l’autisme.


Un grand merci aux éditions Quanto pour l’envoi de ce volume et à Babelio pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -
« Après avoir été diagnostiqué autiste Asperger à l’âge de 12 ans, il a dû quitter l’école qu’il aimait tant. Il était toujours le même, mais les attitudes de toutes les personnes autour de lui semblaient avoir changé du jour au lendemain. « J’étais un garçon chez qui les gens voyaient un grand potentiel » se rappelait Ne’eman. « Du jour au lendemain, tout le monde a commencé à être surpris dès que je faisais quelque chose de bien. Avant, tout le monde se concentrait sur ce en quoi j’étais bon, ce que je voulais dans la vie et les matières qui m’intéressaient. Après le diagnostic, tout le monde s’est focalisé sur mes difficultés et mes différences. Pourtant, les gens avaient jugé exactement les mêmes choses de manière positive auparavant. D’un coup, les opportunités qui m’étaient proposées avait changé du tout au tout ».   »
- Mon avis sur le livre -

La quatrième de couverture nous présente cet ouvrage comme « le livre le plus abouti sur l’histoire de l’autisme » mais également comme « une enquête ambitieuse, méticuleuse et généreuse, un livre humaniste et important, magnifiquement rédigé » : je ne peux qu’approuver ces deux affirmations. En effet, cet essai est assurément l’un des ouvrages les plus complets qu’il m’ait été donné de lire sur le sujet, et j’en ai pourtant lu un bon paquet ces dix dernières années !

Plus qu’une simple rétrospective comme il en existe déjà beaucoup sur le marché, c’est une véritable épopée « au pays de l’autisme » que nous offre l’auteur : il ne se contente pas de nous relater froidement l’histoire de ce trouble aussi célèbre que méconnu, il nous la raconte à la manière d’un très bon romancier. Pas une seule fois je n’ai eu le sentiment de lire un essai : c’était comme lire un roman, un roman fascinant et captivant que l’on ne peut plus lâcher une fois commencé.

Et cela d’autant plus que l’auteur ne s’est pas arrêté au côté purement « médical » de l’autisme : il nous le présente à travers de thématiques aussi diverses que l’histoire des sciences (le premier chapitre est ainsi consacré à Henry Cavendish, scientifique aussi connu pour son génie que pour sa bizarrerie), la naissance des premières communautés de fans de science-fiction ou encore la genèse du célèbre film Rain Man en passant par les débuts de l’informatique et de la radio … Passionnant !

Il s’attarde un peu plus longuement sur les « grands noms » historiques (pour ne pas dire mythiques) de l’autisme, à savoir Hans Asperger et Leo Kanner, nous offrant des biographies détaillées et passionnantes des deux découvreurs de l’autisme. Il nous présente également ces « héros » de l’autisme, qui ont consacré leur vie à la cause autistique … Pour le meilleur comme pour le pire, car les « guerres de l’autisme » ont été jalonnées de terribles événements (jusqu’en 2014, on continuait à « traiter » par électrochocs les enfants autistes).

Mais le véritable fil rouge de cet ouvrage, celui qui se discerne à travers les combats des mères pour faire reconnaitre les besoins spécifiques de leurs enfants, celui qui s’affirme à travers les nombreux témoignages de personnes autistes qui se sentent comme des extraterrestres perdus dans un monde qu’ils ne comprennent pas et qui ne les comprend pas, c’est bien ce plaidoyer en faveur de la neurodiversité. Car les autistes ne sont pas des fardeaux pour la société, ils ont tant de choses à lui apporter !

En bref, vous l’aurez bien compris : si je ne devais conseiller qu’un seul ouvrage de référence à ceux et celles qui s’intéressent à l’autisme, ça serait indiscutablement celui-ci. Steve Silberman a fait un travail tout simplement extraordinaire, je suis à la fois très admirative et très reconnaissante. Il nous offre un ouvrage vraiment complet, très enrichissant, qui brise une bonne fois pour toutes tous les préjugés qui pèsent sur l’autisme et appelle à la bienveillance. A lire et relire !