Editeur : Folio SF
Nombre
de pages : 703
Résumé : Un groupe d'élite, formé dès l'enfance à
faire face, part des confins d'une terre féroce, saignée de rafales, pour aller
chercher l'origine du vent. Ils sont vingt-trois, un bloc, un nœud de courage :
la Horde. Ils sont pilier, ailier, traceur, aéromaître et géomaître, feuleuse
et sourcière, troubadour et scribe. Ils traversent leur monde debout, à pied,
en quête d'un Extrême-Amont qui fuit devant eux comme un horizon fou.
- Un petit extrait -
« Qu'importe où nous allons, honnêtement. Je ne le cache pas. De moins en moins. Qu'importe ce qu'il y a au bout. Ce qui vaut, ce qui restera n'est pas le nombre de cols de haute altitude que nous passerons vivants. N'est pas l'emplacement où nous finirons par planter notre oriflamme, au milieu d'un champ de neige ou au sommet d'un dernier pic dont on ne pourra plus jamais redescendre. N'est plus de savoir combien de kilomètres en amont du drapeau de nos parents nous nous écroulerons ! Je m'en fiche ! Ce qui restera est une certaine qualité d'amitié, architecturée par l'estime. Et brodée des quelques rires, des quelques éclats de courage ou de génie qu'on aura su s'offrir les uns aux autres. Pour tout ça, les filles et les gars, je vous dis merci. Merci. »
- Mon avis sur le livre -
Certains livres ont plusieurs histoires :
celle, bien sûr, qu’ils abritent au cœur de leurs pages, celle qui vit à
travers l’encre couchée sur le papier … mais aussi, celle de l’objet en
lui-même, du chemin qu’il a fait pour atterrir sur nos étagères, dans nos vies.
La Horde du Contrevent fait
partie de ces livres : il a, avant tout, une histoire sentimentale. C’était
dans le cadre d’un Secret Santa sur un jeu en ligne, on devait chacun trouver
un petit cadeau pour notre protégé … De base, c’était plutôt des cadeaux « virtuels »,
sur le jeu en question. Mais non, moi j’ai eu la surprise de recevoir un petit
quelque chose dans ma boite aux lettres. Et ce petit quelque chose était un
livre. De science-fiction. Qui me faisait de l’œil depuis des mois. Bref, mon
petit Dragon de l’espace, si par
hasard tu lis cet article, sache que même si j’ai mis plus d’une année avant de
m’y mettre (parce que bon, un pavé de ce gabarit, il faut trouver le courage de
s’y plonger), tu m’as fait l’un des plus beaux cadeaux de ma vie … Parce
que, autant le dire dès maintenant, ce livre, je l’ai tout simplement adoré !
Cela fait des dizaines d’années que la 34ème
Horde a quitté l’Extrême-Aval pour contrer, jour après jour, mètre après mètre,
l’infatigable Vent qui balaye tout sur son passage. Comme leurs parents,
grands-parents et aïeuls avant eux, ils sont entrainés depuis leur plus jeune
enfance et ont pour mission de progresser toujours plus vers l’Extrême-Amont,
là où se forment les bourrasques, les brises et les tempêtes, là où nul n’a
encore jamais réussi à se rendre. Ils sont vingt-trois, et ne forment qu’une
seule entité, muée par une seule force : contrer. Coute que coute. Envers
et contre tout. Ils sont aéromètre, traceur, sourcière, scribe, troubadour,
fauconnier, soigneuse … Ils sont vingt-trois et ne dépendent de rien ni de
personne pour avancer hormis d’eux-mêmes. Tout leur être est tourné vers cet
Extrême-Amont qui les nargue au bout du chemin, un chemin qu’ils tracent
eux-mêmes à chaque pas, un chemin qui semble ne pas avoir de fin. Mais ils
contrent, encore et toujours, sans faillir, sans défaillir, car ils ne peuvent
se le permettre : leurs traineaux sont remplis de vœux, confiés par ceux
qu’ils croisent pour qu’ils les confient à l’Extrême-Amont, et sur leurs épaules
reposent cette tâche de découvrir l’origine du vent.
Difficile de vous parler de ce livre qui ne ressemble
à aucun autre … Car, plus que n’importe quel autre, c’est un livre qui se vit
plus qu’il ne se lit. Vous ne pouvez pas vous contentez de le lire comme vous
liriez un quelconque récit de science-fiction ou d’aventure … car,
indiscutablement, La Horde du Contrevent est bien plus qu’un simple récit de science-fiction ou d’aventure.
Alors bien sûr, il y a, comme fil rouge, l’histoire de cette Horde, de ces
vingt-trois individus qui progressent dans leur quête, dans leur voyage, dans
leur lutte. Il y a les épreuves et les embûches qui se dressent sur leur
chemin, qui parsèment l’intrigue de ces nœuds essentiels à tout récit d’aventure.
