Editeur : Lynks
Nombre
de pages : 189
Résumé : Il y a le phare, où Mem mène une existence
de captive, coincée entre son frère Sam et l’inquiétant Joris. Il y a le
quotidien, morne et gris, la peur au ventre, peur d’être frappée, peur de
prononcer un mot interdit, peur de déployer ses ailes, et qu’elles lui soient
arrachées. Il y a le rêve, aussi, toujours le même, qui l’aide à tenir le coup.
Jusqu’au jour où le refuge du trio est attaqué. Libre presque malgré elle, Mem
s’en va sans un regard en arrière ...
Un grand merci aux éditions
Lynks pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu
ce partenariat possible.
- Un petit extrait -
« Apprendre. C'est comme une faim. Mieux que la faim. Si je pouvais dévorer les mots pour les enfermer dans mon corps, je le ferais. »
- Mon avis sur le livre -
Quand il y en a plus … il y en a encore !
A chaque fois que je viens à bout de ma (toute) petite pile de services presse,
un petit paquet m’attend sagement dans la boite aux lettres, à croire que ma
factrice m’espionne pour savoir quand poster les colis ! L’avantage de ce « chassé-croisé »,
c’est que je suis beaucoup moins angoissée que lorsque les livres arrivaient
tous en même temps : pas besoin de jongler avec les dates butoirs et
plannings de publication, les lectures et chroniques s’enchainent tout
naturellement par ordre d’arrivée … C’est ainsi que, quelques jours à peine
après être entré sur les étagères, Memory en est ressorti car son tour était venu de
venir se frayer une petite place dans mon cœur de lectrice. Car croyez-le ou
non, mais je n’oublie jamais un livre : il y a toujours un petit quelque
chose, une phrase, une émotion, une réflexion, qui reste à jamais gravé dans ma
mémoire …
Cela fait des années que Mem vit enfermée
dans le Phare, avec pour seule compagnie son frère Samuel et le cruel Joris qui
la battent quotidiennement. Des années que son quotidien se résume à la faim, à
la douleur, à la peur, à la servitude. Car elle n’est rien d’autre que Mem. La
petite Mem, toute juste bonne à faire la cuisine, la vaisselle, la lessive, le
ménage, à obéir et à se taire. A oublier. Oublier ce que veut dire « rêver »,
« mère », « pourquoi », « avant ». Tous ces mots
interdits, bannis, dangereux, qui dansent dans son esprit mais qui ne doivent
jamais passer la barrière de ses lèvres gercées par la mer et le froid. Jusqu’au
jour où les Autres attaquent le Phare, lui offrant la liberté qu’elle n’a
jamais connue, jamais cherchée. Poussée par une envie irrésistible qu’elle ne s’explique
pas, Mem fuit le Phare et s’élance vers l’inconnu. Sans un regard en arrière,
sans une once de regret. Elle le sent, là-bas, elle trouvera les réponses aux
questions qu’elle ignore encore se poser …
Au collège, on nous apprend que l’incipit d’un
roman doit nécessairement apporter au lecteur les informations essentielles
pour comprendre le récit : où, quand, qui, quoi ? Ici, l’autrice se
joue des conventions et les balaye d’une vague : le lecteur est plongé
dans une délicieuse incertitude, tout comme dans un rêve. Il devine plus qu’il
ne sait. Alors il se laisse porter, sans trop savoir où il a mis les pieds,
sans trop savoir dans quoi il s’est engagé. Il se laisse guider par la petite
Mem, qui elle-même ne sait pas trop où elle va : jusqu’à présent, elle se
contentait d’obéir aux ordres, comme on lui a appris à le faire au Centre d’Apprentissage.
Livrée à elle-même, dans la plus parfaite des solitudes, Mem quitte ce Phare,
sa maison, sa prison, pour découvrir « ce qu’il y a, là-bas, derrière la
ligne des collines qui protègent le port ». Elle n’a d’autre envie que de
tourner le dos à ce lieu qui fut le témoin des coups et des insultes. Elle n’a
d’autre but que de savoir, enfin, ce qu’on lui a toujours caché.
Savoir. Apprendre. Tel est ce qui l’attend au
bout du chemin. Guidée par celle qui fut son institutrice, Mem se libère des
chaines qui l’entravaient et libère enfin les mots qui enflaient dans son cœur.
Ces mots chargés de peur et de peine, mais aussi d’espoir, ces mots interdits
qu’elle ne parvenait pas à oublier malgré les coups et les menaces, ces mots
dont elle comprend à peine le sens mais qui luttaient pour ne pas disparaitre
dans les méandres de l’oubli. Ces mots qui, petit à petit, enfin délivrés, font
ressurgir des souvenirs. « Avec les mots, on peut raconter toutes les
histoires du monde », explique Calipse à la petite fille qui découvre ce
qu’est un livre. Car dans ce futur où règne une dictature du travail et du
silence, les livres, la connaissance, les mots eux-mêmes ont été bannis pour
mieux contrôler le peuple. Et voici que Mem découvre tous ces mots interdits :
« rêve », « confiance », « liberté », « espérance ».
Elle apprend à voyager sans bouger, à rêver toute éveillée, tandis que les
signes sur le papier prennent vie dans sa tête. Mem apprend à lire.
Bien plus qu’un livre d’anticipation, c’est
donc bien une sorte de voyage initiatique que l’autrice nous invite à effectuer
aux côtés de Mem. Petite fille, adolescente ou jeune femme, Mem change d’âge et
de visage au gré des chapitres. Chaque pas la rapproche un peu plus de son passé,
ce passé qu’on a vainement tenté d’effacer mais qui ressurgit furtivement, une
bribe de souvenirs par-ci par-là, l’écho d’un visage, l’ombre d’une berceuse.
Sans ce passé qui se dérobe à elle, Mem n’est qu’une coquille vide : comment
savoir qui on est quand on ignore qui on a été ? Au gré des rencontres, au
fil également des mésaventures, Mem retrouve progressivement son identité, par
le pouvoir des mots et celui de la bienveillance. Et le lecteur jubile de la
voir, page après page, se révéler à elle-même, se retrouver elle-même. Jusqu’à
ce que son prénom s’impose à elle, comme une évidence : il a toujours été
là, mais elle n’a jamais réussi à le voir. Mais désormais, Mem sait qui elle
est, et elle sait également ce qu’elle doit faire …
En bref, vous l’aurez bien compris, j’ai
beaucoup aimé ce petit livre qui ne ressemble à aucun autre. Ce roman, c’est un
peu comme un songe : on se retrouve hors du temps et de l’espace, dans un
lieu et une époque qu’on ne peut déterminer avec précision … On est suspendu au
bord du vide, retenu par de simples mots qui nous racontent l’odyssée de la
petite Mem, qui nous happent et nous emprisonnent pour mieux nous émouvoir,
pour mieux nous transformer. Car on ressort de ce roman un peu changé de l’intérieur,
on a le sentiment un peu confus d’être détenteur d’un secret primordial, de n’être
que le relais d’un message crucial, qui se niche au fond de notre être, quelque
part, on ne sait où. C’est un récit à la fois dur et doux que nous propose
Christine Féret-Fleury, un récit très atypique mais surtout très important. Il
y a au creux de ce récit une véritable lettre d’amour à la littérature, un
hommage au pouvoir et à la magie des mots. C’est un roman plutôt déconcertant,
car il ne se laisse pas enfermer dans un genre ou dans des règles, mais c’est
vraiment un beau roman, alors n’hésitez pas …
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