vendredi 31 décembre 2021

Le bilan de l'année 2021

- Bilan de l’année 2021 -

 Une année qui semble très jolie sur le papier … mais qui n’a pas été aussi jolie que cela en pratique. La vie s’obstine à me jouer des tours, à m’obliger à faire des détours, et la fatigue et le découragement et le ras-le-bol se sont progressivement installés. La tentation a été grande de tout laisser tomber, lecture y compris. Mais la lecture, c’est mon dernier rempart, mon ultime garde-fou : il fallait absolument que je m’y accroche. Alors, j’ai mis en place un planning, pas trop figé, mais assez strict pour me stimuler. Et c’est ainsi que j’ai maintenu un cap régulier, une bonne petite centaine de pages chaque jour, y compris lorsque tout semblait s’écrouler. Je me suis autorisée un peu plus d’achats, mais je songe vraiment à restreindre toujours plus les services-presse, j’ai besoin de souffler un peu, de soulager la pression. Pour les challenges, par contre, c’est peine perdue : je suis incapable de résister !

 

- Les lectures -

 Janvier → 9 lectures - 3356 pages

Février → 10 lectures - 3272 pages
Mars → 12 lectures - 7276 pages
Avril → 10 lectures - 3458 pages
Mai → 8 lectures - 3520 pages
Juin → 8 lectures - 3173 pages
Juillet → 9 lectures - 3833 pages
Aout → 9 lectures - 3433 pages
Septembre → 8 lectures - 352 pages
Octobre → 8 lectures - 2948 pages
Novembre → 7 lectures - 3209 pages
Décembre → 10 lectures - 3522 pages

 Total : 108 lectures et 41 352 pages !

En moyenne : 9 lectures et 3446 pages par mois, soit 113,3 pages par jour !

 Soit :

- 31 services de presse
- 77 lectures personnelles
- 106 romans (dont 42 tomes uniques, 20 premiers tomes de séries, 5 hors-séries et 39 suites de séries)
- 1 manga
- 1 essai

 

- Les entrées dans la PAL -

 Janvier → 11 livres

Février → 11 livres
Mars → 12 livres
Avril → 7 livres
Mai → 2 livres
Juin → 0 livre
Juillet → 4 livres
Aout → 4 livres
Septembre → 0 livre
Octobre → 18 livres
Novembre → 5 livres
Décembre → 9 livres

 Total : 83 livres

En moyenne : 6,9 par mois …

 Soit :

- 52 achats/lots de concours/cadeaux
- 31 services de presse

 

- Sur le blog -

 Janvier → 10 articles

Février → 11 articles
Mars → 11 articles
Avril → 9 articles
Mai → 10 articles
Juin → 5 articles
Juillet → 6 articles
Aout → 5 articles
Septembre → 9 articles
Octobre → 10 articles
Novembre → 9 articles
Décembre → 10 articles

 Total : 105 articles

 Soit :

- 88 chroniques
- 2 tops 5
- 12 bilans du mois + 1 bilan de l’année
- 2 autres articles (1 swap et 1 annonce)

 Vous avez été 2 485 à visiter le blog et vous avez lu 7 915 pages.

 

Bonne année 2022 à tous et à toutes !

mercredi 29 décembre 2021

Le cycle de Dune, tome 1 : Dune - Frank Herbert

Le cycle de Dune1, Frank Herbert

Dune

 Editeur : Robert Laffont

Collection : Ailleurs & Demain
Nombre de pages :
591

Résumé : Voici l’épopée de Paul Atréides, seigneur d’Arrakis, connu comme prophète sous le nom de Muad’Dib, empereur, messie de Dune. Cette fresque se déploie dans un avenir éloigné dans le temps et proche par les passions, où les hommes naviguent entre les étoiles et peuplent un milliard de mondes. Entre ces mondes, Dune, planète désertique où l’eau est plus précieuse que l’or, et pour laquelle se battent les deux grandes familles des Atréides et des Harkonnen. Car Dune produit l’Épice, drogue miracle, source de longévité et de prescience.

