Cycle 5, tome 3 : La première bataille
Editeur : Pocket Jeunesse (PKJ)
Nombre de pages : 347
Résumé : Tonnerre a fui le camp de Ciel Bleu pour retourner dans la lande avec Gris Poil. Cependant, les rivalités entre les chats de la forêt et les chats des landes sont de plus en plus fortes. Pour Gris Poil, une entente entre les deux groupes est possible, mais Ciel Bleu ne voit pas les choses de la même manière. Ce qui n’était qu’un malentendu se transforme alors en un véritable conflit. Maintenant, tous les chats vont devoir choisir un clan...
« Tue-moi, lança-t-il à Ciel Bleu d'une voix rauque. Tue-moi, que ce souvenir te hante jusqu'à la fin de tes jours. Ensuite, tu diras aux étoiles que tu as gagné. »
Autant pour les séries télévisées, je ne suis pas adepte du binge-watching si propre à notre époque, préférant me contenter d’un seul et unique épique chaque jour, quitte à mettre une année entière à terminer une série … autant pour les sagas littéraires, j’ai globalement cette tendance à vouloir dévorer tous les tomes d’un coup sans être capable de m’arrêter. C’est vraiment la première année où j’essaye d’appliquer à la lecture la même modération que celle que j’ai pour les séries … et pour l’instant, ça me réussit plutôt bien ! Contrairement à ce que je craignais, même en intercalant trois ou quatre livres entre chaque tome de La guerre des clans, je ne perds pas le fil de l’intrigue, et même si l’envie de me jeter directement sur le tome suivant reste assez vivace au moment de tourner la dernière page, je me rends compte que l’attente ajoute vraiment un petit quelque chose au plaisir de découvrir enfin la suite. Il n’empêche, ce fonctionnement m’a fait prendre conscience d’une chose : le seul véritable défaut que je puisse trouver à cette saga, c’est que chaque tome se lit beaucoup trop vite, on vient à peine de le débuter qu’il est déjà terminé, quelle tragédie !
Effaré par la cruauté de son géniteur, qui vient d’exiler un de ses « camarades » parce qu’il est blessé et donc « inutile », le jeune Tonnerre quitte le campement de Ciel Bleu et rejoint celui de son oncle Gris Poil. Déjà très vivaces, les tensions entre les chats de la forêt et ceux des landes sont plus fortes que jamais … Tandis que Ciel Bleu, grisé par la crainte qu’il fait naitre et avide d’assoir toujours plus son autorité, entraine les siens à devenir toujours plus forts et féroces pour protéger farouchement un territoire qu’il ne cesse d’étendre, Gris Poil, toujours persuadé qu’il ne s’agit que d’un terrible malentendu et que son frère n’a pas pu devenir le tueur sanguinaire que tous décrivent, tente de convaincre ses compagnons que la violence ne devrait jamais être la solution, et propose de rencontrer son frère pour tâcher de lui faire entendre raison … Et alors qu’il devrait se consacrer corps et âme à préparer ce rendez-vous dont dépendra l’avenir des siens, Gris Poil est terrassé par les malheurs qui s’abattent coup sur coup sur ceux qu’il aime. Saura-t-il, malgré la peine et la douleur, se dresser fermement face à son frère afin de le faire revenir à la raison ?
J’ai toujours affirmé que La guerre des clans était bien loin de n’être « qu’une histoire de chats », et chaque cycle me conforte un peu plus dans cette opinion : ce que nous raconte cette saga, ce ne sont pas seulement les aventures plus ou moins tumultueuses de félins sauvages. En arrière-fond se cachent toujours des réalités bien plus « humaines », bien plus proches de notre propre existence que nous pouvons bien l’imaginer au premier abord … C’est d’ailleurs pour cela que nous nous attachons tant à l’un ou l’autre personnage, que nous nous sentons aussi proche de lui alors qu’il est un chat et que nous sommes humains. C’est d’ailleurs pour cela également que certains reprochent à la saga de sombrer trop fréquemment dans l’anthropomorphisme. Pour ma part, clairement, je ne vois pas cela comme un défaut mais bien plutôt comme une richesse : les autrices ne se contentent pas de nous faire rêver, elles nous invitent également à réfléchir. Elles nous appellent à ne pas se fier aux seules apparences mais à voir au-delà, à ne pas juger seulement sur ce qu’on voit au premier regard mais à toujours creuser un peu plus profondément. C’est particulièrement flagrant dans ce tome, qui joue justement énormément sur ce que les personnages prennent pour des « évidences » alors que nous autres lecteurs voyons bien qu’ils ont absolument tout compris de travers … et agissent donc mal à propos.
