samedi 30 avril 2022

Tara Duncan, tome 12 : L'ultime combat - Sophie Audouin-Mamikonian

Tara Duncan12, Sophie Audouin-Mamikonian

L’ultime combat

 Editeur : XO

Nombre de pages : 518
Résumé : Tout est-il perdu ? Tara Duncan est épuisée. La puissance de sa terrible magie la met en première ligne pour lutter contre la comète qui tente toujours de dévaster les planètes démons et d’en collecter les âmes. Lentement, mais sûrement, les sortceliers plient sous les assauts incessants. Envoyés en mission dans l’espace profond, Tara, le magicgang, mais aussi Archange, Maître Chem, Mourmur Duncan, Mara ou Selenba, vont déterrer un secret enfoui depuis plus de cinq mille ans. Par une ironie du sort, Tara sera-t-elle sauvée par son pire ennemi, Magister ? L’ultime combat vient de commencer. Et tous ne survivront pas.

 

- Un petit extrait -

« — Magister veut que Mourmur fasse fonctionner les armes de ton peuple afin probablement d’asservir le reste de l’univers, répondit Tara d’un ton léger. Tu sais, le truc classique : « Je vais dominer l’univers, mouuuuaaaahhh ! »

Archange la regarda, ses yeux verts légèrement écarquillés.

— « Mouuuaahhhhh ? »

— Oui, c’est le rire cynique et terrible que les méchants ont en magasin. Et qu’ils ressortent pour un oui ou pour un non. « Enfin, j’ai écrasé ce moustique qui me tournait autour, mouuuuaaaahh ! », ou : « Meurs, ennemi ! Mouuuuaaaahh ! » Ils le mettent à toutes les sauces, c’est d’un banal !

Archange avait l’air de se demander si Tara avait totalement perdu l’esprit, mais le masque de Magister vira de nouveau au noir, signe qu’il n’était pas très content.

— Très drôle, fit-il d’une voix glaciale. Transportez Mourmur jusqu’à mes vaisseaux ou je vous réduis en purée d’atomes.

Et le chef des Sangraves ajouta d’une voix sépulcrale :

— Mouuuaaaaaaah ! »

- Mon avis sur le livre -

 Quand je vous disais qu’il y avait toujours quelque chose en ce bas monde qui s’acharnait pour m’empêcher de terminer mes sagas préférées, je ne vous mentais pas : quand ce n’est pas une tripotée de services presse impromptus, quand ce n’est pas une déferlante de lectures communes mal calées, quand ce n’est pas un tsunami de nouveaux challenges attractifs … c’est le covid qui s’incruste. Ce fut la toute première expérience du virus pour la famille, et autant vous dire qu’on se serait bien passé de ces dix jours de larvitude (oui, je sais, ce mot n’existe pas, mais je suis comme Sophie Audouin-Mamikonian : quand un mot mériterait d’exister car il exprime parfaitement ce que je veux dire, je l’utilise quand même). Cette minuscule petite bestiole aura même réussi l’exploit de m’ôter jusqu’à l’envie de lire, ce qui est exceptionnellement rare chez moi : s’il m’arrive de temps à autre de ne pas en avoir la force ou le courage (en particulier lors de crises de migraine fort carabinées), je conserve toujours en moi ce désir viscéral de me plonger dans un livre pour mieux supporter le reste. Mais là … même pas. Je n’avais envie d’absolument rien. Pas même de Tara Duncan, chose que je n’aurai jamais pensé possible, puisqu’il s’agit précisément de la saga qui parvient généralement à se frayer un petit chemin au cœur de mes déprimes les plus profondes. Mais pas question de laisser un truc microscopique m’empêcher de lire le dernier opus des aventures de la petite sortcelière, alors que j’avais réussi à m’enchainé avec régularité tout le reste de la saga ! Namého !

