samedi 11 septembre 2021

La voie des oracles, tome 3 : Aylus - Estelle Faye

La voie des oracles3, Estelle Faye

Aylus

 Editeur : Scrineo

Nombre de pages : 316

Résumé : En modifiant les fils du temps, Thya a changé l'Histoire. Vingt ans après, grâce aux conseils de la mystérieuse Oracle Brûlée, Aylus est devenu Empereur. Il règne à Rome en basant toutes ses décisions sur la divination et s'entoure d'oracles plutôt que de conseillers. À Rome vit Thya la Jeune, la fille de Gnaeus dans ce nouveau monde. Arrachée à son père à cause de ses dons de divination, la jeune femme est tourmentée par des rêves qui la hantent chaque nuit. Des rêves dans lesquels le monde est différent... Un monde où les devins n'ont pas pris l'Empire...

 [Attention : Ce livre est le troisième tome d’une trilogie, cette chronique contient donc des spoilers sur la fin du deuxième opus !]

 

- Un petit extrait -

« Mais elle comprenait enfin la vraie nature de l’avenir. Ce n’était pas le terrain de jeu des dieux, ou du hasard, ce n’était pas un labyrinthe d’énigmes. C’était ce que les hommes en feraient. Ce qu’elle et tous les autres en feraient. »

- Mon avis sur le livre -

 Je suis bien obligée de le reconnaitre, de l’admettre, de vous le confesser : je suis une lectrice pleine de contradictions … Je suis hypersensible et suis tout simplement incapable de regarder le journal télévisé car certaines images de notre monde désolé entrainent des crises de larmes, mais je reste profondément attirée par les récits bien poignants et parfois même bien violents et sanguinolents. J’aime connaitre le fin mot d’une histoire et désire donc ardemment lire au plus vite le dernier opus d’une saga, mais je déteste viscéralement devoir quitter personnages et univers d’une saga adorée. Et surtout … j’aime énormément partager mes lectures, mais je me sens souvent bien incapable de trouver les mots justes pour vous transmettre l’amour que je ressens pour certains livres. Plus j’ai aimé un livre, moins j’arrive à en parler : quel terrible paradoxe ! Mais pas question de se laisser abattre : armée de mon fidèle dictionnaire des synonymes (qui me suit vaillamment depuis le collège), je vais tâcher de vous expliquer pourquoi vous devez absolument découvrir La voie des oracles !

Il y a vingt ans de cela, Thya – que tous connaissent désormais sous le titre d’Oracle Brulée – a transformé l’histoire. Littéralement. En sauvant son oncle, elle a bouleversé le destin de tout un monde : Aylus est devenue empereur de cette nouvelle réalité, il a réprimé la religion chrétienne naissante et a choisi de s’entourer d’oracles plutôt que de conseillers. Thya la jeune, sa nièce, est sa plus grande fierté et son héritière. Mais la jeune divinatrice est hantée par de mystérieux rêves, qui ne sont ni des visions prémonitoires ni de simples songes anodins … Ils lui font découvrir des lieux inconnus mais qui lui semblent pourtant si familiers, lui font rencontrer des personnes qu’elle connait depuis toujours mais ne ressemblent pourtant pas à ceux qu’elle connait. Comme des souvenirs d’une vie qu’elle aurait pu vivre, dans un autre monde, dans un autre présent, si les choses avaient été différentes … Le retour inopiné de l’Oracle Brulée, son héroïne, celle sans qui Aylus ne serait pas devenu empereur, celle sans qui l’Empire ne serait pas devenu ce qu’il est, ouvre la voie à un nouveau bouleversement …

Il faut reconnaitre qu’Estelle Faye ne manque pas d’audace ! Vous en connaissez beaucoup, vous, des auteurs qui rembobinent allégrement l’histoire pour la reprendre « de zéro » dans le troisième tome de leur trilogie ? Pour ma part, c’est probablement la première fois que je vois ça dans une saga de fantasy, et je suis tout simplement ébahie par ce revirement uchronique ! Ne vous êtes-vous jamais demandé ce qu’aurait pu être l’Histoire « si » une chose, une toute petite chose, avait été différente ? Ne vous êtes-vous jamais demandé quelles seraient les conséquences d’une seule et unique divergence dans la trame du Temps ? S’il était possible de modifier le passé, nul doute qu’on aurait envie de le faire pour étouffer dans l’œuf les plus sombres périodes de notre histoire. C’est ce que la Thya des premier et deuxième tome a voulu faire : pour sauver son aimé, son oncle, son père, son frère, pour sauver aussi toutes les divinités anciennes écrasées par le christianisme naissant, la jeune femme a remonté le fils du temps et a redessiné le passé. Et par la même occasion, dans une chaine de causes à effets incontrôlée, elle a remodelé l’avenir de l’Empire tout entier.