 Un grand merci aux éditions Robert Laffont pour l’envoi de ce volume et à Babelio pour avoir rendu ce partenariat possible.

 

- Un petit extrait -

« Je ne connais pas la peur, car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.  »

- Mon avis sur le livre -

 Je fais partie de ceux qui estiment qu’une bonne adaptation cinématographique ne peut ni ne doit s’autosuffire : ce faisant, elle éclipserait totalement et trahirait donc profondément l’œuvre littéraire dont elle est tirée, à qui elle doit finalement son existence. Bien au contraire, une bonne adaptation cinématographique se doit selon moi d’être une porte d’entrée vers cette œuvre littéraire : si vous n’avez pas envie de vous jeter sur le livre à peine le film terminé, c’est que ce n’est pas une bonne adaptation, soit parce qu’elle éblouit tant et si bien que l’on se dit que « le livre n’aura rien de plus à apporter, pas la peine de perdre son temps à le lire », soit parce qu’elle dénature tellement le récit que « le livre sera nul, pas la peine de perdre son temps à le lire ». Autant vous dire que le Dune de David Lynch se situe à mes yeux dans la seconde catégorie : je pense pouvoir affirmer n’avoir jamais vu un film aussi … horrible que celui-ci. Je n’ai pour ainsi dire même pas réussi à le terminer, et j’étais absolument convaincue que le livre allait être du même acabit et ne valait donc pas la peine que je m’y intéresse un tant soit peu. La bande annonce du Dune de Villeneuve ainsi que la réédition avec les sublimes illustrations d’Aurélie Police, sans oublier l’envie de comprendre pourquoi mon père biologique aimait tant ce roman, m’a finalement convaincue de lui donner une chance … et j’ai drôlement bien fait !

Sur ordre de l’Empereur Padishah, le Duc Leto Atréides et sa famille quittent Caladan au profit de la si inhospitalière Arrakis, planète convoitée entre toutes pour son incomparable Epice, cette drogue miraculeuse pour laquelle les Grandes Maisons sont prêtes à toutes les machinations et les trahisons. Arrakis, Dune, la planète des sables … Sans y avoir jamais posé les pieds, le jeune Paul Atréides, fils unique et héritier du Duc, a néanmoins le sentiment de bien la connaitre : nuit après nuit, ses rêves prémonitoires tissent leur toile et dessinent en son esprit l’Avenir, aussi vivace que fugace, immuable et changeant tout à la fois. Mais nul besoin d’être doté du don de prescience pour sentir que ce n’est pas pour récompenser le Duc de ses bons et loyaux services qu’il a été envoyé sur Arrakis : chacun le sent au plus profond de son être, un complot plane au-dessus de leur tête. Tandis que le Duc fait ce que nul administrateur n’a osé jusqu’à présent, tisser des liens avec les Fremens, la population autochtone que ses prédécesseurs opprimaient sans le moindre remord, tandis que les conspirateurs se délectent d’avance de leur victoire sur le Duc et de leur grandeur à venir, au plus profond du désert, là où bat le cœur de la planète Arrakis, la légende du Muad’Dib, ce Messie tant attendu des Fremens, est sur le point de naitre …