Après avoir lutté contre le Ravageur d’Ame, le Dragon Renégat, la Reine Rouge, l’Invasion Fantôme, l’Impératrice Maléfique et la Reine Noire, sans oublier l’infatigable et indémasquable Magister, Tara pensait avoir tout vu. Mais la voici désormais en train de lutter de toutes ses forces contre une sorte de vache stellaire devenue l’hôte bien malgré elle d’un agglomérat d’âmes démoniaques folles de vengeance : si la situation n’était pas aussi dramatique, la formulation de cette nouvelle menace aurait pu la faire éclater de rire. Mais la situation est catastrophique : s’ils ne trouvent pas rapidement une solution pour détruire une bonne fois pour toute la comète démoniaque, celle-ci va détruire absolument tout ce qui se trouve sur son passage, et il ne restera plus derrière elle que carnage, désolation … et nulle âme qui vive. Et il faut faire vite : les forces des sortceliers s’amenuisent, et la peur et le découragement gagnent chaque jour du terrain. Tara ne voit donc qu’une seule solution pour mettre fin à ce fléau dévastateur : retrouver les ultimes objets démoniaques, bien cachés par les dragons sur des planètes éloignées, avant la vache/comète. Devenir amie avec les âmes enfermées dans ces-dits objets. Et prier tous les dieux de l’univers qu’avec celles qui sont déjà ses alliées, elles seront assez puissantes pour tenir tête à celles qui sont en train de semer la mort un peu partout dans la galaxie …  Mais cette expédition réserve bien des surprises à Tara et ses amis.

En lisant par-ci par-là les commentaires des autres lecteurs, je me rends compte qu’avec ce dernier tome, plus qu’avec tout autre, soit ça passe, soit ça casse. Il y a d’un côté ceux qui avaient des attentes très arrêtées sur ce qu’ils voulaient absolument trouver dans ce dernier opus, et ceux-ci ont pour l’essentiel été fortement déçus (car il ne faut pas oublier que Sophie est du genre à n’en faire qu’à sa tête, et nullement à se laisser contraindre par des exigences extérieures, quand bien même il s’agit de ses propres lecteurs) … et de l’autre, il y a ceux qui n’avaient qu’une seule attente, qu’une seule envie : celle de se laisser surprendre, et ceux-là ont été parfaitement servis, et du coup absolument ravis. Comme vous pouvez vous en douter, je fais partis de la seconde catégorie de lecteurs : connaissant Sophie, je me doutais bien qu’il ne fallait pas s’attendre à une fin trop conventionnelle, mais qu’il fallait au contraire se préparer à un final étonnant et détonnant, qui allait prendre à contrepieds toutes les certitudes et toutes les prévisions. Il est vrai, je peux comprendre la frustration des lecteurs déçus … mais je ne la partage pas, pour la simple et bonne raison que c’est justement ce que j’admire le plus chez Sophie, le fait qu’elle n’hésite pas à chagriner quelque peu ses lecteurs pour rester fidèle à elle-même, fidèle à ce qu’elle avait prévu de longue date, plutôt que de surfer sur la vague du fan-service pour être sûre de contenter absolument tout le monde. Elle aime les fins heureuses ? Elle fera une fin heureuse. Elle aime les mystères qui restent entiers ? Elle laissera certains mystères planer.

D’autant plus qu’il y a finalement bien plus important que certains mystères : il y a une comète dévoreuse d’âmes qui menace d’engloutir « proprement » et simplement toute vie dans la galaxie ! On s’occupera des autres menus tracas plus tard, si on arrive à rester en vie : tout est question de priorité, dans ce genre de situation apocalyptique ! Tara et ses plus fidèles amis, sans oublier ses nouveaux alliés, embarquent donc pour une mission des plus cruciales : prendre de vitesse une entité meurtrière capable de « sauter » d’un bout à l’autre de l’univers sans effort. Et trouver le moyen de l’arrêter tout en tenant la promesse faite aux âmes enchainées dans les objets démoniaques … Parfois, souvent, notre brave et pauvre Tara en veut terriblement aux dragons qui ont traficoté ses gènes pour la rendre si puissante : elle n’en peut plus d’être l’ultime rempart, d’être l’unique recours. Elle n’a même pas dix-neuf ans, et elle porte sur ses seules épaules la responsabilité écrasante de protéger et de sauver tout le monde (pour ne pas dire « tous les mondes »). Longtemps, Tara a supporté sans fléchir cette lourde charge : « de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités », dit un film terrien. Beaucoup de lecteurs ont reprochés à Tara d’être aussi héroïque, de toujours voler à la rescousse de tous ceux qui sont en danger ou en souffrance … ils ont intérêt à être contents, car dans ce tome, Tara laisse enfin transparaitre ce qu’elle cachait jusqu’alors bien profondément derrière ce masque de « super-héroïne » : une terreur incontrôlable, une lassitude infinie, et une certaine colère.

