samedi 31 mars 2018

Exilée - Adriana Kritter


Exilée, Adriana Kritter

Editeur : Autoédition
Nombre de pages : 290
Résumé : « Comment aurais-je pu imaginer que ce 21 juin 2034, jour lumineux du solstice d’été et de mon dix-septième anniversaire, serait aussi celui de ma disgrâce ? » En quelques heures, le destin de Jasmine bascule. Obligée de quitter son village et sa vie préservée pour sauver son fiancé, elle découvre qu’il existe au-delà des frontières un monde dont elle ne sait rien et qui recèle autant de menaces que de promesses. Cette découverte va faire vaciller ses convictions…

Un grand merci à Adriana Kritter pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace) et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« Nous voulions créer un monde plus juste, plus harmonieux. Et c'est ce que nous avons fait. Nous avons décidé de vivre en autarcie, comme nos ancêtres, et de respecter au maximum la nature à qui nous devons tout. C'est ainsi qu'ont été créées nos lois. »

- Mon avis sur le livre -

Comme beaucoup de grands lecteurs, j’ai toujours un roman dans mon sac quand je sors de chez moi, même lorsque je sais pertinemment que je n’aurai pas le temps de lire : on ne sait jamais, je trouverai peut-être un petit peu de temps pour avancer dans ma lecture ! Dès que cela m’est possible, je sors prestement mon compagnon du jour du sac et je dévore quelques pages par-ci, quelques pages par-là … On ne s’ennuie jamais lorsque l’on a un livre avec soi ! C’est ainsi qu’hier, au lieu de rester sans rien faire pendant que mes parents signaient le devis pour la demande de permis de construire, j’ai attrapé Exilée qui attendait patiemment d’être entamé et je me suis plongée avec joie dans cette dystopie qui me semblait incroyablement prometteuse … Le moins que l’on puisse dire, c’est que mon intuition était juste : quel merveilleuse lecture, quelle fantastique découverte ! 

Jasmine vient d’avoir dix-sept ans … mais ce jour d’anniversaire est loin d’être des plus réjouissants, bien au contraire. Suite à un terrible accident qui a laissé son fiancé entre la vie et la mort, la jeune fille est jugée responsable de ce tragique événement : si elle ne s’était pas rendu en forêt malgré l’interdiction du chef du village, Hélias n’aurait pas eu besoin de venir l’y chercher, et l’ourse ne l’aurait pas grièvement blessé … De plus, si elle était sagement restée au village, Jasmine n’aurait pas tué ce pauvre animal, et ne serait pas présentement enfermée en attente de son jugement. Car un tel crime de sang mérite une punition exemplaire … Mais jamais Jasmine n’aurait imaginé que sa peine serait ainsi cruelle que le bannissement … Désemparée, envahie par la culpabilité et l’inquiétude, Jasmine décide de tenter le tout pour le tout pour sauver son fiancé : en suivant les indications de la guérisseuse du village, la jeune fille va braver les interdits et se rendre au-delà de la rivière, dans ce territoire qui effraye tant les villageois, à la recherche d’une médecin capable de sauver Hélias …

Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre lorsque j’ai commencé ce livre, mais une chose est sûre, il a dépassé de très loin toutes mes espérances ! Tout commence avec le bannissement de Jasmine, conséquence directe de son escapade en forêt et de l’accident qui en découla. L’auteur ne perd pas de temps à nous expliquer en détail le mode de fonctionnement du village : elle se contente de nous mettre devant le fait accompli, Jasmine est bannie pour avoir mis en danger un membre de la communauté et avoir bafoué les règles ancestrales en tuant un animal. On est directement plongé dans l’action, d’autant plus que les chapitres sont assez courts et que les différents rebondissements s’enchainent rapidement : si je suis d’ordinaire assez peu réceptive aux récits où les péripéties se succèdent à un rythme effréné, je dois bien admettre m’être laissée entrainée sans m’en rendre compte ! L’histoire avance vite, sans temps morts, sans éléments superflus … Et même si j’apprécie habituellement les récits proposant un certain équilibre entre péripéties et interludes plus « calmes », il faut reconnaitre que ce premier tome rempli à merveille son rôle : faire passer au lecteur un excellent moment de lecture en sa compagnie !