Que dire qui n’ait encore jamais été dit sur ce roman ? A défaut d’innover, je vais donc me contenter d’affirmer que c’est brillant, très brillant. D’un seul revers nonchalant de la plume, d’un seul premier chapitre absolument somptueux, l’auteur a balayé toutes mes inquiétudes, toutes mes réticences : j’allais aimer ce livre, c’était une certitude. Un peu comme s’il avait été écrit pour moi, même si cela peut sembler surprenant. Sans la moindre introduction, sans la moindre explication, l’auteur lâche le lecteur dans l’arène : l’histoire commence brusquement, brutalement. Le jeune Paul, qui semble à la fois si frêle et si empli d’une prestance presque divine, subit une épreuve à laquelle bien peu d’enfants mâles ont été soumis … et qu’encore moins ont surmonté. Qui est donc ce jeune garçon, plus tout à fait un enfant mais pas encore un homme, en qui tous semblent prêts à reconnaitre celui que chacun attendait depuis des millénaires ? Serait-il l’aboutissement inattendu, imprévu, inespéré, du programme de sélection génétique des Bene Gesserit ? Serait-il le Messie, le Sauveur, que le peuple Fremen opprimé attend et espère depuis tant et tant de générations ? Bien loin de la figure traditionnelle de l’Elu, si chère aux grandes épopées de toujours, Paul n’en est pas moins le représentant le plus … abouti, d’une certaine manière. A la fois acteur et spectateur de sa propre destinée, Paul aime et hait tout en même temps ce qu’il est, ce qu’il est amené à devenir.

Car dans son monde comme dans le nôtre, il suffit d’une petite étincelle pour tout embraser … Dans son monde comme dans le nôtre, les puissants se battent comme des vautours assoiffés de sang pour cette ressource inestimable, source de toutes les convoitises : cette épice miraculeuse, source de longue vie et de prescience. Immortalité et clairvoyance : deux attributs des dieux que les hommes rêvent de posséder depuis le début des temps. Nul besoin d’avoir fait de longues études en géopolitique pour deviner que celui qui a la main mise sur cette ressource détient un pouvoir presque sans limite sur tous les autres : voilà pourquoi, alors qu’Arrakis est la planète la plus inhospitalière qui soit, tout le monde s’entredéchire pour elle. Avec une seule et unique ligne de conduite : produire toujours plus. Et pour cela, pas de quartier : s’il faut opprimer, voire exterminer, un peuple tout entier pour pouvoir exploiter toujours plus cette planète déjà à bout de souffle, nul ne s’en préoccupe. Seul compte le rendement, et la soif de produire toujours plus, comme si la croissance économique seule importait … Mais il n’y a pas plus dangereux qu’un peuple acculé, qu’un peuple qui n’a plus que la foi pour survivre. Et surtout, il n’y a pas plus dangereux qu’un peuple fanatique persuadé d’avoir enfin trouvé son Messie, son Prophète, son Sauveur. Et Paul aura beau se démener comme il veut et peut, ses visions lui confirment qu’il ne pourra empêcher le Jihah, la croisade sacrée, de se déchainer sur l’univers tout entier …

Contrairement aux apparences, Dune est donc très loin d’être un « simple roman de science-fiction ». Dans cette histoire qui ne ressemble à aucune autre, une ribambelle d’intrigues se mêlent et s’entremêlent, formant un entremêlas inextricable de nœuds : ici, un complot politique, lui-même pris dans un contre-complot économique, le tout intriqué dans une conjuration familiale ; là, les agissements millénaires d’une secte au projet eugéno-mystique, qui font étrangement écho aux prophéties ancestrales d’un peuple dont nul ne connait véritablement les coutumes … Je ne m’attendais assurément pas à une telle complexité, et j’en suis vraiment agréable surprise, même si je dois bien reconnaitre que bien des éléments, bien des points, m’ont échappés lors de cette première lecture. Il faudra sans doute des années, et plusieurs relectures, pour réussir à saisir ne serait-ce qu’une infime partie de tout ce que contient ce roman : les enjeux dépassent amplement la seule destinée de Paul, ce jeune homme à la croisée des destins. On le sent confusément, sans être forcément capable de distinguer précisément à quel point ils le dépassent, à quel point ils sont proches des enjeux de notre propre monde, de notre propre époque. Une chose est sûre et certaine : c’est bien parce qu’on sent qu’il ne s’agit pas seulement de l’histoire de Paul que nous sommes si captivés par cette histoire. Il y a un sentiment inexplicable d’urgence qui nait en nous, nous poussant à lire, toujours plus, car tout pourrait s’effondrer d’un moment à l’autre …