D’une certaine manière, l’ultime combat que nous promet le titre de ce tome n’est pas seulement celui qui confronte Tara et ses amis à cette menace d’un nouveau genre … C’est aussi eux-mêmes que nos héros doivent affronter : ils doivent affronter une bonne fois pour toutes les blessures de leur passé, leurs doutes, leurs peurs, leurs peines. La réapparition inopinée d’un personnage que tous pensaient mort et enterré depuis au moins une bonne vingtaine d’années, pile au mauvais moment, représente ce passé qui empêche de regarder vers l’avenir, qui enferme. Je suis vraiment très heureuse que ce brave Various ait osé prendre les choses en main : Lisbeth a toujours tellement laissé passer l’Empire en premier qu’elle en a oublié qu’elle méritait aussi d’être heureuse … Plus généralement, je suis très heureuse que tout soit bien qui finisse bien pour les personnages principaux : les drames et les tragédies, c’est bien, mais les fins heureuses, c’est très bien également (pour ne pas dire « mieux »). On aspire tous au bonheur, à la sérénité, et j’estime qu’on y a tous droit … et d’autant plus des jeunes gens comme Tara, Cal, Robin, Mara, Jar, Moineau, Fafnir, Betty, Fabrice et Sylver, qui ont déjà vu et vécu bien trop de souffrances et d’épreuves au long de leur courte vie. Alors même si, une fois de plus, je peux comprendre l’agacement de certains lecteurs, qui estiment que tout s’est résolu trop vite, trop bien, par un « tour de passe-passe » tiré par les cheveux … je ne partage pas cet agacement. La façon dont tout se résout est fort inattendu, c’est indéniable, mais elle ne me dérange pas le moins du monde : j’ai été surprise au tout dernier moment, et c’est bien plus que je pouvais l’espérer !

En bref, vous l’aurez bien compris : si une grande majorité de lecteurs (y compris parmi les plus passionnés) laissent éclater haut et fort leur déception, leur frustration, voire même parfois leur colère, face à cette fin de cycle qui « trahit » toutes leurs attentes, elle a dans mon cas dépasser toutes mes attentes ! C’est du Sophie Audouin-Mamikonian dans toute sa splendeur : beaucoup d’action, un rythme trépidant au point qu’il en devient insoutenable, beaucoup de rebondissements, des coups de théâtre et des révélations comme on n’en trouve que trop peur … mais aussi beaucoup d’émotions, avec des déclarations poignantes, et surtout beaucoup d’humour, avec des situations cocasses à souhait et des dialogues hilarants au possible. Mais ce qui m’a le plus réjouit, c’est bel et bien d’apprendre que ce n’était pas réellement fini, qu’il n’y avait pas besoin de dire adieu à tous ces personnages que l’on a appris à connaitre et à apprécié tout au long de ces douze tomes, qu’il n’y avait pas non plus besoin de dire adieu à cet univers fantasque et farfelu, drôle et coloré qui nous a tant fait rêvé. Je sais que cette vision ne fait pas l’unanimité, que certains auraient préféré une fin nette et définitive, mais pour ma part, je suis vraiment très heureuse de pouvoir retrouver Tara, Cal et tous leurs amis pour de nouvelles aventures ! Car même si c’est une saga qui ne plait visiblement pas à tout le monde, ça reste à mes yeux une des meilleures sagas qu’il m’ait été donné de lire, sans doute aussi car c’est l’une des plus originales, des plus insaisissables … J’ai toujours aimé ce qui sort du lot !

