samedi 31 mars 2018

Exilée - Adriana Kritter


Exilée, Adriana Kritter

Editeur : Autoédition
Nombre de pages : 290
Résumé : « Comment aurais-je pu imaginer que ce 21 juin 2034, jour lumineux du solstice d’été et de mon dix-septième anniversaire, serait aussi celui de ma disgrâce ? » En quelques heures, le destin de Jasmine bascule. Obligée de quitter son village et sa vie préservée pour sauver son fiancé, elle découvre qu’il existe au-delà des frontières un monde dont elle ne sait rien et qui recèle autant de menaces que de promesses. Cette découverte va faire vaciller ses convictions…

Un grand merci à Adriana Kritter pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace) et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« Nous voulions créer un monde plus juste, plus harmonieux. Et c'est ce que nous avons fait. Nous avons décidé de vivre en autarcie, comme nos ancêtres, et de respecter au maximum la nature à qui nous devons tout. C'est ainsi qu'ont été créées nos lois. »

- Mon avis sur le livre -

Comme beaucoup de grands lecteurs, j’ai toujours un roman dans mon sac quand je sors de chez moi, même lorsque je sais pertinemment que je n’aurai pas le temps de lire : on ne sait jamais, je trouverai peut-être un petit peu de temps pour avancer dans ma lecture ! Dès que cela m’est possible, je sors prestement mon compagnon du jour du sac et je dévore quelques pages par-ci, quelques pages par-là … On ne s’ennuie jamais lorsque l’on a un livre avec soi ! C’est ainsi qu’hier, au lieu de rester sans rien faire pendant que mes parents signaient le devis pour la demande de permis de construire, j’ai attrapé Exilée qui attendait patiemment d’être entamé et je me suis plongée avec joie dans cette dystopie qui me semblait incroyablement prometteuse … Le moins que l’on puisse dire, c’est que mon intuition était juste : quel merveilleuse lecture, quelle fantastique découverte ! 

Jasmine vient d’avoir dix-sept ans … mais ce jour d’anniversaire est loin d’être des plus réjouissants, bien au contraire. Suite à un terrible accident qui a laissé son fiancé entre la vie et la mort, la jeune fille est jugée responsable de ce tragique événement : si elle ne s’était pas rendu en forêt malgré l’interdiction du chef du village, Hélias n’aurait pas eu besoin de venir l’y chercher, et l’ourse ne l’aurait pas grièvement blessé … De plus, si elle était sagement restée au village, Jasmine n’aurait pas tué ce pauvre animal, et ne serait pas présentement enfermée en attente de son jugement. Car un tel crime de sang mérite une punition exemplaire … Mais jamais Jasmine n’aurait imaginé que sa peine serait ainsi cruelle que le bannissement … Désemparée, envahie par la culpabilité et l’inquiétude, Jasmine décide de tenter le tout pour le tout pour sauver son fiancé : en suivant les indications de la guérisseuse du village, la jeune fille va braver les interdits et se rendre au-delà de la rivière, dans ce territoire qui effraye tant les villageois, à la recherche d’une médecin capable de sauver Hélias …

Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre lorsque j’ai commencé ce livre, mais une chose est sûre, il a dépassé de très loin toutes mes espérances ! Tout commence avec le bannissement de Jasmine, conséquence directe de son escapade en forêt et de l’accident qui en découla. L’auteur ne perd pas de temps à nous expliquer en détail le mode de fonctionnement du village : elle se contente de nous mettre devant le fait accompli, Jasmine est bannie pour avoir mis en danger un membre de la communauté et avoir bafoué les règles ancestrales en tuant un animal. On est directement plongé dans l’action, d’autant plus que les chapitres sont assez courts et que les différents rebondissements s’enchainent rapidement : si je suis d’ordinaire assez peu réceptive aux récits où les péripéties se succèdent à un rythme effréné, je dois bien admettre m’être laissée entrainée sans m’en rendre compte ! L’histoire avance vite, sans temps morts, sans éléments superflus … Et même si j’apprécie habituellement les récits proposant un certain équilibre entre péripéties et interludes plus « calmes », il faut reconnaitre que ce premier tome rempli à merveille son rôle : faire passer au lecteur un excellent moment de lecture en sa compagnie !

