Editeur : Hachette
Nombre de pages : 191
Résumé : « Une bête dangereuse rôde dans la montagne. Toute personne qui l’apercevra est autorisée à l’abattre. » Belle, une magnifique chienne des Pyrénées, est devenue l’ennemi public nº 1 ! Le village entier se ligue contre cette bête. Seul Sébastien, l’enfant né dans la solitude des sommets, s’est juré de la défendre et de la sauver, envers et contre tous.
« Et il la vit. Au-dessus de lui. Elle le regardait, et sa grande silhouette se détachait sur le bleu glacé du ciel … Sébastien s’essuya les yeux du revers de sa main. « Elle » était bien là, droite, immobile, sauf le panache de sa queue qui battait l’air. Une vapeur sortait d’entre ses babines entrouvertes qu’une longue ligne noire dessinait ; une autre fardait ses yeux dans la blancheur argentée de sa fourrure. Elle le voyait. Elle penchait la tête vers lui. Allait-elle sauter ? … Il ne ressentait plus qu’une peur, et s’il restait immobile, lui aussi, c’était parce qu’une force inconnue l’y obligeait, devant la bête qui le regardait. »
Enfant, j’ai tant et si bien regardé en boucle la série télévisée « Belle et Sébastien » avec le petit Medhi dans le rôle principal que les bobines des cassettes vidéo ont définitivement rendu l’âme au bout de quelques années. Heureusement, mes parents, prévoyants, en avaient acheté un second lot, pour que je puisse reprendre mon visionnage intensif, rembobinant urgemment à chaque fois que j’arrivais à la fin de la série. Plus tard, nous avons acheté les DVDs, moins fragiles en cas d’utilisation répétée comme la mienne. Aux côtés de « La petite maison dans la prairie », c’est vraiment LA série de mon enfance : aujourd’hui encore, je connais par cœur quasiment tous les épisodes, et avec l’accent des différents personnages en prime ! Autant vous dire que lorsque j’ai trouvé ce livre planqué au fin fond d’une étagère en préparant le déménagement, je n’ai pas pu me résoudre à le mettre dans un carton : il allait voyager avec moi et m’accompagner durant ce grand et terrifiant changement de vie !
Il y a six ans de cela, d’un drame est né un miracle : lorsque le vieux César a porté la jeune femme exténuée et frigorifiée dans le refuge du Grand Baou, tandis que la tempête rugissait au dehors, il ne pensait pas réussir à sauver l’enfant qu’elle portait … Mais Sébastien, adopté par le vieillard et par la montagne qui l’a vu naitre, est désormais un petit garçon plein de vie et d’espièglerie, de sauvagerie également : même la douce Angelina, la petite-fille de César qui s’est occupé de lui, n’a pas réussi à l’assagir, et l’enfant passe la plupart de ses journées à vagabonder dans les forêts et les pâturages. C’est là qu’il rencontre Belle, une magnifique chienne des Pyrénées réputée dangereuse, et que chacun au village rêve d’abattre … Mais Sébastien ne les laissera pas faire : il le sent, au plus profond de son être, au plus profond de son cœur et de son âme, Belle n’est pas méchante, bien au contraire. Et voilà qu’entre la « bête » sauvage et le petit effronté va naitre la plus belle, la plus grande et la plus pure des amitiés, envers et contre tout et tous !
J’ai bien conscience que, de la même manière que la série (en noir et blanc) est désormais considérée comme « ringarde » alors que le film de Nicolas Vanier est encensé de toutes parts (alors qu’il a complétement dénaturé l’essence même de cette fabuleuse histoire), nombre de lecteurs auront bien des critiques à faire à l’encontre de ce roman. Une histoire d’amitié entre un petit garçon sauvageon et un chien réputé dangereux et indomptable, c’est cliché, c’est niais, ça ne vaut même pas la peine de s’y pencher plus de deux secondes, le temps de se dire que le chien sur la couverture est quand même bien beau … Si vous voulez. Pour ma part, je ne me lasserai sans doute jamais de l’histoire de Belle et Sébastien, et il ne fait aucun doute que je relirai cet ouvrage au moins autant de fois que j’ai regardé la série ! Quel régal, vraiment, quel régal ! Je connaissais déjà l’histoire par cœur, mais cela ne m’a clairement pas empêché de la redécouvrir avec des yeux tout neufs, tant c’est une expérience totalement différente de la lire plutôt que de la voir se dérouler sur l’écran. Et cela d’autant plus que Cécile Aubry manie remarquablement bien les mots : c’est à la fois simple et sublime !