Bien plus qu’un simple divertissement, l’auteur nous offre également une dystopie très efficace. En premier lieu est ainsi abordé notre rapport à la nature et, plus précisément, la façon dont nous traitons les animaux. La souffrance animale est ici abordée sans le moindre filtre, et certaines scènes m’ont tout simplement retourné le cœur et fait monter les larmes aux yeux : comment les hommes, censés être plus civilisés que les animaux, peuvent-ils faire subir à ces derniers de tels supplices ? J’ai toujours été effarée par le manque de respect dont l’homme fait preuve à l’encontre des animaux … Que nous mangions de la viande, pourquoi pas, l’être humain étant par nature un carnivore au même titre que d’autres mammifères, mais que nous nous permettions de faire souffrir ainsi des animaux, c’est quelque chose qui m’a toujours révoltée … et on sent bien qu’il en est de même pour l’auteur. Une vache destinée à l’abattoir mérite autant de respect que le chat que nous aimons avoir sur les genoux, et il est de notre responsabilité, à nous qui nous permettons d’exploiter ces pauvres bêtes pour notre alimentation, de faire les choses correctement en les traitant correctement.

Mais une autre thématique est également abordée dans ce récit, avec beaucoup de finesse et de lucidité. L’auteur ne se contente ainsi pas de dénoncer les dérives de la recherche scientifique avec les expérimentations sur des sujets vivants, ce que bien des auteurs de dystopie ont déjà fait. Non, elle questionne directement le bien-fondé de cette recherche : à vouloir sans cesse jouer avec l’ordre naturel des choses, ne risquons-nous pas de faire pire que mieux ? Adriana Kritter ne s’arrête pas uniquement à la quête de l’immortalité qui anime l’homme depuis toujours. Elle évoque également, à demi-mots, la « course au confort » de notre société actuelle : lorsque j’étais petite (et cela ne remonte pas si loin que cela), lorsque l’on avait un rhume, on prenait notre mal en patience. On sortait les mouchoirs, on se contentait de lait chaud avec du miel pour apaiser notre gorge irritée, et on attendait quelques jours que ça aille mieux. Maintenant, on se gave de pastilles pour la gorge, de sirop pour la toux, de sprays nasals pour mieux respirer, de comprimés pour la fatigue … sans même réfléchir à ce que nous sommes en train d’ingérer, parce qu’il ne faut surtout pas s’imaginer que ces produits sont inoffensifs ! Dans ce roman, la situation est poussée à l’extrême puisque les maladies, ou plutôt le principe même de la maladie, a été éradiquée : plus personne n’attrape de rhumes ou d’angines, ce n’est pas merveilleux ? Au premier abord, si, c’est tellement plus agréable … mais les conséquences de ce « miracle de la science » sont assez dramatiques. Bien évidemment, nous n’en sommes pas là, mais ce livre invite à remettre les choses à leur place : pour les petites maladies inoffensives, avons-nous réellement besoin de ces produits chimiques néfastes au long terme, ou ne pouvons-nous donc pas plutôt accepter d’avoir le nez bouché et la voix enrouée pendant deux petits jours ?

En bref, un roman aussi sympathique qu’intéressant, qui plaira autant aux lecteurs avides d’aventure que les lecteurs passionnés de romans d’anticipation. Derrière cette couverture sobre se cache une dystopie vraiment efficace, mais aussi une belle histoire d’amitié qui prend finalement plus de place que la romance que laisse pourtant présager la quatrième de couverture. Des personnages terriblement attachants (mention spéciale à Gary, à son sale caractère et à son cœur d’artichaut bien caché derrière ses airs de brute épaisse et insensible !), une histoire qui mêle action, mystère, émotion et humour, une plume tout simplement magnifique … Que pourrait-on demander de plus ? Peut-être le tome deux : la fin de ce premier volume est tout simplement éprouvante pour les nerfs, elle vous laisse sur votre faim, elle vous fait pousser des hurlements de protestations (« nan mais c’est pas vrai, elle ne peut pas nous laisser avec une fin pareille ?! » … si, si, elle peut, et elle l’a fait) … Bref, de la même manière que vous ne pourrez plus vous arrêter de lire une fois que vous aurez commencé ce livre, vous ne pourrez plus vous empêcher d’attendre continuellement la suite une fois que vous l’aurez terminé !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)

mercredi 28 mars 2018

Holy Darwin, tome 1 : Le monde des autres - Nathalie Antien


Holy Darwin1, Nathalie Antien
Le monde des autres

Editeur : Opéra
Nombre de pages : 140
Résumé : Holy Darwin est une jeune adolescente comme les autres. Alors qu’elle se trouve seule à la maison un soir, tout son univers bascule. Les objets disparaissent, les murs se distordent, des personnages inquiétants viennent à sa rencontre et de l’autre côté du miroir, un étrange monde l’attend Que lui arrive-t-il ? Aucune certitude sinon celle-ci : Ce n’est pas un jeu. Celui qui reste de l’autre côté est perdu.

