La mission de Sennar
Editeur : Pocket Jeunesse (PKJ)
Nombre
de pages : 457
Résumé : Convaincu que le Monde Émergé ne peut plus
résister seul aux armées du tyran, Sennar le magicien supplie le Conseil des
Mages de le laisser partir à la recherche du Monde Submergé. Là, il pourra
obtenir l'aide de ses habitants. Or, ce continent a rompu tout contact avec le
Monde Émergé depuis plus d'un siècle. Et Sennar ne dispose pour s'y rendre que
d'une ancienne carte à demi effacée par le temps... De son côté Nihal, la jeune
guerrière aux cheveux bleus, poursuit son apprentissage de chevalier du dragon.
Mais le souvenir de Sennar, qu'elle a blessé au visage lors de leur dernière
entrevue, la hante douloureusement...
- Un petit extrait -
« Une fois sur place, Laïo déposa Nihal sur son lit, se frotta les yeux et alla dormir en bâillant à s'en décrocher la mâchoire. La demi-elfe entrouvrit les yeux. Elle distingua sa chambre et le gnome qui la couvrait d'un drap. Tout avait des contours flous, irréels. Et elle avait l'impression qu'il y avait une tempête dans son estomac.D'un coup, elle se sentit triste comme jamais.- Ido..., bredouilla-t-elle. Je suis mal...- Ne t'inquiète pas, jeune fille. Un bon somme, et tu seras comme neuve.Une larme coula le long de la joue du jeune chevalier du dragon :- Non, non. Je suis un être méprisable...- Mais qu'est-ce que tu racontes ?- Un idéal, une cause... Je n'ai même pas de cause à défendre...- Oh ! Dieux du ciel ! s'exclama le gnome. Tu as juste pris une bonne cuite ! Dors, Nihal. Tout va bien. Dors. »
- Mon avis sur le livre -
Parmi mes bonnes résolutions littéraires de l’année
2020, il y a « avoir moins de sagas en cours ». Quand j’ai posé cet objectif,
l’idée était surtout de ne pas commencer trop de nouvelles sagas (maximum 24)
et de poursuivre celles que j’avais déjà commencées (minimum 12) … Et
finalement, je me retrouve à fouiller dans les méandres les plus abyssales de
ma pile à lire pour trouver des sagas courtes (duologies ou trilogies) que je
peux m’enchainer d’une traite ! On va dire que l’objectif est tenu à
moitié : mon nombre de sagas en cours n’augmente pas (vu que ces sagas ne
font qu’un passage express dans cette catégorie avant de rejoindre rapidement
celle des sagas terminées), mais il ne baisse pas non plus ! Mais
clairement, quel bonheur de pouvoir lire d’un bout à l’autre toute une saga
sans être interrompue par l’arrivée impromptue d’un service presse ou par une
consigne éphémère sur un challenge : j’aime les longues sagas, mais il
faut reconnaitre que les courtes ont ce grand avantage d’être bien plus
pratique pour ceux qui, comme moi, préfère lire tous les tomes à la suite !
Les troupes du Tyran ne cessent de gagner du
terrain, et bientôt, les Terres Libres seront contraintes de battre en retraite
… Pour mettre fin à cette guerre, Sennar ne voit qu’une solution :
demander de l’aide aux habitants du Monde Submergé, qui ont rompu tout contact
avec le Monde Emergé depuis plusieurs décennies. L’entreprise est risquée :
nul ne sait réellement où se situent ces Terres légendaires … Mais le jeune
magicien, nouvellement promu Conseiller, est bien décidé à aller jusqu’au bout
de sa mission, quoi qu’il lui en coute. De son côté, après bien des mois et des
mois d’éprouvant apprentissage, Nihal est à deux doigts de devenir enfin
officiellement un Chevalier du Dragon. Mais la joie de devenir enfin la
guerrière accomplie qu’elle a toujours rêvé d’être ne suffit pas à lui faire
oublier le vide au cœur qu’elle ressent depuis le départ de Sennar, qu’elle a
blessé au visage dans un accès de colère. Et le poison de la vengeance et de la
haine ne cesse de gagner du terrain dans son esprit : saura-t-elle trouver
la paix avec elle-même avant de conquérir la paix pour le Monde Emergé ?
