Editeur : Robert Laffont
Nombre de pages : 483
Résumé : Devant la chute drastique de la fécondité, la république de Gilead, récemment fondée par des fanatiques religieux, a réduit au rang d'esclaves sexuelles les quelques femmes encore fertiles. Vêtue de rouge, Defred, servante écarlate parmi d'autres à qui l'on a ôté jusqu'à son nom, met donc son corps au service de son Commandant et de sa femme. Le soir, en regagnant sa chambre à l'austérité monacale, elle songe au temps où les femmes avaient le droit de lire, de travailler... En rejoignant un réseau secret, elle va tout tenter pour recouvrer sa liberté.
« Il est impossible de décrire une chose exactement telle qu'elle est, parce que ce que l'on dit ne peut jamais être exact, il faut toujours laisser quelque chose de côté, il y a trop d'éléments, d'aspects, de courants contraires, de nuances ; trop de gestes qui pourraient signifier ceci ou cela, trop de formes qui ne peuvent jamais être complètement décrites, trop de saveurs dans l'air ou sur la langue, de demi-teintes, trop. »
Ceux et celles qui me suivent depuis longtemps le savent désormais : je me méfie comme la peste des livres mondialement encensés et complimentés, des ouvrages unanimement honorés et récompensés, des romans universellement glorifiés et recommandés. Lorsqu’un mouvement de masse apparait autour d’un livre, lorsque le battage médiatique devient trop important, c’est plus fort que moi, une alarme s’enclenche dans ma tête et je me braque : attention, danger, repli immédiat. Derrière ce mouvement de recul intellectuel instinctif, je dirai qu’il y a en premier lieu la peur de passer complétement à côté, d’être le vilain petit canard boiteux au milieu de la foule innombrable hurlant au chef d’œuvre … Et ensuite, il y a justement cette révolte face à cette peur : depuis quand sommes-nous obligés d’apprécier un livre pour ne pas être le vilain petit canard, celui qui dénote, celui qui ne suit pas aveuglément la bien-pensance collective ? Vous allez peut-être me dire que j’en fais un peu trop, mais croyez-moi, j’ai déjà lu et entendu des jugements atroces vis-à-vis de ceux qui n’appréciaient pas un ouvrage jugé « extraordinaire » par la masse, comme si c’était criminel de ne pas apprécier un roman « profondément féministe » pour reprendre les termes de tous les critiques littéraires du moment …
Autrefois, Defred s’appelait June. Autrefois, Defred portait des jeans troués aux genoux. Autrefois, Defred filait le parfait amour avec Luke. Autrefois, Defred était l’heureuse maman d’une adorable fillette. Mais aujourd’hui, Defred n’est plus que Defred, engoncée dans sa robe écarlate qui ne laisse rien apparaitre, ses petits souliers rouges d’écolière modèle et son chaperon blanc l’empêchant de voir comme d’être vue. Aujourd’hui, Defred n’est plus qu’une Servante parmi tant d’autres, dépouillée de tout ce qui faisait son identité propre : sa seule mission, c’est de donner un enfant au Commandant et à l’Epouse auprès de qui elle a été affectée pour quelques années. Sa seule crainte, c’est d’endurer l’humiliation d’être envoyée ailleurs parce qu’elle a échoué à faire la seule et unique chose qui lui est demandé. Elle n’a rien d’autre à faire, rien d’autre à penser : tout est fait pour elle, et il faut penser le moins possible, disait la Tante Lydia. Mais Defred pense. C’est la seule petite rébellion invisible qu’elle peut se permettre, donc elle pense. Elle imagine, elle se souvient, elle raconte. Elle s’évade de ce quotidien morne et monotone, revit les bons et les mauvais moments de sa vie d’avant, lorsqu’elle était encore June avec ses jeans troués et sa petite fille serrée contre son cœur …
Ne faisons pas durer le suspense plus que nécessaire : je suis un vilain petit canard. Je n’ai pas aimé ce livre. Je ne l’ai pas non plus détesté. Disons plutôt qu’il m’a laissée parfaitement, absolument, totalement indifférente : je n’ai rien ressenti de plus ni de moins qu’en feuilletant un banal catalogue de bricolage. Tout au plus, on peut dire que j’ai ressenti une certaine forme de perplexité, de lassitude grandissante, d'engourdissement de l'esprit et du cœur, ce petit sentiment de vide intérieur qui fait naitre cette fameuse question : et alors quoi ? tout ça pour ça ? Au vue de l’engouement collectif, même si je n’espérais pas forcément ressentir un véritable coup de foudre, je m’attendais tout du moins à un récit quelque peu percutant, puissant … Et rien. Absolument rien. La platitude absolue. Je n’ai absolument rien contre les récits contemplatifs, bien au contraire, j’en suis généralement plutôt friande, mais alors là, pas moyen : je me suis ennuyée du début à la fin, tandis que la narratrice et personnage principale se perdait dans ses envolées pseudo-lyriques ou ses introspections pseudo-métaphysiques, dans ses descriptions pseudo-poétiques ou ses réminiscences mélodramatiques … Une page entière pour nous dire que l’œuf à la coque est blanc, que sa coquille est lisse, que le soleil émet de la lumière : non, décidément, trop c’est trop, j’avais envie de la secouer pour lui demander de raconter quelque chose d’intéressant, nom d’un petit bonhomme en mousse !