En bref, vous l’aurez bien compris : j’étais plutôt inquiète de ce qui pouvait bien m’attendre au creux de ces pages, et finalement, ce fut une lecture tout simplement mémorable. Exigeante, certes, et donc parfois laborieuse, mais fascinante, impossible de le nier. Certains trouveront sans doute qu’il n’était pas nécessaire d’écrire un aussi long pavé pour en raconter « si peu », certains reprocheront assurément à l’auteur d’avoir comblé son récit de beaucoup de « vide », mais pour ma part, c’est justement cette sorte de lenteur, de langueur inextricable, qui plonge littéralement le lecteur dans l’ambiance de Dune. D’un côté, il y a l’attente, l’aspiration à un bouleversement, mais de l’autre, il y a la crainte de voir les choses changer. Pour comprendre l’épopée de Paul Maud’Dib, il faut s’imprégner d’Arrakis : il faut réussir à voir au-delà des apparences, voir la richesse et la beauté qui se cachent derrière ce désert monotone et cruel. Tout comme Arrakis, Paul est tout en nuances, il est profondément insaisissable, comme peut l’être le temps et l’avenir également. Si vous cherchez un roman de divertissement, j’ai bien peur que Dune  ne soit pas fait pour vous : c’est un roman qui demande beaucoup à ses lecteurs, un roman qui fait peur, et à raison. Non pas car il est mauvais, non pas parce qu’il est incompréhensible, mais parce qu’il oblige le lecteur à cheminer, à s’interroger, et non pas seulement à « profiter », à « consommer » l’histoire comme on avale sans réfléchir, sans effort, tous les pop-corn devant un film …

samedi 25 décembre 2021

Cette chanson-là - Sarah Dessen

Cette chanson-là, Sarah Dessen

 Editeur : Pocket Jeunesse (PKJ)

Nombre de pages : 395

Résumé : Julie a toujours su quand prononcer LE discours à un garçon pour le quitter: juste après l'émotion des premiers jours et avant que l'implication soit trop forte. Alors pourquoi ne parvient-elle pas à appliquer ses grands principes au beau Damien ? Il est brouillon, impulsif et, pire que tout, musicien comme le père de Julie. Ce père qu'elle n'a jamais connu et qui lui a écrit une chanson célèbre avant de disparaître: "This Lullaby" qu'elle écoute quand elle a le cœur serré. Julie serait-elle en train de découvrir ce dont parlent toutes les chansons d'amour ?

 

- Un petit extrait -

« - Tenir les gens à distance et se priver d'amour ça ne rend pas fort. Au contraire. Parce que c'est de la peur.

- Peur de quoi?

- De prendre un risque. Le risque que des choses arrivent, le risque de se laisser emporter ... Mais le risque c'est la vie. Refuser d'essayer, par peur, c'est du gaspillage. D'accord j'ai fait des erreurs, beaucoup même, mais je n'ai pas de regrets. Parce qu'au moins, je ne suis pas restée sur le bord de la route à me demander ce que vivre veut dire. »

- Mon avis sur le livre -

 On a tous, je pense, un livre ou un auteur qui nous accompagne lors des moments les plus difficiles de notre vie, vers lequel nous nous tournons lorsque nous avons besoin de reprendre pied, de retrouver une certaine forme de stabilité et de sérénité. Les livres ont cela de rassurant : même lorsque les bouleversements les plus effrayants surgissent, même lorsque tout semble s’effondrer, ils sont toujours là, fidèles au poste et à eux-mêmes. C’est ainsi que cet été, alors que je m’apprêtais à vivre une étape importante mais affreusement effrayante dans ma vie de jeune adulte – chercher, trouver, choisir et acheter ma première voiture, rien que cela –, je me suis instinctivement tournée vers celle qui, depuis le décès de mon père biologique, m’accompagne à chaque grande étape de mon existence : Sarah Dessen. Ce sont vers ses romans que je me tourne généralement quand j’ai le sentiment d’être submergée par l’angoisse, lorsque la peur d’avancer me terrasse, que j’ai besoin d’un délicat petit coup de pied au derrière pour lutter contre cette réaction instinctive de repli et de blocage. Car la grande force des récits de Sarah Dessen, c’est qu’ils combinent une certaine forme de douceur, de légèreté, et une petite leçon de vie, discrète mais toujours très juste. D’un côté, ça apaise, de l’autre, ça nous incite à aller de l’avant, et ça, c’est génial !