Un grand merci à Nathalie Antien pour l’envoi de ce volume (vous pouvez la contacter sur son site) et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« Ton monde est ailleurs, petite! Regarde plutôt! Tes parents te cherchent, mais ils ne te voient pas. Ici, c'est le monde des autres... dit-elle en s'approchant plus près des deux filles. Son visage est terrifiant. Il l'est d'autant plus qu'il est insondable. On ne peut rien lire dans son regard puisqu'elle en est totalement dépourvue. Elles ont l'impression de faire face au néant. »

- Mon avis sur le livre -

S’il me fallait décrire en un seul mot ce que ressent à la suite de cette lecture, je pense que je n’hésiterai pas une seconde : perplexe. Je nage dans un océan de confusion … et je m’y noie. Lorsque je lis les chroniques élogieuses des copines blogueuses, j’ai comme le sentiment que je suis passée complétement à côté de ce livre, ou que celui-ci m’est complétement passé au-dessus de la tête, je ne sais pas vraiment. Toujours est-il que l’enthousiasme que j’avais au début est retombé assez brutalement et assez rapidement, et j’en suis la première surprise. Moi qui aime tant Alice au pays des merveilles, j’étais persuadée que j’allais passer un agréable moment de lecture en compagnie de ce premier tome fortement inspiré de l’œuvre magistrale de Carroll … 

Holy Darwin est seule à la maison, ce soir-là : ses parents sont chez des amis et ne rentreront pas avant le lendemain. En allant se coucher, elle est bien loin d’imaginer que son univers tout entier allait basculer … Après d’éprouvant et terrifiants cauchemars, la fillette se réveille dans un monde qui s’avère rapidement ne pas être le sien. Peuplé d’effrayants êtres au regard vide comme des trous noirs, ce monde semble en perpétuel mouvement et déconcerte Holy autant qu’il l’effraye. C’est avec soulagement qu’elle retrouve en ce lieu étrange Annie, sa meilleure amie, elle aussi perdue et affolée par la situation. Après avoir fait la connaissance d’un mystérieux chat parlant, les deux petites filles vont progressivement en apprendre plus sur ce monde … et tenter de rentrer chez elles.

Commençons par le commencement : les personnages. Je vais me concentrer sur Holy, Annie et le chat, puisque ce sont les seuls à être véritablement « développés » : les autres interviennent de façon tellement furtive que je n’aurai pas grand-chose à dire d’eux. Les deux filles … sont des adolescentes tout ce qu’il y a de plus banales. J’ai eu énormément de mal à m’attacher à elles, pour la simple et bonne raison que leur personnalité est assez creuse : sont-elles curieuses, têtues, bavardes, froussardes, courageuses ? Je n’en ai aucune idée, car cela change à chaque page. Non seulement je n’arrivais pas à saisir leur caractère, mais en plus, je ne parvenais pas à comprendre leurs réactions. Tantôt elles prennent les choses sereinement et élaborent une stratégie, tantôt elles paniquent et semblent soudainement prendre conscience de la situation … Finalement, le seul personnage qui a trouvé grâce à mes yeux, c’est bien le chat. Malgré les descriptions, j’admets me l’être volontiers représenté comme le Chat du Cheshire, car il joue finalement un rôle similaire. Mystérieux à souhait, avec cette petite touche d’ironie sarcastique doublée d’une certaine volonté inconstante d’aider les deux fillettes perdues, il était celui dont j’attendais la moindre petite intervention !