mercredi 27 avril 2022

Dark Bane, tome 1 : La Voie de la destruction - Drew Karpyshyn

Dark Bane1, Drew Karpyshyn

La Voie de la destruction

 Editeur : Pocket

Nombre de pages : 395
Résumé : Pour échapper à un sinistre destin dans les mines d’Apatros, Dessel, un mineur à la constitution exceptionnelle, décide de rejoindre les rangs de l’armée Sith. Sa vivacité d’esprit, sa remarquable maîtrise de la Force et ses faits d’armes brillants attirent sur lui l’attention des Maîtres du Côté Obscur qui l’envoient sur Korriban, berceau des Sith. Il y poursuit son enseignement et embrasse alors sa nouvelle identité : Bane, apprenti hors pair et esprit dissident, dont le seul but est de créer une nouvelle ère de pouvoir absolu. Et pour servir ses sombres desseins, il n’hésitera pas à sacrifier sa propre confrérie, afin de mieux la faire renaître de ses cendres…

 

- Un petit extrait -

« Il était le seul Seigneur Noir des Sith, le dernier de son espèce. La charge de reconstruire l'ordre lui incombait maintenant. Mais cette fois-ci, il ferait comme il l'entendait. Au lieu d'une multitude, il n'y aurait que deux Sith : un Maître et son apprenti. Le premier pour incarner le pouvoir, le second pour le convoiter. »

- Mon avis sur le livre -

 Peu après Noël, tandis que je me promenais dans mon paisible petit village, une scène m’a longuement fait réfléchir : deux enfants, sabres laser flambants neufs fièrement dressés, étaient en plein conciliabule pour décider en avance de l’issue du combat à venir … A vrai dire, ils n’ont pas eu à débattre bien longtemps : le petit Sith en herbe a déclaré « je suis le méchant, je suis plus fort, je gagne », et le petit Jedi a vivement approuvé « ouais, les gentils ils gagnent jamais », avant de protester « mais la prochaine fois c’est moi le méchant ! ». Les gentils ne gagnent jamais, les méchants sont les plus forts. Quelle drôle de philosophie pour des enfants de sept ans ! Lorsque j’avais leur âge et que les autres enfants et moi jouions à Star Wars au terrain de jeu (avec des branches en guise de sabres laser), tout le monde voulait être un brave et noble Jedi, et non un vicieux et sanguinaire Sith : certains rentraient même chez eux en boudant si le tirage au sort les avait désigné comme méchants ! Les choses ont décidément bien changé, en l’espace de quinze ans : visiblement, désormais, les enfants sont bien plus fascinés par le Côté Obscur que par le Côté Lumineux ! Mais en observant les romans de l’Univers Etendu … je pense qu’on peut dire que ce n’est pas seulement les enfants : on suit bien plus de « héros » Siths que de Jedi ! Et je me demande bien ce qu’il faut en conclure sur notre monde …

Comme son ivrogne de père avant lui, Dessel trime du matin au soir au cœur des mines, à extraire à coup de marteau-piqueur le si précieux mais si résistant cortosis. Comme son ivrogne de père avant lui, Dessel trime nuit et jour pour tenter de rembourser sa dette à la Compagnie Minière. Mais contrairement à son ivrogne de père, Dessel compte bien quitter cette planète désolée un jour ou l’autre : il le sent au plus profond de son être, son destin n’est pas de pourrir ici. Prenant son mal en patience, Dessel attend le jour où prendra fin cette existence de misère et de servitude : son étrange instinct ne lui a jamais fait défaut. Mais voici qu’un jour, Dessel est contraint de fuir précipitamment Apatros : pour éviter que la justice de la République ne lui mette le grappin dessus pour avoir assassiné l’un de leurs officiers (peu importe que cela soit de la légitime défense), le mineur rejoint les rangs de l’armée Sith. Devenu sergent de la Marche Obscure, troupe d’élite de la Confrérie des Ténèbres, Dessel est cette fois-ci bien loin d’anticiper le nouveau tournant que va prendre son existence : lorsqu’il est mis aux arrêts pour insubordination (peu importe que sa mutinerie ait évité un échec cuisant à la Marche Obscure), l’ancien mineur ne voit pas d’autre issue que la mort … Mais à sa plus grande surprise, le voici envoyé à l’Académie Sith de Korriban, pour faire partie de l’élite de la Confrérie des Ténèbres : un Seigneur Sith. L’ascension de Dark Bane a commencé …