Mais « à vouloir changer le passé, c’est le futur qu’on met en péril », nous met en garde la quatrième de couverture. Ce nouveau futur est-il vraiment meilleur que celui qu’elle a ardemment souhaité effacer ? Dans cette nouvelle trame de l’Histoire, et de l’histoire, nous retrouvons les personnages que nous avons côtoyés pendant deux tomes entiers … mais pourtant, ce ne sont pas tout à fait les mêmes. Aylus, qui donne son titre à cet opus, est devenu un empereur tyrannique et colérique, si différent de l’homme qui nous touchait si profondément auparavant. Au contraire, Aedon, si avide de pouvoir et de vengeance précédemment, est ici un jeune homme avide de justice et prêt à tous les sacrifices pour mettre fin au règne impitoyable de son oncle. Et si nous retrouvons chez Thya la jeune, Héritière de l’Empereur Devin, cette force qui caractérise son homonyme, force est de constater que la jeune fille choyée par son oncle est plus passive que son alter-ego. Enoch est sans doute celui qui est resté le plus « fidèle à lui-même » : toujours aussi charmeur et séducteur, toujours aussi taquin et rebelle … Reflets déformés de ceux qu’ils ont été, qu’ils auraient pu être, dans cet autre futur qui a été rayé de la carte. Reflets peut-être un peu moins consistants, car issus d’une déchirure contre-nature de la Trame du Temps.

Ainsi que le laisse présumer la couverture, bien plus sombre que les deux précédentes, avec ces reflets rouge vif qui évoquent le sang du sacrifice, et le blanc qui annonce la Mort, l’ambiance qui règne dans cet ultime opus est atrocement lourde. Il y a comme un avant-gout de fin du monde, comme si cette temporalité artificielle s’essoufflait et tombait en déliquescence. Il y a cette urgence, qui nous prend par les tripes et nous coupe le souffle. Au final, ce n’est plus tant le sort de nos jeunes héros qui nous importe, car ils ont beau être attachants, ils n’égalent pas ceux que nous avions suivi pendant deux tomes entiers, c’est vraiment le sort du monde qui est en jeu. Car on le sent au plus profond de nous-même, ce qui a été brisé doit être réparé : le temps doit reprendre son cours normal, l’altération majeure doit être corrigée. On s’en doute dès le début : Thya la jeune, cet Enoch, cet Aylus, cet Aedon et ce Mettius n’ont pas d’avenir. On n’ose pas s’attacher pleinement à eux car on sait qu’ils doivent retourner au néant pour laisser la « vraie » Histoire reprendre sa place légitime. Il y a donc tout au long de cet ouvrage une nostalgie poisseuse, comme si ce monde à l’agonie s’accrochait quand même à la vie avant de sombrer dans l’oubli ….

Vous l’aurez bien compris, ce troisième et dernier opus peut déconcerter au premier abord, il en rebutera sans doute plus d’un, mais pour ma part, j’ai clairement été convaincue par le tournant pris par l’intrigue. J’ai vraiment trouvé ce tome fascinant, peut-être moins palpitant que les précédents mais autrement plus poignant : certains passages m’ont vraiment émue, quand l’Oracle Brulée, « notre Thya », repense à « son » Enoch, mais aussi quand elle « redécouvre » son frère. Plus que jamais, la plume d’Estelle Faye m’a transportée : il y a ce petit quelque chose de profondément poétique dans ce style, ce petit quelque chose de profondément magique. Comme si l’autrice ouvrait pour le lecteur une porte vers l’Ailleurs, comme si elle lui tendait la main pour l’inviter à la suivre. Il y a dans ce volume, plus que dans les précédent, ce petit quelque chose d’onirique, d’aérien : c’est comme si l’autrice nous murmurait cette histoire à l’oreille durant notre sommeil pour guider nos rêves. C’est parfois dur, oui, mais pourtant, il y a cette douceur derrière. Cette douceur de l’imaginaire, qui berce et qui apaise. Oui, c’est vraiment une superbe trilogie de fantasy, que je suis vraiment très heureuse d’avoir enfin découvert et que je conseille fort volontiers, pour sa beauté et son originalité !

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