Editeur : Actes Sud junior
Nombre
de pages : 230
Résumé : En Australie, et ce jusque dans les années
1970, des enfants aborigènes ont été retirés à leur famille pour être confiés à
des Blancs. Joshua, quinze ans, est l’un d’eux. Métis, il a grandi dans le
confort matériel et l’ignorance totale de ses vraies racines. Son univers est
bouleversé le jour où surgit Ruby, sa soeur de sang, qui elle a subi la
brutalité des foyers. Il est “abo”, et cette révélation arrive comme une
claque, un ouragan. Prisonnier des préjugés accolés à cette minorité ethnique,
Joshua se lance dans une quête de vérité qui l’emmènera dans l’Outback et sa
terre rouge. À la découverte de ses origines, d’une spiritualité et d’un art
ancestraux.
Un grand merci à lecteurs.com
pour l’envoi de ce volume dans le cadre des Explorateurs Young-adult.
- Un petit extrait -
« Les Blancs mettent des barrières et des clôtures autour de ce qu’ils ont acheté. Ils n’ont rien compris. Nous pensons, nous, que la terre appartient collectivement aux gens. Chacun a des droits et des obligations à son égard. Nous faisons tous partie du même monde. L’argent et la force ne vont pas dans le même sens. Nous refusons que les dollars et les armes soient les plus puissants. »
- Mon avis sur le livre -
Il faut que je me rende à l’évidence :
quand il s’agit des sélections des Explorateurs Young-Adult, le sort ne m’est
jamais favorable ! Inévitablement, je reçois un tout autre livre que les
deux que j’ai indiqué vouloir recevoir – qui sont généralement des ouvrages que
je rêve d’avoir car j’aime beaucoup l’auteur ou la maison d’édition ! Mais
ce n’est finalement pas bien grave : c’est un peu comme quand un ami vous
offre un livre que vous ne vous attendiez pas du tout à recevoir car il ne
correspond pas tout à fait à vos genres de prédilection, il y a cette curiosité
de découvrir une histoire que vous n’aviez pas réellement choisi de lire par
vous-même … Et il faut dire qu’une fois la surprise (et la petite touche de
déception) passée, j’étais vraiment impatiente de me plonger dans ce roman
inspiré de faits réels …
Joshua, quinze ans, a toujours su qu’il avait
été adopté : ce n’est pas difficile de s’en rendre compte, son teint étant
nettement plus halé (pour ne pas dire « sombre ») que celui de ses
parents et de ses camarades de classe. Mais ce qu’il ignorait, c’est qu’il
faisait partis des stolen generations, les générations volées : des centaines d’enfants Aborigènes
arrachés à leurs familles biologiques pour être placés chez des Blancs qui leur
offriront « généreusement » une éducation « digne de ce nom »
… Quand sa sœur ainée débarque brusquement dans sa vie pour lui apprendre cette
terrible réalité, c’est comme si le monde s’écroulait autour de lui. Perdu, il
ne sait plus ce qu’il veut vraiment : renouer avec ses origines au risque
de perdre l’affection de ses parents adoptifs, ou continuer à vivre dans l’ignorance
et perdre sa sœur nouvellement retrouvée ?
Je l’admets bien volontiers : avant ce
roman, je n’avais jamais entendu parler des stolen generations d’Australie … Il faut dire qu’il a fallu
bien longtemps pour que le scandale éclate au grand jour, et plus longtemps
encore pour que le gouvernement australien reconnaisse ses torts et s’excuse vis-à-vis
des populations Aborigènes pour tous les mauvais traitements dont ils ont fait
l’objet depuis la colonisation des Blancs. Le racisme ambiant que dépeint cette
histoire est tout simplement effarant, et cela d’autant plus qu’il est « entré
dans les mœurs », si l’on peut dire : en Australie, il y a d’un côté
les Blancs, « civilisés », et de l’autre les Abos, la racaille. Métisse,
Joshua n’a sa place nulle part : il est trop « foncé » pour les
Blancs, trop pâle pour les Aborigènes. A la frontière entre les deux mondes,
entre les deux peuples, entre les deux « races », il ne se sent ni
Blanc ni Abo … Tiraillé entre son amour pour ses parents adoptifs et sa volonté
de se rapprocher de sa sœur biologique, partagé entre son envie de poursuivre
le cours tranquille de son existence « bien rangée » et celle d’en
apprendre plus sur ses origines.
