samedi 12 juin 2021

Krog Macherok et le venin des Hautes Terres - Guilhem Méric

Krog Macherok et le venin des Hautes Terres, Guilhem Meric

 Editeur : Harmonia

Nombre de pages : 314

Résumé : Le jour où il découvre le corps d'un des siens empoisonné par les vapeurs de la terre, Krog, jeune Gnome Caillassier, prend conscience d'une terrible réalité : ce sont les Hommes et leur sorcellerie qui sont à l'origine du drame qui a frappé jadis sa famille. Il se lance alors en secret dans une mission de sabotage visant les coupables désignés : l'exploitation d'une petite famille de viticulteurs. Il ne s'attendait pas à y croiser la fille du propriétaire, une jeune humaine douée d'étranges pouvoirs sur la nature...

 Un grand merci à Guilhem Meric pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace) et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

 

- Un petit extrait -

« Je ne connaissais rien des Hautes Terres. De ce monde à ciel ouvert dont vous foulez le sol chaque jour. Du frémissement des arbres, du chant joyeux des oiseaux ou des grillons dans leurs nids d’herbes. J’ignorais tout du parfum du thym, de la caresse du vent, du scintillement de la lune dans les flaques d’eau. J’ai vu des chenilles devenir papillons ; des abeilles s’enivrer des fleurs. J’ai senti la vigueur des racines sous mes pieds ; la douceur des feuilles d’un grand chêne sur ma peau. Et au-delà, la chaleur extraordinaire de toute la vie qui m’entourait. […] Je vous ai aidés à vaincre ce faiseur de poisons, c’est vrai. Mais ce n’est pas moi qu’il faut remercier. C’est la nature. Je n’aurai rien pu faire sans elle. Sans son amour pour notre monde et le vôtre. Elle est si discrète, si subtile que vous oubliez parfois combien elle nous aime. Combien sa force de vie accompagne chaque jour tout ce que nous sommes. Croyez-moi, la vraie magie est en elle. Et il faut que nous la préservions. »

- Mon avis sur le livre -

 On dit que la vie fait parfois bien les choses … mais parfois, il arrive également qu’elle les fasse plutôt mal, n’en déplaise aux plus optimistes ! Figurez-vous qu’au printemps dernier, j’étais toute heureuse de pouvoir, pour la toute première fois de ma vie, participer à une campagne de financement participatif  afin de financer l’édition de ce roman, toute heureuse de pouvoir enfin soutenir l’auteur autrement qu’en écrivant des chroniques sur ce petit blog déserté, tout en permettant d’offrir des exemplaires à des enfants hospitalisés … mais voici que cette première campagne n’a pas aboutie. Et lorsque la seconde a été lancée il y a quelques mois, ma situation personnelle et familiale était bien trop compliquée pour que je puisse renouveler mon soutien, à mon grand désarroi car je tenais vraiment à contribuer à ce projet ! Nous voici donc de retour à la case départ : c’est par le biais de cet humble petit article que je vais, une fois de plus, tâcher d’apporter mon petit coup de pouce à Guilhem Meric, puisque les galères imprévisibles de la vie m’ont empêchée de le faire d’une autre manière ! On ne change pas une équipe qui gagne, parait-il, n’est-ce pas ?

Krog Macherok est un jeune Caillassier d’une douzaine d’années presque comme tous les autres gnomes de son village souterrain. Après tout, il a les mêmes yeux gris perle, la même peau cireuse et le même odorat lui permettant de sentir la présence d’émeraude à des lieux à la ronde … il est juste beaucoup trop grand, beaucoup trop élancé, et son visage est beaucoup trop fin pour passer totalement inaperçu. Jusqu’à présent, toutefois, sa différence n’avait jamais pesé au jeune Krog : ceux de son clan l’avaient toujours accepté tel qu’il était. Mais lorsqu’un cataclysme tel qu’aucun gnome n’en a jamais vu détruit totalement le village, lorsque le jeune Krog désormais orphelin est recueilli par son oncle, Grand-Mestre des Feuillus, le fardeau de la solitude et du rejet s’ajoute au poids de la peine et de la rancune. Car Krog en est convaincu : ce sont les Sinoks, les hommes, qui sont à l’origine de cette catastrophe qui a couté la vie à ses parents et à des dizaines d’autres gnomes innocents. Bien décidé à venger les siens, au mépris de tous les interdits, le jeune Caillassier monte sur les Hautes Terres, prêt à en découvre avec ceux qui ont détruit son foyer. Mais sa quête de vengeance tourne court lorsqu’il tombe sur une petite humaine non seulement capable de le voir sans Fleur de Fée mais également capable de contrôler la terre …

 Tout commence par un drame : en quelques minutes à peine, un village tout entier est rasé, des morts jonchent le sol, des cris et des pleurs s’élèvent à chaque coin de rue, c’est la panique et le désespoir. Une scène qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celles qu’aiment nous passer et repasser en boucle les journaux télévisés lorsqu’une catastrophe naturelle s’abat à l’autre bout du globe … à ceci près que ce ne sont pas les êtres humains qui courent, meurent et hurlent, mais des gnomes. Les rencontrer dans une situation aussi semblable à celle que vivent tant d’hommes, de femmes et d’enfants sur notre planète fait immédiatement naitre une sympathie à l’encontre de ces petits êtres féériques qui fourmillent dans les profondeurs de la terre. On ne peut que compatir à leur peur et à leur douleur alors qu’ils voient leur foyer de toujours tomber en ruine, alors qu’ils voient leur époux, leur père, leur frère, leur fils mourir écrasés sous les décombres ou asphyxiés par la poussière. Pauvres petits gnomes, et surtout pauvre petit Krog : notre héros n’a qu’une douzaine d’années, ce n’est encore qu’un enfant, et voici qu’il se retrouve orphelin, à la merci de la discrimination que lui font vivre les membres du Clan de son oncle à cause de sa différence … comme si perdre ses parents et sa maison n’était pas une peine suffisante pour un jeune gnome qui n’a jamais rien demandé à personne !