Ainsi que l’annonce haut et fort le titre, nous voyons se profiler à l’horizon la première bataille. L’ombre de ce premier combat plane au-dessus de la forêt et des landes comme un lourd nuage chargé d’orage : sombre et menaçant, mais tardant à éclater. D’un côté, nous avons les compagnons de Gris Poil, effrayés par la soif insatiable de Ciel Bleu d’étendre toujours plus son territoire, effrayés à l’idée qu’il ne vienne les déloger par la force de leur campement où s’égaillent joyeusement d’innocents petits chatons. Tiraillés par la peur, ils ne voient qu’une seule solution : attaquer les premiers, prouver qu’ils ne sont pas faibles et qu’ils ne laisseront personne les chasser de chez eux. Et de l’autre, nous avons Ciel Bleu. Ciel Bleu que nous avons tendance, nous aussi, à ne voir que comme un chat d’un égoïsme et d’un orgueil et d’une ambition démesurés, que nous avons tendance à ne considérer que comme un tyran sans cœur qui ne se délecte que de la peur qu’il inspire et du territoire qu’il possède … Mais ainsi que le dit très sagement Tonnerre, nous comprenons progressivement que ce qui dicte les actes cruels de Ciel Bleu, c’est bien et bien la peur. Ciel Bleu a été tellement profondément marqué par la famine dans les montagnes qu’il se laisse aveugler par cette terreur de revivre à nouveau cette situation … et comme chez les humains, « la peur fait ressortir le pire en nous ».
Gris Poil, aveuglé quant à lui par l’amour qu’il porte envers et contre tout à son frère, est donc convaincu qu’il suffit de rassurer Ciel Bleu pour mettre fin à cette escalade de mépris et de méfiance qui empoisonne chaque jour un peu plus les cœurs de chaque clan. J’ai beaucoup de respect, mais aussi beaucoup de peine, pour Gris Poil : j’admire sa volonté farouche d’éviter les conflits meurtriers, sa volonté de résoudre ce qu’il estime encore n’être qu’un malentendu par la parole et non pas les griffes … mais je ne peux m’empêcher de le plaindre, car sa bonté le pousse à une naïveté qui risque de lui couter la vie, alors qu’il est tellement gentil, tellement dévoué. Car il ne faut pas se faire d’illusions, même si c’est terriblement triste à dire : chez les chats comme chez les humains, les doux et les généreux sont les premiers à tomber face à la haine et à la violence. Alors, même si on ne peut qu’approuver le projet fou de Gris Poil d’aller parlementer avec son frère pour tout arranger sans que le sang ne coule, on ne peut aussi que trembler d’effroi car nous savons bien que ses espoirs seront balayés d’un revers de la patte par la folie dévorante de Ciel Bleu. Comme si Gris Poil n’avait pas assez souffert comme cela, voici qu’il chemine sans même s’en rendre compte vers ce qui promet d’être l’épreuve la plus douloureuse de son existence, pauvre, pauvre Gris Poil !
En bref, vous l’aurez bien compris, je pourrais continuer encore longtemps comme cela : si les deux tomes précédents étaient déjà passionnants, celui-là est tout bonnement excellent. Il y a cette tension qui monte, doucement mais sûrement, qui fait que nous avons à la fois terriblement envie de poursuivre pour découvrir comment tout ceci va bien se terminer et atrocement peur de ce qui nous attend au bout du chemin car nous pressentons bien que quelque chose de vraiment terrible est sur le point de se produire ... Et il y a aussi tous ces petits indices qui nous prouvent, plus que jamais, que les Clans et le Code du guerrier tels que nous les connaissons sont vraiment à deux doigts d’éclore pour de bon. Il y a les rêves pour le moins étranges d’un chaton, il y a des noms qui ne trompent pas, il y a des similitudes grandissantes avec des situations bien connues du lecteur … La première bataille approche, pas forcément à grands pas, plutôt à pas de loup, inexorablement mais suffisamment discrètement pour ne pas pouvoir être évitée. Car il faut, malheureusement, en arriver là pour avancer : il fallait quelque chose de fort et de tragique pour faire pleinement prendre conscience aux protagonistes des erreurs qu’ils sont en train de commettre afin qu’ils soient pleinement convaincus qu’il faut à tout prix s’efforcer de ne plus jamais les reproduire à l’avenir … Il fallait du sang et des larmes pour les obliger à déchirer les œillères qui les aveuglaient encore. Déchirant, mais puissant.
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