Qui dit « Star Wars » dit généralement « action » : on s’imagine aussitôt des batailles spatiales trépidantes, des combats acharnés au sabre laser, quelques explosions spectaculaires pour faire bonne mesure … Si c’est là tout ce que vous venez chercher dans un roman estampillé « Star Wars », je crains que celui-ci ne vous apporte pas entière satisfaction : l’auteur nous offre ici un récit qui se rapproche bien plus du roman initiatique qu’autre chose, même s’il nous accorde quelques scènes de bagarre pour ne pas trop nous dépayser. La sempiternelle lutte entre le Côté Lumineux et le Côté Obscur n’occupe ici qu’une place secondaire, à l’arrière-plan : le véritable enjeu est tout ailleurs, bien moins ostensible, bien moins visible. Tandis que cette guerre s’éternise et s’enlise, tandis que d’un côté comme de l’autre les forces se rassemblent et misent sur la même stratégie, celle de la force du nombre, pour prendre l’ascendant sur son adversaire, le jeune Dessel, devenu Bane, entame son apprentissage. Il traine derrière lui les souvenirs âpres d’une enfance abusée, d’une vie toute entière de rude labeur, de misère, d’avilissement, de servitude. Il aurait pu, comme tant d’autres, comme son propre père, se laisser briser par cette existence morne et monotone, pénible et humiliante. Sombrer dans l’alcool, dans la frénésie des jeux et le cercle vicieux des dettes qui n’en finissent pas de grossir jusqu’à perdre tout espoir de pouvoir les rembourser un jour. Jusqu’à perdre tout espoir tout court.

Mais Dessel a toujours su qu’il n’était pas comme tous les autres : il ne finira pas comme eux, asphyxié par la poussière des mines et les dettes écrasantes. Il en est intimement convaincu : il est promis à un brillant avenir, il accomplira de grandes choses. Il ne sera pas un mineur anonyme parmi des milliers d’autres : on se souviendra de lui. Ce refus de se lamenter sur son propre sort, cette détermination à améliorer sa condition ne peuvent que forcer l’admiration … Mais il y a chez Dessel une noirceur qui ne trompe pas, une violence contenue qui ne fait aucun doute : c’est bien par le Côté Obscur qu’il se laissera attirer. Sa force de caractère s’accompagne d’un mépris dédaigneux pour ceux qui sont plus faibles que lui : selon lui, qui a su gardé la tête haute en dépit de toutes les humiliations, ceux qui se laissent broyer par l’accablement et la lassitude ne méritent aucun respect. Le fort survit, le faible périt. Autant dire qu’il avait déjà tout compris avant même d’intégrer l’Académie Sith … Il ne mettra d’ailleurs pas bien longtemps à saisir que les « Seigneurs Sith » se sont eux aussi égarés, qu’ils ont piétinés les préceptes du Côté Obscur, englués dans leur obstination à anéantir l’Ordre Jedi. Loin de se laisser berner à son tour par les beaux discours et les enseignements vides de sens de ces Maitres aveuglés et fourvoyés, Bane réalise qu’il est de son devoir d’expurger le Côté Obscur de cette gangrène, de le ramener à sa grandeur passée. Lui, Dark Bane, sera le premier d’une nouvelle génération de Sith, puissants, craints, invincibles.