La plus grande et la plus belle surprise de
ce second tome, c’est assurément la « promotion » de Sennar qui passe
d’acolyte de l’héroïne à personnage principal ! Quel plaisir de suivre le
jeune homme dans sa quête : il est bien plus discret et réservé que Nihal,
bien plus humble et réfléchi également, et cela fait du bien, un héros aussi
simple … Un héros qui se défend de l’être, d’ailleurs, même si je considère
très personnellement qu’il mérite amplement ce titre ! Car croyez-moi, sa
mission ne sera pas de tout repos, et j’ai plus d’une fois trembler d’effroi :
les embûches qui se dressent sur son chemin sont absolument terrifiantes, et j’ai
plus d’une fois eu peur pour lui – même si je me rassurais en me répétant que l’autrice
n’allait pas faire soudainement de lui un personnage principal pour le faire
mourir quelques dizaines de pages après. Et même arrivé à destination, Sennar
doit encore faire face à la méfiance et à la haine d’un peuple qui s’est retiré
du Monde Emergé justement pour ne plus avoir affaire à la guerre … Bien que
cette escapade au sein du Monde Submergé ne soit pas bien long, je trouve qu’il
est toutefois assez intéressant, car même dans un peuple né d’un idéal de paix
et de justice, les inégalités, les discriminations et les abus de pouvoir
prennent rapidement le dessus …
Parallèlement à cette quête de paix effectuée
par Sennar, les chapitres consacrés à Nihal nous plonge droit dans la réalité
crue de la guerre. La guerre dans tout ce qu’elle a de plus horrible : ici,
point de descriptions grandiloquentes qui exaltent la beauté des batailles
comme c’est trop souvent le cas en fantasy, mais juste la mort et la douleur.
Une bataille est tout sauf belle. C’est d’ailleurs cela qu’Ido veut absolument
mettre dans le crâne de son élève, qui a encore trop cette tendance à se
régaler de chaque combat, à se perdre dans cette extermination mécanique de
l’adversaire. J’aime beaucoup voir comment Nihal lutte contre ce démon
intérieur qu’est la soif de vengeance et le gout du sang … et j’aime d’autant
plus le fait qu’elle ne réussit clairement pas du premier coup à se débarrasser
de cette ivresse morbide. J’aime également énormément l’autre facette de sa
personnalité, plus sensible. J’aime sa façon de veiller farouchement à Laïo,
son seul ami à l’Académie qui a besoin de son soutien pour oser affronter son
père et tracer son propre chemin. Elle agit un peu en grande sœur, un peu trop
dévouée car incapable de s’empêcher d’agir, mais franchement attentionnée, et
je trouve leur relation vraiment émouvante …
C’est donc un délicat équilibre entre action
et émotion que nous propose l’autrice avec ce second tome, que j’ai trouvé bien
meilleur encore que le premier. Peut-être, tout simplement, parce que nos
jeunes héros ont murit : Nihal a beau être toujours aussi impulsive et
rongée par la haine, elle est clairement plus mature, elle se pose plus de
questions sur le sens de son existence et sur les raisons qui la poussent sur
la voie du combat. Elle souffre, et on souffre avec elle, car malgré tous ses
défauts, elle reste tellement attachante ! Ce tome, c’est aussi celui de
la vérité. La vérité qui blesse, qui détruit tout sur son passage. Celle qu’on
aurait peut-être préféré ignorer, même si on avait besoin de la connaitre. Les
révélations et découvertes sont nombreuses dans ce tome, et on pressent qu’elles
auront une grande importance et incidence sur la suite de l’histoire … En
effet, ce tome a beau être passionnant, captivant et palpitant, il n’en reste
pas moins qu’il ne fait pas véritablement avancer la lutte contre le règne du
Tyran : on a parfois l’impression de piétiner, tout comme l’armée fait du
surplace pour maintenir laborieusement sa position sans céder du terrain, mais
sans en gagner non plus. C’est un tome axé sur le découragement grandissant,
cette impression que ça ne sert à plus rien de lutter contre l’inéluctable … Et
on ne sait plus quoi espérer pour la suite et fin.
En bref, vous l’aurez bien compris, ce
deuxième opus est indiscutablement plus palpitant que le premier, malgré
quelques petites longueurs dans la dernière partie et quelques inévitables
facilités scénaristiques qui feront tiquer les lecteurs les plus exigeants. Avec
ce livre, j’ai tremblé d’effroi, j’ai écarquillé les yeux d’émerveillement,
j’ai soupiré de découragement et enfin, j’ai soufflé de soulagement … Difficile
de vous dire avec précision pourquoi cette histoire me captive tant, pourquoi
elle me plait tellement, mais une chose est sûre et certaine : cette
trilogie est vraiment une petite pépite de la fantasy pour adolescents. Elle
est certes bien plus sombre, bien plus dure que d’autres, mais elle est surtout
bien plus intéressante, car elle pose de grandes questions. Donner un sens à sa
vie, cela ne concerne pas uniquement les guerriers d’heroic fantasy qui doivent
savoir au nom de quoi ils se battent : c’est une question qui rejoint les
interrogations de tous les jeunes à un moment donné. De même, les thématiques
de l’amitié, du pardon, de la paix, de la justice … sont universelles et
peuvent facilement trouver un écho dans le quotidien du lecteur. Bref, c’est un
deuxième tome très haletant qui se dévore du début à la fin : un régal !
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