Bien plus qu’un simple divertissement, l’auteur nous offre également une dystopie très efficace. En premier lieu est ainsi abordé notre rapport à la nature et, plus précisément, la façon dont nous traitons les animaux. La souffrance animale est ici abordée sans le moindre filtre, et certaines scènes m’ont tout simplement retourné le cœur et fait monter les larmes aux yeux : comment les hommes, censés être plus civilisés que les animaux, peuvent-ils faire subir à ces derniers de tels supplices ? J’ai toujours été effarée par le manque de respect dont l’homme fait preuve à l’encontre des animaux … Que nous mangions de la viande, pourquoi pas, l’être humain étant par nature un carnivore au même titre que d’autres mammifères, mais que nous nous permettions de faire souffrir ainsi des animaux, c’est quelque chose qui m’a toujours révoltée … et on sent bien qu’il en est de même pour l’auteur. Une vache destinée à l’abattoir mérite autant de respect que le chat que nous aimons avoir sur les genoux, et il est de notre responsabilité, à nous qui nous permettons d’exploiter ces pauvres bêtes pour notre alimentation, de faire les choses correctement en les traitant correctement.

Mais une autre thématique est également abordée dans ce récit, avec beaucoup de finesse et de lucidité. L’auteur ne se contente ainsi pas de dénoncer les dérives de la recherche scientifique avec les expérimentations sur des sujets vivants, ce que bien des auteurs de dystopie ont déjà fait. Non, elle questionne directement le bien-fondé de cette recherche : à vouloir sans cesse jouer avec l’ordre naturel des choses, ne risquons-nous pas de faire pire que mieux ? Adriana Kritter ne s’arrête pas uniquement à la quête de l’immortalité qui anime l’homme depuis toujours. Elle évoque également, à demi-mots, la « course au confort » de notre société actuelle : lorsque j’étais petite (et cela ne remonte pas si loin que cela), lorsque l’on avait un rhume, on prenait notre mal en patience. On sortait les mouchoirs, on se contentait de lait chaud avec du miel pour apaiser notre gorge irritée, et on attendait quelques jours que ça aille mieux. Maintenant, on se gave de pastilles pour la gorge, de sirop pour la toux, de sprays nasals pour mieux respirer, de comprimés pour la fatigue … sans même réfléchir à ce que nous sommes en train d’ingérer, parce qu’il ne faut surtout pas s’imaginer que ces produits sont inoffensifs ! Dans ce roman, la situation est poussée à l’extrême puisque les maladies, ou plutôt le principe même de la maladie, a été éradiquée : plus personne n’attrape de rhumes ou d’angines, ce n’est pas merveilleux ? Au premier abord, si, c’est tellement plus agréable … mais les conséquences de ce « miracle de la science » sont assez dramatiques. Bien évidemment, nous n’en sommes pas là, mais ce livre invite à remettre les choses à leur place : pour les petites maladies inoffensives, avons-nous réellement besoin de ces produits chimiques néfastes au long terme, ou ne pouvons-nous donc pas plutôt accepter d’avoir le nez bouché et la voix enrouée pendant deux petits jours ?

En bref, un roman aussi sympathique qu’intéressant, qui plaira autant aux lecteurs avides d’aventure que les lecteurs passionnés de romans d’anticipation. Derrière cette couverture sobre se cache une dystopie vraiment efficace, mais aussi une belle histoire d’amitié qui prend finalement plus de place que la romance que laisse pourtant présager la quatrième de couverture. Des personnages terriblement attachants (mention spéciale à Gary, à son sale caractère et à son cœur d’artichaut bien caché derrière ses airs de brute épaisse et insensible !), une histoire qui mêle action, mystère, émotion et humour, une plume tout simplement magnifique … Que pourrait-on demander de plus ? Peut-être le tome deux : la fin de ce premier volume est tout simplement éprouvante pour les nerfs, elle vous laisse sur votre faim, elle vous fait pousser des hurlements de protestations (« nan mais c’est pas vrai, elle ne peut pas nous laisser avec une fin pareille ?! » … si, si, elle peut, et elle l’a fait) … Bref, de la même manière que vous ne pourrez plus vous arrêter de lire une fois que vous aurez commencé ce livre, vous ne pourrez plus vous empêcher d’attendre continuellement la suite une fois que vous l’aurez terminé !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)

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