Mais ce n’est pas seulement de la peine que nous ressentons pour ce pauvre Krog … mais aussi de la honte. Car nous comprenons bien vite que c’est l’activité humaine qui a causé ce drame … et qui en cause bien d’autres. A travers le regard de ce petit être qui vit en harmonie parfaite avec la nature et qui souffre lorsqu’elle souffre, nous prenons pleinement conscience de l’impact néfaste que nous autres humains avons sur cette nature, sur la biodiversité. A vouloir produire toujours plus, toujours plus vite, toujours plus facile, nous appauvrissons, desséchons, épuisons, assassinons la terre. Au nom de quoi ? L’argent, bien évidemment. Pour s’enrichir toujours plus, des laboratoires de produits phytosanitaires peu scrupuleux vont jusqu’à fournir aux agriculteurs les plus crédules ou fauchés des pesticides et désherbants « miracles » qui font certes des merveilles contre les insectes et herbes indésirables, mais qui appauvrissent tant et si bien le sol que ces paysans leur mangent ensuite dans la main quand ils leur proposent des fertilisants « miracles » pour résoudre ce problème … Nous avons souvent tendance à accuser les agriculteurs, mais ce roman nous rappelle que bien souvent, ce sont eux les premières victimes de ce système infernal, de cette quête incessante au rendement, à la productivité, à la compétitivité. Ils sont bien souvent les premiers à mourir à petit feu à cause de ces poisons qu’ils sont obligés de déverser dans les sols s’ils veulent avoir une chance de rembourser leurs prêts bancaires, s’ils ne veulent pas finir au bout d’une corde après avoir perdu les terres familiales …

Tout comme nous, Krog s’est laissé prendre au piège des évidences : c’est au vigneron qu’il en veut, viscéralement, c’est lui qu’il tient responsable de tous ses malheurs. C’est de lui dont il veut se venger. Difficile de lui en vouloir, on comprend bien sa peine et sa colère … Mais bien sûr, les choses ne vont pas se passer tout à fait comme prévu ! Car même si j’ai avant tout mis l’accent sur le message écologique qui se cache derrière ce roman (car vous le savez, c’est une cause qui me tient à cœur, et j’aime mettre en valeur les messages que nous transmettent les histoires), il ne faut pas oublier que c’est avant tout un roman que nous offre l’auteur ! Un roman riche en rebondissements et en révélations qui vous fera passer par toute la gamme des émotions, du « do » de la peur au « si » de la joie en passant par le « fa » de la surprise et le « ré » de la tristesse … Comme tout bon conte de fée qui se respecte, celui-ci fait vibrer en nous cette petite corde de l’imaginaire et du rêve, cette petite corde qui nous relie à l’invisible et au mystérieux : qui ne s’est jamais demandé d’où venaient ces petits cercles d’herbe autour des arbres de la forêt, qui ne s’est jamais demandé à quoi servaient les aigrettes de pissenlit que tous les enfants aiment tant souffler au vent ? Et comme tout bon récit de fantasy qui se respecte, celui-ci joue du tambourin avec notre cœur qui s’emballe lorsque notre brave Krog se lance dans sa quête ou découvre une incroyable vérité …

En bref, vous l’aurez bien compris, je suis vraiment tombée sous le charme de ce « conte éco-féérique » qui m’a fait sourire, pleurer, trembler, sursauter … Je me doutais bien que j’allais l’aimer, cela ne faisait pas le moindre doute, mais je ne m’attendais tout de même pas à être aussi émerveillée par ce bref petit roman qui nous invite à voir notre monde à travers le regard d’un membre du Petit Peuple ! Et qu’est-ce qu’il est beau, notre monde, qu’est-ce qu’il est riche, qu’est-ce qu’il est vivant ! A condition, bien sûr, que nous ne l’étouffions pas sous nos dalles de bétons, que nous ne le noyions pas sous nos torrents de produits chimiques, que nous ne l’asphyxions pas de nos gaz à effet de serre. A condition, donc, que nous prenions soin de lui autant qu’il prend soin de nous. A condition que nous soyons aussi courageux que ce brave petit Krog qui, accompagné de son fidèle petit compagnon hérisson et de ses nouveaux amis, va braver tous les dangers et les interdits pour faire changer les choses une bonne fois pour toute … car « on n'est jamais trop petit pour faire une différence », comme le dit la jeune Greta ! Guilhem Meric nous offre donc ici un récit qui ravira petits et grands, à lire et faire lire à ceux et celles qui aiment rêver ainsi qu’à ceux et celles qui aiment notre douce Terre …

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