samedi 15 février 2020

Victoria rêve - Timothée de Fombelle


Victoria rêve, Timothée de Fombelle

Editeur : Gallimard jeunesse
Nombre de pages : 105

Résumé : Victoria voulait une vie d'aventure, une vie folle, une vie plus grande qu'elle. Et l'on disait tout autour d'elle : "Victoria rêve". Mais, depuis quelque temps, un monde imaginaire débarquait dans son existence. Elle avait l'impression d'une foule de personnages qui descendaient de sa bibliothèque en rappel pour venir semer leur pagaille. Victoria voulait savoir ce qui lui arrivait. Y avait-il un lien avec les livres qui disparaissaient de sa chambre ? Toutes ces pages étaient-elles en train de se glisser à l'intérieur de sa vie ? Cela devenait sérieux, étourdissant, comme une invasion.


- Un petit extrait -

« Personne n'est obligé de croire ce qu'il va suivre. On a toujours le droit de ne pas croire ce qui est écrit dans les livres. »

- Mon avis sur le livre -

Avant l’ouverture du blog, je consommais avidement les livres plus que je ne les savourais : je passais d’un roman à l’autre, comme on mange machinalement un grain de popcorn après l’autre. Résultats des courses : je ne me souvenais à peine du contenu de mes lectures quelques semaines après, et cela même si je tenais assez rigoureusement ma petite liste de « livres lus au cours de l’année ». Maintenant que je prends le temps de réfléchir au contenu de ma chronique, maintenant que je m’oblige à rédiger ladite chronique avant d’entamer une nouvelle lecture, je me rends compte que j’ai bien plus de souvenirs de toutes mes lectures. C’est comme si chaque roman m’habitait en profondeur, alors qu’auparavant ils ne faisaient que passer. Désormais, chaque personnage, chaque histoire, a sa place dans mon cœur, et même si je ne me souviens pas de chaque petit détail, je n’oublie plus que j’ai lu tel ou tel livre … Alors que j’avais complétement oublié que j’avais déjà lu Victoria rêve peu de temps après l’avoir acheté : ce n’est qu’en le (re)lisant que je suis dit « mince, ça me dit quelque chose ! ».

Victoria rêve. C’est ce que tout le monde dit d’elle. Ses parents, ses professeurs, ses camarades de classe, la bibliothécaire, la boulangère même.  Victoria rêve d’une vie d’aventures, d’une vie de mystères, d’une vie de folies. D’une vie plus palpitante que sa simple vie de collégienne, avec son père qui travaille dans le pâté et sa sœur incapable de profiter de son voyage scolaire en Italie. Victoria rêve d’être l’héroïne d’un roman, elle qui passe son temps à vivre par procuration les aventures des héros de ses lectures. Mais quand ses livres disparaissent un à un, quand le petit Jo débarque pour lui demander où se cachent les Trois Cheyennes, et quand son père se métamorphose en cow boy, Victoria se demande si elle ne préférait pas sa petite vie toute plate mais prévisible …

Sur la première page, on nous dit que ce roman est « un petit livre sur les grands livres qui nous habitent », qui « dit la force de la lecture et de l’imaginaire aujourd’hui, envers et contre tout ». Victoria, c’est donc toi, c’est donc moi. C’est donc tous les lecteurs et lectrices de ce monde, qui, à chaque fois qu’ils ouvrent un livre, plongent corps et âmes dans l’histoire qui se cache au cœur des pages. Comme beaucoup de lecteurs et lectrices, Victoria se sent à l’étroit dans sa petite vie bien banale, bien tranquille, bien ordinaire. Sa petite vie qui n’a rien de plus que celle du voisin de droite, du voisin de gauche, du voisin de derrière. Elle voudrait « une vie plus grande qu’elle », une vie différente. Alors elle lit, et elle rêve. Mais personne ne comprend ses rêves, personne ne comprend son amour pour la lecture. Face à la réticence de sa mère, qui trouve que ça fait quand même beaucoup d’aller à la bibliothèque deux jours de suite, Victoria se demande où se trouve le danger mortel à se rendre si régulièrement à la bibliothèque … Mais chez Victoria, la seule touche de fantaisie qui ai jamais franchi le pas de la porte, c’est deux pas de tango par ses parents. Alors vous imaginez bien que l’imaginaire n’y est pas à sa place !

Jusqu’au jour où tout bascule. Des livres disparaissent. Trois Cheyennes sont en cavale. Et son père se transforme en cow boy. Au début, tout comme Victoria, on a le sentiment que toute la magie de ses romans favoris s’est échappée pour influer sur sa vie … Et elle qui désirait tant vivre de grandes aventures ne sait plus quoi penser de tous ces chamboulements. Et le lecteur non plus, d’autant plus qu’au fil des pages, on se rend compte que les choses sont loin d’être ce qu’elles paraissent être … Entre quiproquos et secrets, l’imaginaire de Victoria se fissure progressivement. Jusqu’à présent, Victoria rêvait, comme seuls savent le faire les enfants … mais Victoria grandit. Et elle découvre « la beauté de certaines choses de sa vie ». Elle ne dit pas adieu à ses rêves, car personne ne devrait jamais dire adieu à ses rêves, mais pour la toute première fois, Victoria se sent prête à vivre, et non plus seulement à rêver. Et surtout, Victoria prend conscience qu’elle n’est plus, qu’elle n’est pas, seule. Il y a le petit Jo, il y a ses parents, et même sa sœur. « Ensemble, tout pouvait s’arranger ». Même si la vie n’est pas aussi douce que les contes, même si la vie n’est pas aussi trépidante que les romans, elle vaut la peine qu’on la vive, et non pas qu’on l’éclipse derrière les rêves …

En bref, vous l’aurez bien compris, c’est un petit récit plein de douceur et de poésie que nous offre l’auteur. Véritable apologie de l’imaginaire et de ses serviteurs les livres, ce roman invite également à vivre pleinement notre vie « ordinaire ». Il aborde avec beaucoup de délicatesse la question délicate du chômage, tout en nous relatant une très jolie histoire d’amitié entre Victoria et le petit Jo. Sur bien des points, j’ai beaucoup aimé ce bref récit, mais je dois cependant reconnaitre rester un peu sur ma faim : il m’a manqué un petit quelque chose pour m’attacher réellement à Victoria, il m’a manqué un petit quelque chose pour savourer véritablement cette histoire. La fin est trop brutale, trop abrupte. Tout s’effondre trop vite. Peut-être est-ce parce que Victoria est finalement bien trop âgée pour s’inventer de telles histoires, peut-être est-ce parce que tout semble un peu trop rocambolesque, peut-être est-ce parce que le roman est trop court, toujours est-il que le final ne m’a pas convaincue … Ça reste une jolie lecture, mais loin d’être aussi exceptionnelle que je ne l’espérais au premier abord.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire