mercredi 13 novembre 2019

Stolen - Pascale Perrier


Stolen, Pascale Perrier

Editeur : Actes Sud junior
Nombre de pages : 230

Résumé : En Australie, et ce jusque dans les années 1970, des enfants aborigènes ont été retirés à leur famille pour être confiés à des Blancs. Joshua, quinze ans, est l’un d’eux. Métis, il a grandi dans le confort matériel et l’ignorance totale de ses vraies racines. Son univers est bouleversé le jour où surgit Ruby, sa soeur de sang, qui elle a subi la brutalité des foyers. Il est “abo”, et cette révélation arrive comme une claque, un ouragan. Prisonnier des préjugés accolés à cette minorité ethnique, Joshua se lance dans une quête de vérité qui l’emmènera dans l’Outback et sa terre rouge. À la découverte de ses origines, d’une spiritualité et d’un art ancestraux.

Un grand merci à lecteurs.com pour l’envoi de ce volume dans le cadre des Explorateurs Young-adult.

- Un petit extrait -

« Les Blancs mettent des barrières et des clôtures autour de ce qu’ils ont acheté. Ils n’ont rien compris. Nous pensons, nous, que la terre appartient collectivement aux gens. Chacun a des droits et des obligations à son égard. Nous faisons tous partie du même monde. L’argent et la force ne vont pas dans le même sens. Nous refusons que les dollars et les armes soient les plus puissants.   »

- Mon avis sur le livre -

Il faut que je me rende à l’évidence : quand il s’agit des sélections des Explorateurs Young-Adult, le sort ne m’est jamais favorable ! Inévitablement, je reçois un tout autre livre que les deux que j’ai indiqué vouloir recevoir – qui sont généralement des ouvrages que je rêve d’avoir car j’aime beaucoup l’auteur ou la maison d’édition ! Mais ce n’est finalement pas bien grave : c’est un peu comme quand un ami vous offre un livre que vous ne vous attendiez pas du tout à recevoir car il ne correspond pas tout à fait à vos genres de prédilection, il y a cette curiosité de découvrir une histoire que vous n’aviez pas réellement choisi de lire par vous-même … Et il faut dire qu’une fois la surprise (et la petite touche de déception) passée, j’étais vraiment impatiente de me plonger dans ce roman inspiré de faits réels …  

Joshua, quinze ans, a toujours su qu’il avait été adopté : ce n’est pas difficile de s’en rendre compte, son teint étant nettement plus halé (pour ne pas dire « sombre ») que celui de ses parents et de ses camarades de classe. Mais ce qu’il ignorait, c’est qu’il faisait partis des stolen generations, les générations volées : des centaines d’enfants Aborigènes arrachés à leurs familles biologiques pour être placés chez des Blancs qui leur offriront « généreusement » une éducation « digne de ce nom » … Quand sa sœur ainée débarque brusquement dans sa vie pour lui apprendre cette terrible réalité, c’est comme si le monde s’écroulait autour de lui. Perdu, il ne sait plus ce qu’il veut vraiment : renouer avec ses origines au risque de perdre l’affection de ses parents adoptifs, ou continuer à vivre dans l’ignorance et perdre sa sœur nouvellement retrouvée ?

Je l’admets bien volontiers : avant ce roman, je n’avais jamais entendu parler des stolen generations d’Australie … Il faut dire qu’il a fallu bien longtemps pour que le scandale éclate au grand jour, et plus longtemps encore pour que le gouvernement australien reconnaisse ses torts et s’excuse vis-à-vis des populations Aborigènes pour tous les mauvais traitements dont ils ont fait l’objet depuis la colonisation des Blancs. Le racisme ambiant que dépeint cette histoire est tout simplement effarant, et cela d’autant plus qu’il est « entré dans les mœurs », si l’on peut dire : en Australie, il y a d’un côté les Blancs, « civilisés », et de l’autre les Abos, la racaille. Métisse, Joshua n’a sa place nulle part : il est trop « foncé » pour les Blancs, trop pâle pour les Aborigènes. A la frontière entre les deux mondes, entre les deux peuples, entre les deux « races », il ne se sent ni Blanc ni Abo … Tiraillé entre son amour pour ses parents adoptifs et sa volonté de se rapprocher de sa sœur biologique, partagé entre son envie de poursuivre le cours tranquille de son existence « bien rangée » et celle d’en apprendre plus sur ses origines. 