Malgré les échecs cuisants des quatre premières tentatives, Julie se retrouve une fois de plus à planifier dans les moindres détails le cinquième mariage de sa mère. Le programme est bien rodé : Julie sait désormais parfaitement quand et comment il faut réserver la salle de réception, relancer le traiteur, vérifier si le chauffeur sait où il doit venir chercher les deux « heureux mariés pour le meilleur comme pour le pire jusqu’à ce que la mort les sépare » pour les emmener à l’hôtel … Elle sait également quand et comment cet énième mariage finira en divorce, selon un théorème qu’elle a eu maintes fois l’occasion de vérifier et d’affiner. Théorème qu’elle applique également, dans une version légèrement adaptée, pour savoir quand et comment elle doit rompre avec son petit copain temporaire du moment : au bout de six semaines et deux jours très précisément, juste avant que le petit copain en question se sente suffisamment en confiance pour commencer à empiéter dangereusement sur son espace vital et que ses défauts (potentiellement touchants jusque-là) deviennent absolument rédhibitoires. Et surtout, juste avant que toute forme d’attachement ne se manifeste. Mais voilà que Damien débarque dans sa vie, sans même lui demander son avis, et qui mène tant et si bien la danse qu’elle n’arrive jamais à lui sortir son célèbre Discours de rupture … mais le veut-elle vraiment ?

Une fois encore, Sarah Dessen a frappé fort, très fort : elle est parvenue à me faire apprécier une fille avec qui je n'ai absolument rien en commun, qui est même pour ainsi dire tout mon contraire. Alors que je suis terrifiée à la simple idée de prendre la moindre petite décision, Julie endosse toutes les responsabilités pour planifier le cinquième mariage de sa mère. Alors que je n'ai jamais eu un seul petit copain, Julie les collectionne et les jette selon un schéma bien défini ne laissant pas la moindre place aux sentiments. Alors que je reste cloitrée chez moi à boire des tisanes bien sages, Julie sort tous les soirs s’enivrer avec ses quatre amies … Non, vraiment Julie et moi n’étions clairement pas faites pour nous entendre et j’ai l’espace d’un instant eu peur de ne pas réussir à apprécier totalement son histoire. Et pourtant … il ne m’a pas fallu bien longtemps pour trouver Julie bien plus touchante et attachante que ne peut laisser paraitre son comportement de « sale garce aigrie », pour reprendre les propos de son grand frère lui-même. On devine rapidement, bien qu’assez confusément, que derrière ce cynisme et cette façon pour le moins surprenante de gérer ses relations amoureuses, se cachent en réalité de lourdes blessures au cœur et à l’âme. Julie est loin d’être aussi insensible et impitoyable qu’elle ne veut le laisser paraitre : c’est un masque, une armure, une carapace, qu’elle endosse pour se protéger …