Mais avant d’en arriver là, notre anti-héros doit embrasser tout entier le Côté Obscur. Il doit se débarrasser des derniers reliquats de doute ou de culpabilité, mais aussi les ultimes traces d’attachement ou de loyauté. Il doit se libérer des dernières entraves qui l’empêchent de devenir un véritable disciple du Côté Obscur. Et cela ne se fait pas sans heurt, sans douleur : si Bane s’apprête à devenir l’un des Siths les plus implacables, sournois et ambitieux de toute l’histoire du Côté Obscur, il n’en reste pas moins avant tout un jeune homme avec ses peurs et ses faiblesses. Bane ne se transforme pas du jour au lendemain en Parfait Grand Méchant : cela se fait doucement mais sûrement. Et c’est très précisément cela que j’ai trouvé si intéressant dans ce roman : j’ai beau désapprouver les choix de Bane, je peux les comprendre, car ils ne tombent pas de nulle part. Ils s’insèrent dans un cheminement psychologique très juste et suffisamment lent pour être profond. De Dessel à Bane, de Bane à Dark Bane, la transition se fait très subtilement : aussi surprenant que cela puisse paraitre au vue du contexte, j’ai eu en tête cette image fort poétique de la chrysalide qui se fait papillon, imperceptiblement. On ne peut discerner le moment où s’opère la transformation, même en observant attentivement : on ne peut que la constater le moment venu, lorsqu’il est déjà trop tard pour comprendre comment on en est arrivé là. Je dois vraiment avouer être très agréablement surprise, car je ne m’attendais pas à une telle finesse dans un roman « Star Wars » !

En bref, vous l’aurez bien compris, cette trilogie commence très fort, et même si j’étais plutôt « blasée » à l’idée de suivre encore une fois un disciple du Côté Obscur, je dois vraiment reconnaitre avoir été bluffée par ce premier tome. Je trouve ça fascinant de voir (re)naitre l’Ordre Sith tel qu’on peut le connaitre dans les films, d’apprendre comment est (ré)apparue cette fameuse « Règle des Deux » (que nous allons visiblement explorer plus encore dans le second opus, si j’en crois le titre). On sort vraiment du schéma horriblement manichéen du Bien contre le Mal, des Ténèbres contre la Lumière, on sent qu’il y a une véritable tension à la limite de la dépendance entre les deux : l’un ne peut en réalité pas exister sans l’autre, et en s’efforçant de s’éliminer mutuellement, ils risquent bien, effectivement, de disparaitre l’un et l’autre. Loin de sombrer dans la facilité en nous présentant un Méchant Pur et Dur, l’auteur nous invite à faire la connaissance d’un jeune homme tourmenté, tiraillé entre l’ambition et la certitude d’être amené à faire de grandes choses, et la crainte de son propre pouvoir et de ses propres actions. Certains trouveront assurément cet opus ennuyeux, car l’auteur nous propose effectivement quelque chose de relativement « calme » et donc d’irrémédiablement « lent », mas pour ma part, je l’ai trouvé particulièrement passionnant. Et pour ne rien gâcher, l’auteur a une très belle plume : on est dans un style vraiment soigné, délicat, presque noble, qui ajoute encore plus de profondeur au récit, et c’est fort bienvenu !

samedi 23 avril 2022

Tara Duncan, tome 11 : La guerre des planètes - Sophie Audouin-Mamikonian

Tara Duncan11, Sophie Audouin-Mamikonian

La guerre des planètes

 Editeur : XO

Nombre de pages : 485

Résumé : Dans le ciel d’AutreMonde, les six planètes des démons ont fait leur apparition ! Pour Tara et Lisbeth, un grave choix s’impose : il faut prévenir les Terriens, leur révéler l’existence de la magie, et de tous les peuples qui les entourent : démons, dragons, sortceliers… ça va leur faire un choc ! Surtout quand les démons vont passer à l’attaque, créant le chaos… Pour comprendre ce qui se joue, Tara et le magicgang vont devoir se transformer puis se rendre au cœur des planètes ennemies. Et oublier leurs querelles pour faire bloc.

 

- Un petit extrait -

« Il reprit ses esprits et se tourna vers Tara.

- Vous travaillez avec votre tante tous les jours ?

- Oui.

- Votre courage est infini.