Il faut dire que, d’une certaine façon, ses apparitions représentaient les seules scènes que j’ai réellement réussi à me représenter avec précision. Le reste de l’histoire est profondément confuse dans mon esprit : les descriptions étaient à la fois très détaillées et pas suffisamment claires pour permettre à mon imagination de fonctionner, les dialogues s’embrouillaient (des personnages qui se répondent à eux-mêmes à cause d’une proposition incise étrangement placée, par exemple) … Mais surtout, j’ai trouvé l’histoire en elle-même assez plate et assez chaotique : non seulement il ne se passe pas grand-chose, mais en plus, tout est bien trop confus et emberlificoté ! L’auteur a voulu mettre en scène un monde dont les règles (de la physique, du temps …) ne sont pas les mêmes que chez nous, et c’est tout à son honneur. Mais au final, à force de vouloir mélanger le réel et l’onirique, à force de vouloir jouer avec la réalité … elle a rendu cette histoire complétement incohérente à mes yeux. Or, une histoire sans cohérence, c’est une histoire que l’on oubliera bien vite, et c’est dommage car il y aurait eu tellement de choses à faire avec ce principe de monde parallèle ! Je m’attendais ainsi à ce que l’arrivée d’Holy et Annie en ce lieu soit le début d’une quête, que les deux filles allaient avoir un rôle à jouer dans ce monde avant de pouvoir retourner chez elles une fois leur mission accomplie … Là, elles ne font que chercher, et trouver très facilement et rapidement, un moyen de repasser dans leur monde.

D’une certaine manière, je pense vraiment que l’auteur aurait dû développer davantage son récit. Ce roman aurait gagné à compter ne serait-ce qu’une centaine de pages supplémentaires ! Les différents protagonistes auraient ainsi pu prendre plus d’importance dans l’histoire, et être eux-mêmes plus approfondis : les deux jeunes héroïnes, en premier lieu (elles ne doivent pas uniquement former un duo, mais exister l’une indépendamment de l’autre afin de pouvoir susciter l’intérêt de plusieurs lecteurs : une extravertie et une introvertie, par exemple, pour que chacun puisse s’identifier à l’une ou à l’autre), mais également tous les autres personnages qui gravitent autour d’elles (certains me semblaient très intéressant, tel Maitre Epines et ses horloges ou même la fameuse Céleste qui semble pourtant être importante dans cet univers mais qui n’est finalement présentée que pour être étiquetée vilaine méchante et c’est tout … quel dommage de mettre ainsi l’eau à la bouche des lecteurs pour ensuite les laisser sur leur faim !). 

De la même façon, certaines scènes auraient mérité à être décrit plus calmement, plus longuement, afin de gagner en clarté : trop souvent, on passait d’un point A à un point B sans savoir comment, et même si cela peut être la conséquence de cet univers étrange, il faut permettre au cerveau du lecteur d’établir un lien logique entre les deux situations, sinon il va suivre quelques pages et saturer ensuite … Ce livre est pourtant censé être adressé à un jeune lectorat : si à vingt et un ans et plusieurs centaines d’ouvrages lus derrière moi, dont beaucoup de fantastique, je me suis sentie perdue, j’ai bien peur qu’un jeune lecteur d’une dizaine d’années le soit encore plus ! Il faut trouver un juste milieu entre le dépaysement qu’induit le passage dans un monde parallèle et les repères dont le cerveau a besoin pour reconstituer clairement l’histoire racontée. Il faut guider son lecteur par la main, pas lui compliquer la tâche en en faisant trop … Car c’est l’impression que me donne ce livre : en voulant trop bien faire - car la définition même du fantastique est l’intrusion un peu traumatisante du surnaturel dans le quotidien bien rodé du personnage et du lecteur -, l’auteur en a fait un peu trop !

En bref, un premier tome qui n’a pas su me convaincre … L’idée, bien que maintes fois exploitée dans la littérature jeunesse, du passage dans un autre monde était vraiment bonne, et ouvrait la porte à des tas de possibilités que l’auteur n’a pas su saisir. En se concentrant exclusivement sur la volonté farouche de nos deux jeunes héroïnes de rentrer chez elles, l’histoire est finalement assez creuse, alors que l’univers inventé par l’auteur aurait pu être exploité plus longuement. D’autant plus que la plume de Nathalie Antien vaut le détour : riche en vocabulaire, précise en ce qui concerne les descriptions (l’auteur joue habilement avec tous les sens pour mettre en place des ambiances qui font frissonner !), elle est vraiment fluide et agréable à lire ! C’est justement parce que le potentiel est là, à la fois dans le style et dans l’idée, que je me sens aussi abattue après cette lecture : elle aurait pu me plaire, si elle avait été un peu plus développée et moins psychédélique. Ce livre, finalement, c’est une graine qui n’a pas eu le temps de devenir un arbre magnifique, mais que l’on a coupé alors qu’elle n’était encore qu’un petit buisson en développement : avec quelques années supplémentaires - quelques dizaines de pages en plus, donc -, avec quelques bons élagages - quelques ajouts pour poser l’intriguer et la développer -, cette graine - ce livre - aurait pu révéler tout son potentiel caché …

