Editeur : Faralonn
Nombre
de pages : 341
Résumé : 2279. La planète s’apprête à
traverser une crise sans précédent. L’ère de
l’immortalité touche à sa fin, embarquant les populations dans un tourbillon
d’interrogations, et les dirigeants dans des stratagèmes où l’éthique n’a pas
sa place. Deux personnages occuperont un rôle crucial à l’aube de ce nouveau
pan de l’Histoire. D’un côté Harold, usé par ses relations familiales et des
capacités qui le dépassent, de l’autre Jeanne, frustrée par son extraordinaire
absence de facultés. Au cœur de la forêt primaire, aux côtés de la dernière
tribu libre du monde, tous deux s’appuieront sur la Nature et le Vivant pour
trouver des réponses à leur quête de sens.
N.B. : Cette histoire se
déroule chronologiquement après Les Éphémères sont éternels, du même
auteur. Pour autant, les deux livres peuvent se lire indépendamment et dans
l’ordre qui vous plaira.
Un grand merci à Azelma
Sigaux pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace).
- Un petit extrait -
« Puis, au fond de ses entrailles, le garçon ressentit une douleur qui ne lui appartenait pas, et qui par sa violence le cloua au sol. D’un coup, une série d’images envahit son cerveau. D’abord, une scène montrant des hommes enchainés, fouettés, puis vendus. Ensuite, la vidéo d’une souris découpée vivante, patte par patte, sur ce qui ressemblait à un établi de laboratoire. Puis, celle d’un oiseau amaigri, mourant péniblement de faim. Un bosquet brûlant de l’intérieur sous l’effet des herbicides à peine déversés. Une femme s’immolant par le feu devant une entreprise. Un requin amputé de son aileron, chutant conscient, mais inerte, au fond de l’eau. Un arbre tronçonné. Une abeille désorientée, asphyxiée. Un enfant frappé. Un dromadaire s’écroulant de fatigue sous le poids de touristes obèses. Une foule de manifestants tentant d’échapper aux balles des policiers. Un blaireau violemment déterré par un chasseur et sa horde de chiens. Un enfant observant son père se faire exécuter en pleine rue. Une tribu d’indiens pendus à la branche d’un arbre. Un ours polaire dans un désert. […] Déjà terrifiants par eux-mêmes, les clips s’accompagnaient de sons, et surtout de sensations. Harold vivait les événements autant qu’il les voyait. Il étouffait en même temps que le poisson sorti de l’eau. Il agonisait comme l’homme assis sur cette chaise électrique. Il pâtissait tout autant que le grand chêne scindé en deux. »
- Mon avis sur le livre -
J’ai pour habitude de dire qu’il y a deux
types de romans : les « romans-intrigues » – dont le seul
objectif est de captiver le lecteur et lui faire vivre par procuration des
aventures palpitantes – et les « romans-messages ». Dans cette
seconde catégorie, l’histoire racontée n’est finalement qu’un prétexte : l’essentiel
n’est pas dans le récit, mais bien dans le message qui s’y cache. Puisque l’homme
s’obstine à fuir la réalité en se tournant vers la fiction, certains auteurs
ont bien compris qu’il fallait s’aider de la fiction pour dépeindre la réalité.
Pour ouvrir les yeux volontairement aveuglés de ceux qui refusent de voir la
réalité en face. Pour tirer la sonnette d’alarme : l’apocalypse n’existe
pas seulement dans les ouvrages et films de science-fiction, elle toque à notre
porte, elle se cache au cœur-même de notre quotidien … Il est loin le temps où
les auteurs pouvaient se contenter de divertir les foules : désormais, il
faut les avertir. Et cela, Azelma Sigaux le fait à travers chacun de ses
ouvrages, et c’est justement pour cette raison que je les aime tant ...