Ce livre ne serait rien sans ce fil rouge, cette histoire, qui porte et
supporte tous les autres aspects de ce livre à nul autre pareil. Pour certain,
cette histoire ne sera qu’un prétexte, pour d’autres, elle sera au contraire le
cœur du texte. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse quant à cette
question, car c’est un livre qui trouve obligatoirement un écho différent dans
l’esprit et le cœur de chaque lecteur. Car, je le redis une nouvelle fois, c’est
un roman qui exige beaucoup de son lecteur, qui exige une implication sans
faille.
Car de la même manière que Golgoth, Sov,
Orosho ou Coriolis contrent les rafales et autres coups de vent pour progresser
vers l’Extrême-Amont, le lecteur va devoir contrer, lui aussi, pour progresser
dans ce livre. Page après page, le lecteur devient à son tour un hordier,
tandis qu’il fait progressivement la connaissance de chaque protagoniste,
tandis qu’il découvre progressivement la rudesse de ce monde dévasté par les
vents incessants. Pour cela, le lecteur n’a d’autre choix que de s’accrocher,
pour tenter de reconnaitre chaque personnage à sa seule façon de parler, de raconter,
de penser. Car c’est bien là tout le génie de Damasio, qui a réussi l’incroyable
pari de donner une voix différente à chacun de ces personnages : le style
dansant et ondoyant de Caracole ne ressemble nullement à la rudesse quelque peu
grossière qui habite les phrases de Golgoth. Jamais je n’ai vu un auteur manier
les mots avec autant d’audace et de finesse : il semblerait que Damasio
joue avec le langage comme les oiseaux jouent avec le vent. Je suis tout
simplement impressionnée par sa maitrise du rythme et des sonorités. Bien plus
qu’une simple aventure, c’est une véritable expérience littéraire que ce maitre
des mots nous invite à vivre.
Mais il y a plus encore, comme si ce n’était
pas suffisant. Damasio ne se contente pas de nous raconter une histoire
extraordinaire par le biais d’une narration exceptionnelle. S’il n’y avait que
cela, La Horde du Contrevent ne serait qu’un bon livre au milieu d’autres bons livres : après
tout, des récits originaux portés par des plumes originales, il en existe d’autres
– bien qu’aucun ne se hisse à ce niveau, à mon humble avis. Non, ce qui fait
toute l’unicité de ce livre, ce n’est pas seulement son histoire, ce n’est pas
seulement sa narration, ce n’est pas seulement non plus la combinaison des
deux. Il y a un troisième élément, le plus essentiel sans doute, mais
indiscutablement le plus insaisissable également. Car il faut voir au-delà.
Voir ce qui se cache au-delà de l’histoire. Au-delà de cette quête de l’Extrême-Amont,
de cette lutte perpétuelle contre le vent. Damasio nous offre ici un monde
entier de symboles … au lecteur de faire la deuxième partie du travail et de
chercher le sens profond de tout ceci. D’opérer au parallèle. Et d’en tirer
toutes les conséquences. Les répercussions. Les leçons et les questionnements.
Je pense qu’il me faudra plusieurs lectures pour commencer à entrevoir ne
serait-ce qu’une bribe de ce que l’auteur veut nous transmettre. Et plus encore
pour l’assimiler. C’est un livre exigeant, vous disais-je : le lecteur ne
peut pas juste rester passif. Car ce livre l’obligera à réfléchir, sur
lui-même, sur le monde, sur la vie.
En bref, vous l’aurez bien saisi, c’est un
livre tout simplement remarquable, mémorable, incomparable. Avec ce livre, je
découvre un auteur qui est à la fois conteur, poète et philosophe. Et je suis
conquise, tout simplement. Conquise et ébahie, admirative également. Alors bien
sûr, ce n’est pas un livre à mettre entre toutes les mains, car c’est un livre
difficile à lire : il faut s’accrocher, persévérer. Il ne fait aucun doute
que ceux qui aiment les récits bourrés d’actions et de rebondissements auront
surement du mal avec la lenteur de cette quête à la limite de l’onirisme. Il ne
fait aucun doute également que les plus réfractaires à la science-fiction et à
la fantasy auront probablement du mal à accepter de se plonger dans cet univers
hors du temps et de l’espace. De même, ceux qui ne jurent que par les romans
feel-good et autres lectures-détente auront assurément du mal avec la complexité
et la profondeur de ce récit. Et enfin, ceux qui sont trop rebutés par l’originalité,
la nouveauté, l’étrangeté, l’excentricité, ne pourront qu’être effrayés face
aux expériences littéraires auxquelles se prêtent Damasio … Pour ma part, je
suis sous le charme, et j’ai bien envie de me procurer les autres livres de l’auteur !
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