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
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dimanche 25 mars 2018

La légende des quatre, tome 1 : Le clan des loups - Cassandra O'Donnell


La légende des quatre1, Cassandra O’Donnell
Le clan des loups

Editeur : Flammarion jeunesse
Nombre de pages : 352
Résumé : Ils sont quatre, héritiers de leurs clans … Ils doivent s’unir pour survivre. Loup, tigre, serpent, aigle : quatre clans ennemis. Les Yokaïs, créatures tantôt humaines, tantôt animales, vivent dans une harmonie fragile. Maya, l’héritière du clan des loups, et Bregan, du clan des tigres, sont les garants de la paix. Mais pourront-ils résister à leurs instincts profonds pour sauver leurs tribus ?

Un grand merci aux éditions Flammarion jeunesse pour l’envoi de ce volume !


- Un petit extrait -

« Elle savait – ou plutôt elle « sentait » - instinctivement que négliger l’une de ses formes risquait de provoquer un dangereux déséquilibre intérieur et que l’humaine et la bête qui guidaient son cœur et son esprit étaient les deux facettes d’un seul et même tout. »

- Mon avis sur le livre -

Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas dévoré un roman d’une seule traite, sans faire la moindre pause, que j’avais totalement oublié à quel point il était rafraichissant de se déconnecter complétement de notre monde l’espace de quelques heures afin de s’immerger complétement dans un autre univers ! Comme il est bon de perdre la notion du temps, d’oublier ses soucis, de tout simplement se laisser porter par une histoire sans penser à autre chose ! J’avais beau me douter que j’allais passer un bon moment de lecture en compagnie de ce livre à la couverture incroyablement magnifique, je ne m’attendais pas une seule seconde à être à ce point happée par cette histoire ! Quoi qu’en pensent ceux qui me conseillent « pour mon bien » de passer à de la littérature « de mon âge », il n’y a que la littérature jeunesse qui parvient à ce point à me captiver et à me faire me sentir aussi bien … Et c’est bien pour cela que je ne suis pas leurs conseils « bienveillants » !

Quatre clans, quatre territoires, quatre héritiers. Bien que se cotoyant chaque jour à l’école, situé en plein territoire neutre, Bregan et Maya ont l’interdiction formelle de se parler : il est l’héritier du clan des tigres, elle est l’héritière du clan des loups. La guerre a beau être terminée depuis des années, la paix reste fragile, et la moindre étincelle risque de plonger les clans dans le chaos. Les deux jeunes gens ont toutefois bien du mal à respecter ce silence imposé : un danger rôde, et il menace l’ensemble des Yokaïs, tous clans confondus. Lorsqu’un loup, puis un tigre, périssent mystérieusement, et que des humains tentent de les assassiner, Bregan et Maya s’allient avec Wan, héritiers du clan des serpents, et Nel, héritière du clan des aigles, afin de déterminer et d’éliminer la menace qui pèse sur leurs tribus respectives …

Comme tous bons premiers tomes qui se respectent, Le clan des loups pose le contexte et présente les personnages clés du cycle. Cependant, cette introduction ne signifie nullement que ce premier volume est dénué d’action, bien au contraire ! Dès les premiers chapitres, l’auteur met en évidence la tension qui règne entre les clans des loups et des tigres, on comprend que la guerre semble à deux doigts d’éclater … et on comprend également que Bregan et Maya vont avoir un rôle à jouer dans cette intrigue qui s’annonce plus complexe qu’on ne pouvait l’imaginer au premier abord. En effet, on se rend progressivement compte que les conflits opposant les quatre clans de Yokaïs - créatures mi-humaines mi-animales - ne sont que la partie émergée de l’iceberg : la véritable hostilité vient des hommes … Bregan et Maya ont bien compris que « l’union fait la force », et vont donc devoir mettre de côté leur animosité réciproque et héréditaire pour repousser ce danger qui menace autant les loups que les tigres, les aigles que les serpents. Sous de faux airs de Roméo et Juliette, ce roman montre ainsi que l’amitié peut naitre entre des membres de familles ennemies, si tant est que chacun ose remettre en question ses croyances, affirmer ses convictions et défier les traditions et autres héritages du passé. L’esprit de coopération est valorisé à travers ce livre, et c’est bienvenu dans notre société où nous avons malheureusement tendance à nous méfier les uns des autres et où le lien social est de moins en moins fort …