Après des siècles d’asservissement et de
dépendance volontaire au révolutionnaire sérum d’immortalité, les hommes
doivent faire face à la plus terrible des pénuries : le bogo, ce poisson
unique et increvable dont était tiré ce sérum d’éternité, est mort … Tandis que
dans les hautes-sphères, les puissants de ce monde – qui disposent bien évidemment
d’un stock personnel de Bogolux – piétinent allégrement toutes considérations
éthiques et morales afin d’assurer leurs arrières, les peuples se lamentent sur
leurs sorts sans se douter de ce qui les attend … Une nouvelle ère est sur le
point d’advenir. Sans le savoir, Harold et Jeanne vont se retrouver au cœur de
ces bouleversements. Lui, l’hyperempathique exténué par ses capacités
extrasensorielles qui lui pourrissent l’existence, et elle, mortelle dénouée de
tout don en quête de sens. Pour des raisons qui leur sont propres, tous deux
vont se retrouver sur la Terre d’Amande, cette île jusqu’alors préservée du
fléau humain, sur laquelle vit l’ultime tribu libre du monde. Sans le savoir,
ils vont devenir la voix de tous ces opprimés qui souffrent en silence …
Ayant beaucoup aimé le « premier tome »
(bien que, comme l’indique l’autrice, il est parfaitement possible de lire
celui-ci sans avoir lu Les éphémères sont éternels … mais personnellement, je vous le
recommande tout de même très chaudement), j’étais vraiment curieuse de
découvrir ce qui allait advenir maintenant que le sérum d’immortalité n’existe
plus. D’un côté, je voulais croire que l’autrice allait nous dresser le
portrait d’un futur « radieux », d’une humanité qui aurait appris de
ses erreurs pour reconstruire un nouveau monde plus harmonieux … mais je me
doutais que ce n’allait pas être le cas. En effet, bien que ça fasse un peu mal
au cœur de l’admettre, mais je sais bien que l’homme retombe aisément dans ses
pires travers. C’est donc un futur bien sombre que nous dépeint ici l’autrice :
un futur où les hommes, au nom de la sacro-sainte croissance économique qui
assure le petit confort des plus riches au détriment de la masse des plus
pauvres, recommencent à polluer et à piller les ressources naturelles de plus
belles. Un futur où les hommes sont prêts à tout … sauf à faire des efforts. Le
portrait n’est pas très reluisant, mais il est bien malheureusement très fidèle
…
Comme je m’y attendais, c’est donc un
véritable plaidoyer que nous offre l’auteur sous le couvert de la fiction … Un
plaidoyer en faveur de la nature, de notre Terre, de nos frères les animaux,
que nous décimons, que nous détruisons, que nous anéantissons sans vergogne pour
notre petit confort personnel. Tous ces opprimés silencieux, victimes de notre
soif de « toujours plus », de notre sentiment de supériorité, de notre
inconscience également. Car saccager ainsi notre planète, c’est nous conduire
nous-même à notre propre perte, c’est couper la branche sur laquelle on est
assis … « La plupart sait tout ça depuis longtemps, mais ne veut pas voir
la vérité en face. Les gens préfèrent l’ignorer, ou considérer les victimes
comme des objets insensibles. C’est plus simple comme cela. Sinon, ça
reviendrait à tout remettre en question … Y compris le mal qu’ils ont eux-mêmes
causé, indirectement ou non » : ces propos de l’Arbre, ils sont d’une
justesse inouïe. Ils décrivent bien l’engrenage infernal dans lequel nous
sommes enfermés. Nous savons pertinemment bien que la Terre ne pourra pas
suivre la cadence bien longtemps … mais comme pour y remédier, il faudrait
nous-mêmes faire quelques sacrifices, on se contente de hausser les épaules en
se disant qu’il est trop tard pour faire marche arrière et que, du coup, il faut
se contenter de profiter.
Ce livre ne nous apprend donc rien : il
ne fait que mettre en lumière, en évidence, en valeur, tout ce que nous
souhaitons volontairement occulter, oublier. Il nous oblige à faire face à nos
propres contradictions, à ôter nos œillères pour voir la vérité en face. Comme
Harold et Jeanne, ces deux jeunes gens perdus qui ont fini par trouver le sens
de leur existence, l’autrice se faire la porte-parole de la Terre, des animaux,
de ces hommes, femmes et enfants qui subissent nos lubies d’hommes « civilisés ».
Et par la même occasion, elle nous rappelle tout ce que la nature a à nous
offrir : l’émerveillement et l’apaisement, la beauté et la sérénité, la
sagesse et la simplicité. Certains passages m’ont tiré les larmes aux yeux :
ce moment où Harold – dont je me sens
très proche vu que je suis hypersensible, et donc régulièrement « agressée »
par les émotions environnantes qui me submergent et m’angoissent – trouve la
paix en s’appuyant contre un arbre, ce moment où il a aidé une maman fourmilier
à retrouver son bébé … Des petits instants de grâce qui s’opposent par leur
douceur à tous ces passages qui nous relatent la cruauté humaine : quand
les soldats oppriment ce peuple innocent et insouciant dans leur quête d’un
nouveau bogo, quand ces mêmes soldats « foncent dans le tas » et
déracinent des centaines d’arbres en écrasant des milliers d’êtres vivants pour
ne frayer un chemin dans la jungle …
En bref, vous l’aurez bien compris, ce n’est
pas un livre que l’on peut aimer pour son potentiel « romanesque »,
mais que j’ai personnellement apprécié pour son message, puissant et percutant,
et pour la façon dont il a été brillamment amené sous cet « enrobage »
fictionnel. C’est un roman qui fait – malheureusement – écho à notre actualité socio-économico-politique
et écologique … mais également à mes convictions, car c’est un roman en faveur
de la protection de l’environnement et des animaux, en faveur également d’une
humanité plus humaine, où personne ne sera plus opprimé par son voisin, où
chacun sera véritablement respecté. Et même si l’histoire n’est finalement qu’un
prétexte, comme je le disais plus haut, il n’empêche qu’elle est très bien
menée : les deux personnages principaux sont vraiment attachants, la
tension enfle progressivement jusqu’à l’apothéose finale, et la plume de l’autrice
est vraiment belle. C’est donc un livre qui fait passer un agréable moment de
lecture tout en éclairant les consciences, en ouvrant les cœurs à cet appel des
Silencieux qui n’en pensent pas moins …
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