Editeur : Castelmore
Nombre
de pages : 281
Résumé : Pour Naomi, adolescente timide et réservée,
rien ne va plus : elle est obligée de déménager pour suivre sa mère et son
copain à Dijon ! Au programme : maison délabrée, beau-père insupportable … et
nouveau collège. Comment se refaire des amis quand on n’ose pas parler ? La vie
perd toutes ses couleurs pour Naomi, jusqu’au jour où sa grand-mère lui offre
un kaléidoscope peu ordinaire… Lorsqu’elle regarde à travers, la jeune fille
voit des portes s’ouvrir sur des mondes inconnus et fabuleux, qui lui
promettent des heures d’évasion. Arbres aux mille secrets, créatures cruelles
et merveilleuses, nature changeante aux décors inconnus … À force de fuir la
réalité, Naomi ne risque-t-elle pas de se perdre un peu plus … ?
Un grand merci aux éditions Castelmore
pour l’envoi de ce volume et à la plateforme Babelio pour avoir rendu ce
partenariat possible.
- Un petit extrait -
« Et, soudain, un grésillement de panique remonte ma colonne vertébrale et se diffuse sur mon crâne.— Où est Diego ? […]— Il ne doit pas être loin…— Je te l’ai laissé à Paris ! Je ne l’ai pas pris chez Mamé !Ma panique croît, tourbillonne, ébranle le solide loquet qui boucle ma bouche depuis des heures. Le visage de maman se crispe.— Naomi, on a des dizaines de cartons à défaire. Christophe et moi, on s’est démenés pour préparer vos chambres à temps. J’ai dû ranger Diego ailleurs, c’est tout. En attendant, tu peux te débrouiller sans lui, non ?Elle pose sa question avec une intonation particulière, que je décrypte aisément : « À douze ans, tu as passé l’âge d’avoir un doudou, quand même ! »Soudain, c’est comme si le verrou qui me scellait les lèvres glissait dans ma gorge et s’y coinçait. Mes larmes montent et se pressent contre lui. Elles s’accumulent jusqu’à me faire mal. Je sais bien que c’est stupide, mais l’absence de ma panthère en peluche me donne l’impression de perdre les pédales. Retrouver Diego était la seule chose qui me donnait envie d’entrer dans cette maison. »
- Mon avis sur le livre -
Sur le rabat de la couverture de mon carnet d’écriture,
j’ai collé un post-it reprenant une citation de ce bon vieux Dumbledore : « Les
mots sont, à mon avis qui n'est pas si humble, notre plus inépuisable source de
magie. ». Je l’ai en effet exprimé à plusieurs reprises sur ce blog, et je le
redis aujourd’hui encore : à mes yeux, les auteurs sont de vrais magiciens.
Ils transforment de simples mots en portails vers d’autres mondes, ils
métamorphosent ces amas de lettres en véritables voyages au pays de l’imaginaire.
Ils nous offrent des moments d’évasion, des moments de pur bonheur en compagnie
de personnages que l’on a l’immense honneur de rencontrer et d’accompagner
durant quelques centaines de pages. Mais avec Kaleidoscope, Marie Caillet m’a offert quelque chose de
plus grand encore : elle m’a aidé à faire face à une vague de souvenirs
pas forcément agréables, que je cadenassais profondément au fin fond de ma
mémoire et qui continuaient pourtant à me hanter, à me faire mal. Ce livre n’a
pas guéri toutes mes blessures, bien loin de là, mais pour la première fois
depuis plus de dix ans, ces souvenirs se sont imposés à moi sans déclencher de
crise de larmes ou de panique … Et rien que pour cela, je remercie Marie.
Le petit monde de Naomi, douze ans, n’est
plus que chaos : non seulement ses parents ont divorcés, non seulement sa
mère s’est trouvé un nouveau petit copain, mais voilà que ce dernier a décrété
qu’il leur fallait prendre un nouveau départ et quitter la région parisienne
pour la Bourgogne ! Et comme si cela ne suffisait pas, Diego, sa panthère
en peluche, a disparu pendant le déménagement, et la rentrée scolaire a lieu
dans quelques jours à peine ! Un véritable cauchemar pour la timide
hypersensible qu’est la jeune fille ! Jour après jour, le monde semble
perdre toutes ses couleurs pour ne former qu’un déprimant camaïeu de gris …
Jusqu’à ce que sa grand-mère lui offre un très curieux Kaléidoscope lui
permettant d’explorer des mondes mystérieux et colorés, peuplés de fées et d’animaux
fabuleux. Désormais, Naomi sait comment s’évader de ce quotidien si effrayant …
Mais est-ce une si bonne chose que de fuir ainsi la réalité ?