Ce que j’ai tant apprécié dans ce roman, c’est la vie qu’elle a réussi à y insuffler. Rien qu’en lisant, on entend les accents chantants des habitants de ce petit village de montagne, on ressent l’air pur qui descend des sommets des verts pâturages, on s’émerveille devant la beauté indicible de ces monts enneigés qui dominent les hommes. En quelques lignes à peine, nous sommes comme transportés à Saint-Martin, et c’est comme si nous y habitions depuis toujours : c’est un petit village où tout le monde connait tout le monde, et le lecteur s’y sent rapidement comme chez lui. On se prend vite d’affection pour le petit Sébastien, petit orphelin des montagnes, qui a grandi à l’écart des hommes sous la protection d’un vieux berger. Comment ne pas s’attacher à ce petit garçon à la fois si insouciant et si douloureusement conscient de ne pas être comment les autres enfants de son âge ? Comment ne pas souffrir avec lui lorsque les hommes, qui craignent toujours ce qu’ils ne connaissent et maitrisent pas, souhaitent abattre le seul être au monde dont le cœur résonne à l’unisson du sien : Belle, cette chienne qui a tant souffert de la folie des hommes mais qui, malgré tout, va renoncer à sa liberté pour se lier à ce petit enfant innocent ?
Car la vérité, c’est que derrière cette histoire apparemment « gentillette », pour ne pas dire complétement « gnangnan » pour reprendre l’expression de mon cousin quand il parle de la série, se cache des choses bien plus sombres, plus tragiques. Certains passages m’ont mis les larmes aux yeux, presque plus que la série elle-même, car Cécile Aubry profite de cette « retranscription » pour nous décrire les pensées et émotions des personnages. J’ai eu beaucoup de peine pour ce brave César, lorsqu’il craint avoir perdu dans l’avalanche ce petit enfant qu’il a sauvé à sa naissance, lorsqu’il voit son petit-fils se laisser entrainer dans les histoires louches de l’étranger Norbert sans savoir comment le raisonner sans le brusquer. J’ai sangloté comme une petite fille quand ce cher docteur Guillaume prend enfin son courage à deux mains pour demander Angelina en mariage sans se préoccuper des inévitables jaseries que fera naitre une telle union dans le village. J’ai eu le cœur brisé en mille morceaux à chaque fois que Belle, si intelligente et si dévouée, se met en danger pour protéger son petit Sébastien et sa famille …
En bref, vous l’aurez bien compris, derrière l’apparente simplicité et banalité de ce récit se cache une histoire incroyablement puissante, riche en émotions et en rebondissements. Rares sont les livres à m’avoir transportée à ce point : on s’y croirait vraiment, on a le sentiment qu’il nous suffit de tendre la main pour effleurer cette grande chienne blanche, qu’il nous suffit d’inspirer un bon coup pour inhaler l’air pur des montagnes, qu’il nous suffit de faire un pas de travers pour manquer tomber au fond de la crevasse. Dans ce livre, il y a vraiment la douceur et la rudesse de la vie, de la nature humaine. C’est parfois beau, parfois moche, parfois drôle, parfois triste. Ce n’est peut-être plus « à la mode », mais je n’en ai que faire : je trouve vraiment ce livre extraordinaire, bien plus profond que nombres d’ouvrages sortis de nos jours. Et mieux écrit également, car à l’époque de Cécile Aubry, on connaissait la force des mots et on évitait de les utiliser à mauvais escient (c’est d’ailleurs l’une des choses que j’apprécie tant chez le vieux César : il ne parle jamais pour ne rien dire). Bref, avis à tous ceux qui n’ont pas peur de la « ringardise » supposée : découvrez sans hésiter ce livre, ainsi que la série qui va avec !
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