Editeur : La Martinière Jeunesse
Nombre
de pages : 330
Résumé : Sadie, 19 ans, s'est volatilisée. Pour West
McCray, journaliste à New York, il s'agit d'une banale disparition. Mais quand
il découvre que sa petite sœur, Mattie, a été tuée un an auparavant et que sa
mère a elle aussi disparu, sa curiosité est éveillée. West se lance alors à la
recherche de Sadie ... Sadie, elle, n'a jamais pensé que son histoire
deviendrait le sujet d'une chronique à succès. Elle ne désire qu'une chose :
trouver l'homme qui a tué sa sœur. Tandis que Sadie remonte la piste du tueur,
West remonte celle de Sadie. Et se dessine, progressivement, la figure d'un
homme – d'un monstre ! – qui pourrait bien frapper à nouveau... West
retrouvera-t-il Sadie à temps ?
Un grand merci aux éditions
La Martinière Jeunesse pour l’envoi de ce volume et à Babelio pour avoir rendu
ce partenariat possible.
- Un petit extrait -
« La fatigue est pire que l'ivresse. On dit des trucs qu'on n'a jamais voulu dire et quand on s'aperçoit qu'on n'aurait pas dû il est trop tard. »
- Mon avis sur le livre -
J’ai pour principe de ne jamais trop me
documenter sur un ouvrage avant de le lire : j’aime le découvrir sans
aucun apriori, sans aucun parti pris … Au moment de me plonger dans la lecture Sadie, je ne connaissais donc que son résumé, et
celui-ci était franchement aguicheur : un meurtre, une grande sœur en
quête de vengeance, une double-enquête sur fond de course contre la montre … C’était
franchement prometteur ! Mais il y a un « mais ». Contrairement
à ce qu’annonce le résumé, Sadie ne cherche pas seulement à se venger de « l’homme
qui a tué sa sœur » … mais bien aussi de « l’homme qui a abusé de sa sœur
et d’elle-même ». Et s’il y a bien une thématique que j’évite comme la
peste, c’est bien celle des abus sexuels ... Vouloir se servir d’un livre comme
« tremplin pour ouvrir la discussion », pourquoi pas, mais je pense
vraiment qu’il aurait fallu indiquer sur la quatrième de couverture que cette
thématique allait être abordée, pour ne pas prendre au dépourvu ceux et celles
que cette-dite thématique peut perturber. J’ai vaillamment été au bout de cette
lecture, vu que je l’ai reçu dans le cadre d’une Masse critique privilégiée,
mais je n’en ai clairement pas autant profité que si Sadie était purement et
simplement à la recherche du seul meurtrier de sa cadette !
Car tel est le point de départ de ce roman :
un an après la mort de sa petite sœur, Sadie disparait sans laisser la moindre
trace. Mattie était tout pour elle : leur mère, toxicomane, ne s’est
jamais réellement occupé d’elles et les a abandonnées quelques années
auparavant. C’est May Beth, la grand-mère de substitution des deux
adolescentes, qui contacte West McCray, journaliste, afin de lui demander de
retrouver Sadie avant qu’il ne soit trop tard. Car, dit-elle, « une autre
fille morte, je ne le supporterai pas », et que la police ne semble pas
prendre l’enquête au sérieux. Alors West suit les traces de Sadie, qui suit
elle-même les traces de celui qu’elle sait être le meurtrier de sa sœur : Keith,
ancien amant de sa mère … La jeune fille retrouvera-t-elle cet homme qui lui a
arraché son seul rayon de soleil ? Le journaliste parviendra-t-il à la
rattraper avant qu’un nouveau drame ne se produise ?
Le procédé est de plus en plus courant, mais
il est tout de même toujours efficace : Courtney Summers nous offre ici
une alternance de point de vue à chaque chapitre – ou presque. Tantôt, nous
suivons les pensées de Sadie, plongée dans son macabre road-trip à la poursuite
du meurtrier de sa sœur, tantôt nous suivons le podcast de West McCray,
journaliste appelé à la rescousse par la « grand-mère » des deux
adolescentes. Malgré quelques redondances assez ennuyantes qui n’apportent rien
de particulier au récit, j’ai beaucoup apprécié ce double point de vue :
toute mature qu’elle soit, Sadie n’a assurément pas le même regard qu’un
adulte, et les propos de West viennent parfois modérer – voir contredire – ce que
pense la jeune fille. D’un côté, nous avons donc Sadie, dont le cœur est
obscurci par un chagrin bien plus gros qu’elle, par une colère qui enfle
progressivement, bref, qui est poussée par ses émotions. De l’autre, nous avons
West, regard extérieur, qui découvre toute cette affaire avec un œil neuf, et
qui nous présente donc des faits presque objectifs – presque, car qui dans ce
monde peut se vanter d’être parfaitement objectif quand il parle ou écrit
quelque chose ?