- Vous n'avez pas idée. »

- Mon avis sur le livre -

 Doucement mais sûrement … Une stratégie visiblement payante pour venir à bout des sagas les plus interminables ! Ces dernières années, j’ai plus d’une fois tenté de me lancer dans un énième Tarathon, bien décidée à relire d’un bout à l’autre cette saga qui a tant compté pour moi … mais il y avait toujours une chose ou une autre pour venir m’interrompre au bout de trois ou quatre tomes enchainés. En pas loin de huit ans, j’aurai  ainsi retenté plus de quatre fois sans jamais aller plus loin que le quatrième opus ! Alors qu’en m’imposant le rythme fort léger mais fort régulier de deux tomes par mois, coûte que coûte, quoi qu’il arrive, il ne m’aura fallu que six mois pour achever ce Tarathon, que je peux donc sans frémir qualifier de « rondement mené » … mais surtout de « profondément salvateur ». Car cela m’a fait beaucoup plus de bien que je ne pouvais l’imaginer de me replonger dans cet univers, de retrouver ces personnages, de revivre ces fabuleuses aventures. Cela m’a en quelque sorte permis de me souvenir pourquoi j’aimais tant lire : ces dernières années, entre les services presse et les challenges, mon rapport à la lecture s’est quelque peu « rationnalisé », et j’avais grand besoin de retrouver le gout de lire « tout simplement », sans avoir à l’esprit le délai convenu avec l’auteur ou l’éditeur, sans chercher à remplir une consigne quelconque, sans même songer à « faire baisser ma PAL ». Juste lire. Et y prendre plaisir. Je m’étais égarée, et une fois de plus, c’est Tara qui m’a aidé à retrouver mon chemin : celui de l’amour de la lecture, de la passion, purement et simplement.

Quelques jours plus tôt, sans crier gare, six planètes ont surgis de nulle part pour venir s’installer en orbite autour des soleils d’AutreMonde … sans que les habitants légitimes de ce système aient donné leur accord pour accueillir tout ce petit monde. Et cela d’autant plus que ces planètes sont celles des démons, leurs pires ennemis depuis des centaines de centaines d’années, qui viennent de faire imploser leur lune alors qu’ils étaient prêts à nouer des relations commerciales avec eux. En alerte, tous les peuples d’AutreMonde se préparent à une nouvelle guerre contre les démons … mais voilà, ces derniers n’attaquent pas. Ne communiquent même pas. Leurs planètes se contentent de tourner autour des soleils, entourées d’un voile opaque empêchant tout vaisseau de s’approcher. Tandis que le silence se prolonge, la peur enfle à vue d’œil, et avec elle les intentions belliqueuses : beaucoup, les dragons les plus guerroyant les premiers, estiment qu’il faut attaquer les premiers et se débarrasser de la menace avant qu’elle n’éclate. Ce à quoi les pacifistes – et les commerçants fous de joie à l’idée de trouver de nouveaux clients à dépouiller – répliquent que si les démons avaient voulus les anéantir, ils l’auraient fait dès leur arrivée, et non pas deux semaines plus tard, après avoir laissé à tout le monde le temps de s’organiser : hors de question de les provoquer s’ils sont venus en paix ! Alors que les esprits s’échauffent, Tara et ses amis vont une fois de plus chercher une solution pour sauver le monde … quitte à se mettre une fois de plus en grand danger.