Avec ce roman, Marie Caillet quitte son genre
de prédilection – la fantasy – pour nous offrir un contemporain saupoudré d’une
petite pincée de fantastique … ou plutôt
de poésie. Car le pouvoir du Kaléidoscope n’est finalement qu’un prétexte pour
guider Naomi dans la plus terrifiante des quêtes initiatiques : grandir. Car
tous les changements que vit la jeune fille – le divorce de ses parents, le
déménagement, la rentrée dans un nouveau collège – ne sont finalement que la
partie émergée du véritable bouleversement qui s’opère en elle : Naomi n’est
plus tout à fait une enfant, mais pas encore une adolescente. Elle se trouve à
l’effrayante frontière entre ces deux stades de la vie, et ne sait pas comment
la franchir. Car Naomi se sait, se sent, différente de tous ses camarades de
classe, qui semblent avancer dans la vie avec aisance tandis qu’elle-même est
dévorée par l’angoisse, par ses émotions exacerbées qui menacent à tout instant
de la submergée comme un tsunami. « J’ai l’impression que je ne sais pas
faire comme les autres. Que j’existe à moitié », dit-elle. Au collège,
pour éviter de revivre le même cauchemar que l’an passé, Naomi longe les murs,
se fait la plus discrète possible, tente à tout prix d’éviter les faux pas et
les impairs sociaux … Sans succès. Malgré tous ses efforts, les moqueries
commencent à s’élever sur son passage, et personne ne veut d’elle dans son
groupe d’amis …
J’ai rarement un livre aussi … juste. Ce que
Naomi décrit, j’aurai pu l’écrire, et cela m’a bouleversée. C’est comme s’il n’y
avait aucune barrière encore Naomi et moi, comme si nos deux identités s’étaient
fondues en une seule : en lisant les (més)aventures de Naomi dans son
nouvel établissement scolaire, je me suis revue, en cinquième, totalement
effrayée à l’idée de remettre les pieds dans un collège après le désastre de l’année
passée. Je me suis revue raser les murs, tenter de devenir invisible pour ne
pas attirer l’attention, tenter, aussi, de m’intégrer à un groupe pour ne pas être
toute seule – car être seule, au collège, signifie de facto être la cible
privilégiée de moqueries, de rejet collectif. Quand on est hypersensible, quand
on est anxieux, quand on est un peu différent, quand on est timide, le collège
devient rapidement synonyme d’enfer quotidien. Et cela d’autant plus qu’on ne
sait pas mettre les mots sur cette souffrance : on est mal dans notre
peau, mais on n’arrive pas à l’exprimer. Petit à petit, nos émotions nous
enferment dans une sorte de carapace … qui menace à tout instant de se fissurer
et de laisser déferler d’honteux torrents de larmes refoulés. Tout cela, Marie
Caillet l’exprime avec une justesse, une délicatesse et une puissance rares.
Et puis arrive le Kaléidoscope et ses mondes
colorés. Véritable rayon de soleil dans ce quotidien pluvieux. Grâce à cet
objet, si banal au premier abord, Naomi apprend à traquer le moindre éclat de
couleur, de lumière, qui lui permettra d’ouvrir un passage vers cet autre
monde, si enchanteur, qui lui permet de s’évader, de se ressourcer. De se
retrouver elle-même. D’apprendre à devenir elle-même, libérée de la peur et de
la peine qui l’assaillent dans la réalité. Ce livre, finalement, c’est une ode
passionnée à l’imagination, à ses pouvoirs, à ses bienfaits. Car contrairement
à ce qu’on dit souvent, se perdre dans des mondes imaginaires – par le biais du
Kaléidoscope pour Naomi, ou de la lecture pour d’autres, par exemple – n’est pas
forcément une mauvaise chose … Parfois, c’est l’imaginaire qui permet de se
relever, d’avancer. Parce que l’imaginaire offre une arme pour affronter la
dureté du monde, offre un refuge qui permet de reprendre des forces. Et aussi
parce que l’imaginaire nous confère un pouvoir, qui donne confiance en soi. L’imaginaire
n’est pas un piège ou un danger, mais bien au contraire un moyen de s’épanouir …
D’autant plus que, parfois, croire en l’imaginaire est ce qui permet de faire
de belles rencontres.
En bref, vous l’aurez bien compris, j’ai eu
un vrai coup de cœur pour ce petit livre incroyablement émouvant, admirablement
bien écrit, qui fait écho à ma propre histoire et apporte une vraie bouffée d’espoir.
Avec beaucoup de finesse et de douceur, Marie Caillet évoque la solitude et la
détresse d’une pré-adolescente perdue, qui ne sait pas où est sa place dans ce
monde qui lui semble si effrayant, qui ne sait pas encore qui elle est. Elle
évoque aussi la question du harcèlement scolaire, de la phobie scolaire, de la
timidité et de l’hypersensibilité, avec une justesse extraordinaire. Elle parle
également des grands bouleversements que peuvent connaitre beaucoup de jeunes :
divorce des parents, déménagement … Et surtout, elle nous fait rêver, avec
cette petite pincée de fantastique vraiment bien dosée, à la limite de la
poésie onirique. Vraiment, je conseille ce livre aux petits comme aux plus
grands, à tous ceux qui ont su garder leur âme d’enfant et à tous ceux qui
entre progressivement dans l’adolescence.
Ce livre
a été lu dans le cadre du Tournoi des 3 Sorciers
(plus
d’explications sur cet article)
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