Je dois bien l’admettre : j’ai eu
énormément de mal à me plonger dans cette histoire, atrocement longue à se
mettre en place. L’exposition s’éternise, on se demande quand l’action va
réellement se lancer. J’ai eu du mal à m’attacher à Sadie – qui est parfois
attendrissante, parfois franchement insupportable –, j’ai eu du mal à accrocher
avec le format « podcast » des chapitres dédiés à West – c’était une
bonne idée, mais ça ne l’a pas fait avec moi, je trouvais ça vraiment pas
naturel de lire ce que j’aurai du entendre. Je lisais donc un chapitre, je
reposais le livre, je le reprenais, je lisais sans conviction un nouveau
chapitre, puis faisais une pause … Et puis, soudainement, un soir, au moment d’aller
me coucher, sans crier gare, c’est arrivé : je n’arrivais plus à m’arrêter.
Il fallait que je sache. Si Sadie allait atteindre son morbide objectif. Si
West allait arriver à temps pour empêcher un nouveau désastre. Ce n’est à mes
yeux pas un vrai page-turner, mais c’est un bon roman à suspense qui nous donne
envie d’avancer, et surtout, d’aller jusqu’au bout. Même si c’est dur.
Car je ne vais pas vous mentir : c’est
dur. On parle tout de même d’une jeune fille d’une vingtaine d’années qui
projette de tuer quelqu’un pour venger sa sœur. On parle tout de même d’un homme
qui a tué une adolescente de treize ans, et qui gardent des « trophées »
portant le prénom de toutes les petites filles qu’il a abusé. C’est un livre
atroce, et cela d’autant plus qu’on sait pertinemment que la mention « inspiré
de faits réels » aurait toute sa place sur la quatrième de couverture. D’autres
blogueurs l’ont déjà mis en évidence : dans ce livre, rien n’est
clairement raconté, tout est sous-entendu, suggéré, évoqué à demi-mot. L’autrice
dit sans le dire, mais le lecteur comprend bien ce qu’elle veut transmettre. Et
d’une certaine façon, cela ne rend cette réalité que plus terrible encore :
on le sait, les victimes peinent à parler de ce qu’elles ont vécues, peine à
mettre des mots sur leur douleur. Ce livre l’exprime vraiment bien, je trouve. Par
cette retenue même, par ce silence, par ces révélations implicites. Parfois, le
plus important réside dans ce que l’on ne dit pas … Et c’est bien pour cela que
cette fin est à la fois frustrante et évidente : après un livre de
non-dits, cela semble tout naturel que Courtney Summers laisse une fin
suspendue.
En bref, vous l’aurez bien compris, mon avis
est clairement mitigé sur cette lecture. Objectivement, j’ai tendance à
admettre que c’est un bon livre, avec juste assez de suspense pour donner envie
de poursuivre sans pour autant banaliser la situation de la jeune Sadie. Le
format « retranscription de podcast » est intéressant, et les
chapitres de Sadie sont prenants et émouvants. Mais voilà, ça ne l’a pas fait
chez moi : déjà parce que la thématique abordée me rend incroyablement mal
à l’aise, et ensuite parce que je n’ai pas réussi à me plonger rapidement dans
le récit. C’est vraiment une histoire qui, pour être bouleversante, nécessite
que le lecteur parvienne à s’y plonger corps et âme, comme s’il était Sadie,
comme si Sadie était le lecteur. Sadie, ce pourrait être n’importe quelle jeune
fille, n’importe quel jeune homme, n’importe quel enfant négligé et abusé. Ce n’est
pas un mauvais livre, loin de là, mais ce n’est pas non plus un livre
excellent …
Ce livre
a été lu dans le cadre du Tournoi des 3 Sorciers
(plus
d’explications sur cet article)
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