N’en déplaise aux grincheux, ce qui fait tout le charme de cette saga selon ses plus fidèles lecteurs, c’est bien et bien cette sorte de « surenchère » : à chaque fois que nous avons le sentiment que « les choses ne peuvent plus empirer » (voire même, pour les plus optimistes, « ne peuvent que s’améliorer »), une nouvelle catastrophe vient balayer avec fracas cette certitude … Pour le plus grand bonheur du lecteur, qui commençait à trouver toutes ces considérations politico-commerciales un tantinet trop sérieuses pour une saga aussi fantasque et délurée que celle-ci ! Que l’histoire murisse en même temps que son héroïne (et bien souvent, que son lectorat), c’est parfaitement normal, et même très appréciable … mais tout de même, une petite pointe de « folie », ou plutôt d’extravagance, n’est jamais de refus ! Avec ce tome, on retrouve vraiment ce petit côté « déjanté » qui rendait les premiers tomes aussi incroyables, et surtout, on retrouve ce rythme absolument trépidant, pour ne pas dire infernal, qui commençait personnellement à me manquer un petit peu : les négociations et les mondanités, c’est bien, mais comme diraient Fafnir et la Pierre Vivante, un peu d’action (et quelques bonnes bagarres), c’est encore mieux ! Et clairement, de l’action, ce n’est pas ce qui manque dans cet opus : on va de rebondissements en rebondissements, de coups de théâtre en coups de théâtre, de surprise en surprise … Pas moyen de s’ennuyer, et encore moins de faire une pause dans la lecture sans être tiraillé par l’envie irrésistible de savoir ce qui se passe ensuite !

Et parce que, comme le dit si bien Sophie (à propos des murs, certes, mais cela s’applique également au petit cœur du lecteur), lorsque la pression devient trop forte, tout risque d’exploser, il faut bien faire retomber la tension de temps à autre … et pour cela, rien de mieux qu’un bon petit fou rire ! S’il n’a jamais totalement disparu de la saga, l’humour décapant de Sophie s’était fait bien plus discret dans les opus précédents : quelle joie de retrouver son gout prononcé pour les situations cocasses et les dialogues burlesques ! Vous n’imaginez même pas le nombre de fois où j’ai gloussé (comme une spatchoune pour les initiés), où j’ai éclaté de rire, voire même où j’ai failli pleurer de rire : parfois, c’est absurde à souhait, et d’autre fois, c’est sarcastique à souhait, dans tous les cas, c’est hilarant ! Tant et si bien que même les tergiversations sentimentales de Tara, qui ne sait vraiment plus où donner de la tête (ou plutôt du cœur), ont réussi à me faire sourire (alors que j’ai généralement tendance à pester contre les héroïnes qui ne savent pas ce qu’elles veulent, ou plutôt qui elles aiment) : les tentatives désespérées de Robin, quoiqu’un tantinet pathétiques, ne manquent pas de ridicule, et les déclarations de Cal, bien qu’un peu niaises par moment, sont follement poignantes. Et même s’ils sont parfois agaçants, ces deux jeunes coqs, à se disputer les sentiments de Tara, ça n’en reste pas moins une sous-intrigue finalement fort divertissante entre deux attaques de démons !

En bref, je préfère ne pas en dire plus pour ne pas trop vous en dévoiler (c’est un tome qu’on apprécie plus encore quand on ne sait pas à quoi s’attendre, quand on se laisse dévorer par la tension croissante, quand on attend le point de rupture avec une sorte d’effroi impatient), mais je pense que vous l’aurez bien compris : je me suis vraiment régalée du tout début à la toute fin ! Je fais clairement parti de ces lecteurs qui aiment quand Sophie en fait « un peu trop », quand elle lâche la bride à son imagination débordante et son gout prononcé pour les situations rocambolesques : j’aime me laisser surprendre par ses idées complétement déjantées et farfelues, totalement imprévisibles, absolument uniques. Notre monde est si sombre, si austère, qu’une petite pointe d’excentricité et une grosse touche de légèreté constitue une bouffée d’air frais vraiment salvatrice : c’est une saga qui nous rappelle que la lecture est là pour nous aider à nous évader un peu de notre quotidien, souvent fort morose, pour nous aider à oublier l’espace d’un instant nos soucis. « Aventure, amour, humour et magie », voilà ce que l’éditeur nous promet sur la quatrième de couverture : le moins que l’on puisse dire, c’est que ce tome remplit parfaitement ces promesses, pour le plus grand bonheur des lecteurs, petits et grands ! Mais ce que l’éditeur ne dit pas, c’est la frustration atroce que fait naitre l’horrible cliffhanger final : ça devrait être interdit, ce genre de suspense, c’est très dangereux pour le cœur du lecteur !