Et plus que tout, il s’interroge : au fond, qui est-il ? Est-il le fruit de ses gènes aborigènes ou de son éducation occidentale ? De qui est-il vraiment le fils : de celle qui lui a donné naissance ou de celle qui s’est occupé de lui depuis l’âge de trois ans ? C’est l’éternelle question de l’inné et de l’acquis, de la nature et de la culture : s’opposent-elles, ou se complètent-elles ? L’irruption de Ruby dans sa vie a brisé toutes ses certitudes : Joshua ne sait plus qui il est, et encore moins qui il veut être. Alors il se laisse porter, cadet d’une fratrie nouvellement reconstituée après douze ans de séparation, il suit le mouvement, sans savoir ce qu’il attend de ce road-trip vers les terres ancestrales de son peuple. Sur les traces de son enfance volée, aux côtés d’un frère et d’une sœur qui ne sont finalement que de parfaits inconnus, plus noirs que lui, plus déterminés que lui à enquêter sur leurs origines. Joshua, lui, part plutôt en quête de son identité : il a besoin de savoir qui il est aujourd’hui, et non pas qui était sa mère biologique … Mais il va finalement trouver bien plus : la paix intérieure.

Si j’ai trouvé ce livre très intéressant, tant par sa thématique que par les pistes de réflexion qu’il induit, je dois admettre être un peu déçue par l’histoire : tout est trop simple et trop rapide. Joshua accepte bien trop facilement les révélations de Ruby, une parfaite inconnue, et il intègre bien trop aisément qu’il est un enfant volé, il se plonge bien trop rapidement dans cette (en)quête effrénée … Sans oublier, bien sûr, la facilité avec laquelle les deux adolescents obtiennent les informations concernant leur famille biologique, la facilité avec laquelle ils retrouvent le village de leur enfance. Tout cela vient briser le réalisme introduit par le contexte historique : ce n’est plus crédible. Et du coup, impossible de s’attacher réellement à Joshua, Ruby et tous les autres personnages qui apportent leur point de vue sur l’histoire : ils sont creux, vides, sans consistance autre que leur « rôle » dans l’intrigue. Joshua est l’indécis, Ruby la fonceuse, Margaret la mère adoptive épleurée. Je n’ai pas ressenti la moindre émotion en lisant ce livre, hormis l’effarement et la colère de savoir que tout ceci s’est réellement passé. L’autrice est comme restée à la surface de cette histoire, qui est finalement bien trop « neutre » pour être émouvante.

En bref, vous l’aurez bien compris : j’ai un avis clairement mitigé sur ce roman. Celui-ci a le mérite d’aborder une thématique difficile et très rarement évoquée dans la littérature – jeunesse comme adulte, d’ailleurs – … mais il a le défaut de ne pas immerger le lecteur dans une histoire captivante et émouvante. Toutes les pseudos-difficultés qui se dressent devant les protagonistes sont balayées d’un revers de manche, les explications sont plus dignes d’un documentaire que d’un roman, et l’évolution des personnages est bien trop rapide et artificielle pour attirer réellement l’intérêt et la sympathie du lecteur. C’est un roman qui avait un grand potentiel – la preuve en est que je l’ai dévoré en deux jours à peine – mais qui n’a pas su totalement me convaincre, et j’en suis la première déçue, car le résumé me promettait quelque chose de profondément poignant que je n’ai finalement pas trouvé … Je le conseille toutefois pour le devoir de mémoire dont il se fait le vecteur !

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