Et on peut la comprendre, finalement : comment voulez-vous croire à l’Amour quand votre seul modèle, c’est votre mère, qui multiplie les mariages et enchaine les divorces ? comment voulez-vous croire à l’Amour quand votre père, que vous n’avez même jamais connu, vous a laissé pour seul héritage une chanson annonçant qu’il va vous abandonner ? Confrontée bien trop tôt à ces désillusions, Julie a perdu toute foi en l’Amour : mieux vaut pour elle mettre fin à toute relation avant qu’elle ne devienne trop sérieuse, de peur de s’attacher et de souffrir si c’est l’autre qui finit par la laisser tomber. Cela peut paraitre cruel de sa part, de vouloir être celle qui fait souffrir plutôt que celle qui souffre, mais c’est finalement très humain de vouloir ainsi se préserver. Elle prend les devants non pas par pure méchanceté, comme on pourrait l’imaginer au premier abord, mais bien par peur. Par peur de s’engager et de se tromper. De laisser quelqu’un exercer une sorte de pouvoir sur elle : Julie a un besoin maladif de contrôle, elle qui a trop souvent vu son monde voler en mille éclats à chaque nouveau changement de beau-père. Et surtout, Julie a besoin de liberté, elle qui n’a jamais eu d’autre choix que d’endosser toutes les responsabilités à la maison, portant sur ses seules épaules le bon fonctionnement du foyer. Julie est loin d’être parfaite, et j’ai plus d’une fois eu envie de la baffer, mais elle est bien plus à plaindre qu’à blâmer, finalement : elle est devenue ce que la vie a fait d’elle, tout simplement.

Et voilà que la vie lui offre une chance de changer son regard sur l’amour, sur la vie en général : lorsque Damien débarque, avec son sans-gêne et sa maladresse, avec son humour et sa candeur, on devine immédiatement que ça va faire des étincelles entre eux. Alors qu’elle a toujours mené la danse, Julie ne contrôle cette fois-ci absolument rien : Damien ne lui laisse jamais la moindre possibilité de reprendre l’avantage, il l’entraine dans son monde un tantinet déjanté, totalement désordonné, parfaitement décomplexé. Elle ne peut rien planifier, avec lui qui oublie constamment de payer les factures d’électricité, mettant tous ses collocs et collègues dans l’embarras mais continuant à faire genre que tout va très bien. Damien est agaçant par moment, on ne va pas se mentir, mais on sent que Julie a besoin de quelqu’un comme lui. Peut-être pas pour toute la vie, car Damien n’est tout de même pas le prince charmant des contes de fées, mais pour plus de six semaines, assurément. Car Damien n’hésite pas à dire tout ce que Julie s’efforce d’enfouir bien profond, il ne prend pas de pincettes mais sait toutefois être délicat. En bousculant tous ses plans, en chamboulant totalement sa petite vie réglée comme sur des roulettes, Damien va prouver à Julie que, parfois, il faut savoir prendre des risques. Et qu’être forte, ce n’est pas se défiler systématiquement, mais bien plutôt affronter ce qui fait peur …

En bref, vous l’aurez bien compris, on est dans du Sarah Dessen dans toute sa splendeur : c’est à la fois très mignon, à la limite de la niaiserie parfois, et très profond, pour ne pas dire proche du développement personnel. C’est vraiment quelque chose que j’aime beaucoup dans ses romans, cette sorte de dualité : on peut se contenter de lire ce roman comme une romance pour adolescentes, mais on peut aussi y voir une délicate leçon de vie. En toute simplicité, Sarah Dessen nous invite à cheminer envers une jeune fille à l’orée de sa vie, qui rêve de liberté mais n’a pas encore su se délivrer de ses peurs et de ses peines. Elle nous invite par la même occasion à se demander quelles sont nos propres peurs, nos propres blocages : devant quoi nous défilons-nous, qu’esquivons-nous sous le couvert de la sacro-sainte raison, en refusant de voir ce qui se cache derrière ? Comme Julie, nous avons sans doute bien des opinions préconçues dont nous ne parvenons pas à nous débarrasser car elles nous donnent un sentiment illusoire de sécurité, de sûreté, de protection et de maitrise … Mais ne sommes-nous pas en réalité esclaves de ces peurs qui prennent l’apparence d’une sage résolution ? Tandis que s’égrènent les dernières notes de Cette chanson-là, nous voici invité, à l’image de Julie, à prendre notre envol après s’être débarrassée de tout ce qui nous cloue encore au sol. Sans doute pas le meilleur de l’autrice, mais indiscutablement un très beau roman à lire et relire !