Et plus que tout, il s’interroge : au
fond, qui est-il ? Est-il le fruit de ses gènes aborigènes ou de son
éducation occidentale ? De qui est-il vraiment le fils : de celle qui
lui a donné naissance ou de celle qui s’est occupé de lui depuis l’âge de trois
ans ? C’est l’éternelle question de l’inné et de l’acquis, de la nature et
de la culture : s’opposent-elles, ou se complètent-elles ? L’irruption
de Ruby dans sa vie a brisé toutes ses certitudes : Joshua ne sait plus qui
il est, et encore moins qui il veut être. Alors il se laisse porter, cadet d’une
fratrie nouvellement reconstituée après douze ans de séparation, il suit le
mouvement, sans savoir ce qu’il attend de ce road-trip vers les terres
ancestrales de son peuple. Sur les traces de son enfance volée, aux côtés d’un
frère et d’une sœur qui ne sont finalement que de parfaits inconnus, plus noirs
que lui, plus déterminés que lui à enquêter sur leurs origines. Joshua, lui,
part plutôt en quête de son identité : il a besoin de savoir qui il est
aujourd’hui, et non pas qui était sa mère biologique … Mais il va
finalement trouver bien plus : la paix intérieure.
Si j’ai trouvé ce livre très intéressant,
tant par sa thématique que par les pistes de réflexion qu’il induit, je dois
admettre être un peu déçue par l’histoire : tout est trop simple et trop
rapide. Joshua accepte bien trop facilement les révélations de Ruby, une
parfaite inconnue, et il intègre bien trop aisément qu’il est un enfant volé,
il se plonge bien trop rapidement dans cette (en)quête effrénée … Sans oublier,
bien sûr, la facilité avec laquelle les deux adolescents obtiennent les
informations concernant leur famille biologique, la facilité avec laquelle ils
retrouvent le village de leur enfance. Tout cela vient briser le réalisme
introduit par le contexte historique : ce n’est plus crédible. Et du coup,
impossible de s’attacher réellement à Joshua, Ruby et tous les autres
personnages qui apportent leur point de vue sur l’histoire : ils sont
creux, vides, sans consistance autre que leur « rôle » dans l’intrigue.
Joshua est l’indécis, Ruby la fonceuse, Margaret la mère adoptive épleurée. Je
n’ai pas ressenti la moindre émotion en lisant ce livre, hormis l’effarement et
la colère de savoir que tout ceci s’est réellement passé. L’autrice est comme
restée à la surface de cette histoire, qui est finalement bien trop « neutre »
pour être émouvante.
En bref, vous l’aurez bien compris : j’ai
un avis clairement mitigé sur ce roman. Celui-ci a le mérite d’aborder une
thématique difficile et très rarement évoquée dans la littérature – jeunesse
comme adulte, d’ailleurs – … mais il a le défaut de ne pas immerger le lecteur
dans une histoire captivante et émouvante. Toutes les pseudos-difficultés qui
se dressent devant les protagonistes sont balayées d’un revers de manche, les
explications sont plus dignes d’un documentaire que d’un roman, et l’évolution
des personnages est bien trop rapide et artificielle pour attirer réellement l’intérêt
et la sympathie du lecteur. C’est un roman qui avait un grand potentiel – la
preuve en est que je l’ai dévoré en deux jours à peine – mais qui n’a pas su
totalement me convaincre, et j’en suis la première déçue, car le résumé me
promettait quelque chose de profondément poignant que je n’ai finalement pas
trouvé … Je le conseille toutefois pour le devoir de mémoire dont il se fait le
vecteur !
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