Car voilà où se situe le problème, en réalité : il n’y a pas d’intrigue, pas d’histoire. Cela ressemble plus à un interminable prologue, à une introduction qui se dilate sans fin. Il ne se passe absolument rien, du début à la fin : c’est long, c’est lent, c’est creux, c’est fade. On ne sait absolument pas où l’autrice veut en venir, si tant est qu’elle veuille en venir quelque part : elle dissémine par ci par là quelques explications éparses et confuses sur l’avènement de ce fonctionnement social et sociétal, elle dissémine par ci par là quelques résurgences du passé de Defred pour tenter de faire pleurer dans les chaumières en exposant tout ce qu’elle a perdu lorsqu’est née cette dictature de la fécondité, elle dissémine par ci par là quelques simulacres de « péripéties » qui ne sont finalement que des prétextes pour mieux exposer les interdits et les obligations … Au bout de cinq-cents pages, on en est toujours au même stade : finalement, il ne se passe quelque chose que dans les trois dernières pages, ce qui n’est clairement pas assez pour parler d’intrigue, mais un prologue de cinq-cents pages ne donne clairement pas envie de lire le « second tome » qui, si j’ai bien compris, se déroule quinze ans plus tard et ne reviendra peut-être même pas sur ce « retournement de situation » final … Et n’ayant pas du tout accroché avec le personnage de Defred, je n’ai même pas envie de savoir ce qui lui est arrivé : c’est rare que je me sente aussi détachée d’un personnage de roman, mais là, elle aurait pu être un pot de fleur que ça n’aurait rien changé …
Mais ce qui est le plus terrible, le plus dommage, finalement, c’est bien que tout le contexte dystopique sous-jacent était loin d’être inintéressant. Bien au contraire. Si beaucoup mettent bien évidemment en avant la question des libertés bafouées et des droits piétinés au nom du bien commun, sans oublier le statut de la femme qui n’apparait plus ici que comme un utérus sur patte destiné à repeupler la terre, parce que ce sont les thématiques qu’on aime aborder de nos jours, on peut justement y voir apparaitre en filigrane la question de la pollution et de ses conséquences, par exemple … Mais pour y voir tout ceci, en réalité, il faut creuser bien loin, il faut extrapoler, il faut déjà sortir du texte, car le texte en lui-même ne fait pas « honneur » à ces questions : il ne fait que les frôler, les effleurer, les survoler vaguement, au détour d’une énième description du couloir et de son tapis, au détour d’un énième flashback que l’on peine à distinguer du reste tant la narration est confuse. Dans « l’intrigue » comme dans le contexte, le problème est identique : c’est trop fade, trop insipide, et ça laisse ce petit arrière-gout amer d’inachevé. Pas d’histoire, un contexte à peine esquissé, une « héroïne » sans consistance et des descriptions interminables qui ne servent même pas à planter l’ambiance … c’est triste à dire, mais au bout de plus de quatre-cents pages à ce « rythme », j’ai vu la fin arriver avec grand soulagement.
En bref, vous l’aurez bien compris, j’avais beau m’être préparée à ne pas aimer autant que la majorité (car c’est souvent ce qui m’arrive avec les livres aussi plébiscités : je les trouve pas mal, mais sans plus), j’en attendais quand même plus que ce que j’ai effectivement trouvé, et j’ai oscillé entre perplexité et indifférence pour terminer sur une déception totale … Jusqu’à la fin, j’ai espéré que ce marasme sans enjeux allait céder la place à une véritable histoire qui donne envie de tourner chaque page pour savoir la suite, mais au final, je n’ai fait que tourner les pages par la force de l’habitude, tandis que l’espoir de voir l’intrigue surgir s’amenuisait progressivement. Jusqu’à la fin, j’ai espéré comprendre ce qui poussait tant de lecteurs à chanter les louanges de ce roman, mais arrivé à la fin, je n’ai toujours pas compris, bien au contraire, j’ai presque le sentiment d’avoir perdu mon temps (et je suis bien contente de l’avoir trouvé en bourse aux livres, je n’ai au moins pas l’impression d’avoir perdu mon argent). Alors oui, maintenant, je peux dire que j’ai lu cet ouvrage devenu classique, pour ne pas dire culte, je peux me consoler en me disant que j’ai nourri ma culture générale, mais c’est bien là la seule chose que je peux en retirer. Alors que je reste persuadée qu’il y avait du potentiel dans l’idée de ce futur qui semble pas si lointain que cela, mais la forme a fortement nuit au fond, d’une certaine manière …
C'est franc, tranchant et précis ! Merci en tout cas pour cette chronique très bien écrite. J'avais dans l'idée de lire ce livre un jour car "culte" comme tu dis, mais il n'est toujours pas arrivé.. lol
RépondreSupprimerJ'ai toutefois déjà essayé l'expérience Atwood par le biais de "Neuf Contes" un recueil que j'ai très rapidement abandonné car je n'étais ni saisie par la plume, ni emportée par le sens des récits.