Contrairement à certains romans destinés au jeune public, La légende des quatre ne sombre jamais dans l’infantilisation du lecteur : un vocabulaire riche et varié, une narration fluide mais soignée, mais surtout, une intrigue qui n’a absolument rien de « simpliste » ou de « mièvre », voilà ce qu’offre ce livre ! Cela commence par les personnages : quelle richesse de caractère, quelle complexité de personnalité ! A part le petit Mika, 6 ans, qui représente à lui-seul l’insouciance et la fraicheur de l’enfance, et qui est donc indéniablement « gentil et mignon tout plein », les protagonistes ne sont ni tout blancs ni tout noirs. Wan, pour ne citer que lui, n’a rien du héros irréprochable que l’on s’attend généralement à trouver dans un livre pour « jeunes lecteurs » : calculateur, froid, acerbe, pragmatique, il donne la mort sans hésiter si cela peut servir ses intérêts … Mais il n’est pas, non plus, un de ces méchants dont le héros va se débarrasser pour que triomphe « le bien » : Wan reste un jeune homme qui cherche à protéger les siens, et auquel on finit par s’attacher malgré ses remarques cinglantes. Bregan, Maya et Nel sont dans la même veine : ils ne sont ni des saints ni des démons, ils sont juste humains avec leurs qualités et leurs défauts. Ces personnages ne détonneraient pas dans un récit « pour plus grands », bien au contraire !

Même constat pour l’histoire à proprement parler : l’auteur offre à son lectorat une intrigue riche et étonnamment complexe, qui mêle action et émotion, gravité et légèreté … Il y en a pour tous les gouts : ceux qui aiment l’humour noir accueilleront les interventions de Wan avec délice, ceux qui préfèrent les bonnes bagarres bien sanguinolentes en trouveront … et ceux qui apprécient au contraire les jolies histoires d’amour et d’amitié y trouveront parfaitement leur compte également. J’ai énormément apprécié cet équilibre entre des passages assez paisibles et même mignons et drôles (la plupart des chapitres concernant le petit Mika rentrent dans cette catégorie, mais également certains dialogues) et des moments plus sombres et plus violents, sans jamais être choquants ou effrayants. Si certains auteurs jeunesse évitent soigneusement d’intégrer la moindre petite blessure à leur histoire de peur de traumatiser ces pauvres petits enfants, Cassandra O’Donnell a quant à elle comprit qu’ils ne sont pas en cristal et n’hésite par conséquent pas à placer quelques cadavres par ci par là, quelques menaces musclées de-ci de-là … Elle offre, finalement, à ces jeunes lecteurs la même chose qu’aux plus grands : un récit complet. Une petite pincée de romance (que certains jugeront peut-être trop prévisible, trop insipide, mais que je trouve pour ma part bien amenée et assez mignonne, admettons-le) pour une grande dose d’action (et le soupçon de suspense qui va avec pour faire battre notre petit cœur de fébrilité) … sans oublier bien sûr cette bonne trace de mystère qui nous donne envie de dévorer page après page sans jamais s’arrêter !

En bref, un premier tome fantastique, très bien écrit, qui happe le lecteur du début à la fin. Des personnages terriblement attachants, malgré et peut-être grâce à leur part animale qui les rends certes plus violents et impulsifs mais également plus loyaux et moins hypocrites que bien des humains ; une intrigue déjà bien riche en rebondissements et en actions et qui ne demande qu’à se poursuivre dans les tomes à venir … Une jolie histoire d’amitié et de tolérance, de solidarité et de courage, d’amour et de fidélité, qui fera battre le cœur des petites filles comme des petits garçons, mais également celui des grandes filles et des grands garçons. Un livre à mettre entre toutes les mains, à condition d’aimer les histoires qui avancent vite sans s’embarrasser de détails inutiles, les histoires vivantes qui vont à l’essentiel sans s’encombrer de longues descriptions superflues, les histoires efficaces qui racontent une histoire sans faire de détours ! Mais surtout, voici un livre qui permet de s’évader, de rêver, d’oublier un peu son quotidien et de renouer un peu avec l’enfant qui sommeille encore en nous … car n’oubliez jamais : l’important n’est pas de lire « des livres de notre âge », mais bien des livres qui nous plaisent et qui nous font du bien !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
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